Pauline a 92 ans. Ses vieilles amies sont toutes mortes, ou à peu près. Au fur et à mesure, elle a dû en conquérir de nouvelles. Inconsciemment ou pas, elle les a choisies plus jeunes. Enfin, du haut de ses 92 ans, tout le monde lui paraît jeune. Tout en tricotant des foulards de laine, elle distribue ses conseils à la ronde sur l'a b c d'une sexualité épanouie. Elle sait envoyer des courriels aussi bien que réconcilier ses petites-filles en brouille. Elle ne sort plus, sauf pour de rares rendez-vous médicaux, et encore. Pourtant, c'est toujours elle qui mène la conversation.

«C'est pas avec des bêtises qu'on se fait des amies», lance-t-elle quand les gens lui demandent comment elle fait pour être aussi bien entourée.

Pauline aurait très bien pu se trouver parmi les 40 Canadiens de 75 à 103 ans interviewés par l'auteure Lyndsay Green pour son livre You Could Live a Long Time: Are You Ready?

Et se préparer à vivre vieux, ça ne signifie pas seulement accumuler des REER.

Il faut des amis, beaucoup d'amis, et mieux vaut y penser plus tôt que tard et s'en faire beaucoup. Si c'était à refaire, Stanley avoue qu'il entretiendrait mieux ses amitiés. «J'étais pas mal centré sur moi-même et mes amis se sont graduellement éloignés.»

Plus on vieillit, plus on doit être charmant, cultiver l'art de la conversation, apprendre à pardonner et s'assurer de continuer de vivre de nouvelles expériences, afin de ne pas passer son temps à parler du passé.

Betsy, elle, insiste sur l'importance de ne jamais retarder de beaux projets. «Mon grand regret, c'est que mon mari et moi avons reporté à plus tard les petits plaisirs. Et là, il est mort. Nous aurions dû saisir plus d'occasions de nous amuser et de voir des amis.»

Pour sa part, Marie suggère, à partir d'un certain moment, de ne plus jamais révéler son âge. Sinon, dit-elle, ça devient le seul sujet de conversation (il faut dire que Marie a 100 ans!).

Marie, tout comme Hugh, fait observer, par ailleurs, que ce n'est pas parce qu'on est vieux qu'on peut s'habiller mal. Il faut rester coquet.

Pauline ajouterait ici un conseil qu'elle répète sans cesse: «Plus on vieillit, plus il faut se laver souvent.»

Lyndsay Green consacre d'ailleurs tout un segment à la question. Parce que s'il y a tant d'annonces de produits pour l'incontinence à la télévision, c'est que le problème n'est peut-être pas si rare...

Plus fondamentalement, plusieurs signalent l'importance, avant un certain âge, de se demander très sérieusement si notre conjoint est le bon. Parce que quand il tombera malade, il faudra que l'amour soit vraiment très fort pour sacrifier sa vie à s'occuper de lui. Et si c'est vous qui tombez malade, vous avez intérêt à être avec celui qui vous tiendra la main quand les temps se font plus durs.

Dans sa cinquantaine, Jeanette raconte avoir eu un coup de foudre pour un autre homme. Par égard pour ses enfants, par loyauté pour son mari, elle n'a pas succombé, et s'en félicite. «Après 68 ans, j'ai eu plein de problèmes médicaux. Je me suis fait opérer au coeur, au côlon, j'ai été à demi paralysée pendant des mois, et alouette. Mon amant n'aurait jamais pris soin de moi comme mon mari l'a fait.»

Autre conseil: apprécier l'autre avant qu'il ne soit trop tard. «Mon mari est mort l'année dernière des suites d'un cancer du foie, raconte Trudy. Il est mort trois semaines après le diagnostic. Il me manque beaucoup. Si je pouvais revenir en arrière, je serais 10 fois plus gentille avec lui. C'est mon grand regret.»

«Un de mes amis se plaint toujours que son mari est paresseux, dit Betsy. Moi, je lui dis: "Écoute, il est vieux. Tu sais bien que Fred a toujours été travaillant. S'il retourne au lit, c'est qu'il est crevé, c'est tout."»

Il y a encore Deirdre qui, à 80 ans passés, raconte qu'elle voit un psychologue avec son homme pour régler quelques problèmes de couple.

Être vieux, cela veut dire accepter, accepter tout le temps, rappelle l'auteure. Accepter d'accompagner sur leur lit de mort son conjoint ou ses amis, quand ce n'est pas ses enfants ou même ses petits-enfants. C'est accepter d'entendre moins bien et de rater, parfois, les annonces de départ dans les aéroports. C'est se résigner, aussi, à marcher avec une canne. C'est accepter, dans une randonnée, de ne plus être celui qui galope devant. C'est accepter que des mots nous échappent. C'est accepter aussi, parfois, comme Peter qui a voulu travailler au-delà de 75 ans, d'être surqualifié pour les postes occupés.

Finalement, plus on avance dans la lecture, moins on a le goût de vieillir longtemps, surtout quand on lit le récit de Betty, âgée de 90 ans.

«J'ai eu une crise cardiaque à 78 ans. Il y a quelques années, j'ai cassé mon poignet et mon bassin. J'étais censée prendre une marchette, mais je n'ai rien voulu savoir et je me suis cassé la hanche. J'ai des vis dans les deux poignets et une côte en moins de chaque côté. Comme je fais des drôles de chutes - moi, je tombe toujours par en arrière -, je me suis écrasé des vertèbres. J'ai aussi dû me faire enlever une bosse et me faire opérer à la vessie.»

Accessoirement, Betty souffre d'ostéoporose et d'une tension artérielle élevée.

La grande question, en conclusion: mais comment fait-on, au juste, pour continuer de sourire, d'être charmante et avenante, bref, de ne pas être gâteuse, quand le coeur bat toujours, mais que tout le reste fout le camp?