Les baby-boomers ne ressentent pas le poids des années. Au contraire.

Au Québec, les personnes de 50 à 64 ans se sentent plus jeunes de 10 ans. Et elles n'ont pas l'intention de se considérer comme vieilles avant d'avoir soufflé 80 bougies, révèle un sondage mené par la firme CROP pour le compte de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), que La Presse a obtenu et qui sera rendu public aujourd'hui.

Quand on demande aux baby-boomers où ils voudraient vivre si leur état de santé ne leur permettait plus de subvenir à leurs besoins, près de trois sur quatre (72%) voudraient rester chez eux et recevoir des soins à domicile. Et les baby-boomers sont très indépendants: la moitié (48%) estime que leur bien-être dépendra d'eux-mêmes une fois le cap des 75 ans passés. Et au pire, soit dans une proportion de 29%, ils pourront compter sur eux-mêmes, sur leurs parents et amis ou, en dernier recours, sur les gouvernements.

La firme CROP a sondé par l'internet un échantillon représentatif de 686 Québécois nés entre 1946 et 1960. En moyenne, ils ont eu 1,5 enfant et estiment à 50 800$ leur revenu annuel familial avant impôts. Selon leur perception de leur vieillesse, ils ont été classés en cinq types par la firme de sondage: le choyé, l'indépendant, le dépendant, l'autruche et l'exclu.

On s'en doute, si le choyé ou l'indépendant (43% des répondants) estiment qu'ils auront les moyens de bien vivre dans leurs vieux jours et qu'ils seront bien entourés, il en va tout autrement du «dépendant potentiel» (21%), de «l'autruche», qui ne se préoccupe pas de sa vieillesse (19%), et de «l'exclu», qui se voit vieillir isolé, pauvre et en mauvaise santé (16%).

Devant ces données, la directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis, entend interpeller les gouvernements afin de lancer un grand chantier sur le vieillissement au Québec auquel seraient appelés à participer les municipalités et les groupes communautaires.

«Il va falloir revoir notre offre de service, a expliqué Mme Denis à La Presse. Ça va être notre nouvelle clientèle, une clientèle qui nécessitera des soins à domicile. Il faut aussi faire de la prévention pour garder les baby-boomers en santé. Et se concerter autour de ce qu'on appelle les proches aidants.»

Le pouvoir gris

Le sondage mené pour l'AQESSS rejoint les travaux d'un professeur au département de démographie de l'Université de Montréal, Jacques Légaré, qui prévient que les baby-boomers sont reconnus pour avoir «une grande gueule» et qu'ils n'ont «certainement pas dit leur dernier mot».

«On va voir naître des résidences, un genre de coopératives où les gens vont se regrouper pour se payer des services et surtout ne pas dépendre de l'État. La dernière chose qu'ils veulent, c'est être obligés de souper à 17h. Ils vont donc exiger des soins à domicile, des transports communautaires et même des journaux avec des caractères plus gros», dit le professeur.

Jacques Légaré parle de ce qu'on appelle aux États-Unis la silver economy, ou pouvoir gris: «La retraite et la vieillesse, ce n'est plus la même chose, ajoute-t-il. Les baby-boomers sont plus revendicateurs que la génération précédente, il est clair qu'ils ne se laisseront pas influencer. Ils ne se laisseront pas parquer dans des mouroirs, et la plupart ont les revenus pour obtenir ce qu'ils veulent.»