Âgés de 8 à 12 ans, les élèves de Diane Turcot n'ont pas la vie facile. Certains sont sévèrement négligés, voire violentés à la maison. D'autres sont hyperactifs, dysphasiques ou atteints d'une légère déficience intellectuelle. Pour eux, apprendre à calculer et à écrire, c'est l'Everest. Depuis que Maggie est à leurs côtés, la montée semble moins ardue et surtout beaucoup plus agréable.

Maggie, c'est la coqueluche de l'école primaire Chénier à Anjou. Elle fréquente l'établissement depuis cinq ans à raison de deux à quatre jours complets par semaine. Dans le cadre d'un programme de zoothérapie, l'énergique chienne, mi-labrador mi-bouvier bernois, tisse des liens privilégiés avec les élèves d'adaptation scolaire qui en tirent une grande fierté.

 

«J'avais déjà eu un canard à l'école et j'ai vu le bien que ça faisait aux enfants. Quand j'ai adopté Maggie, c'était dans le but d'en faire profiter les enfants», indique Diane Turcot, enseignante et orthopédagogue. Chaque élève a un plan d'intervention individualisé avec des objectifs à atteindre à plus ou moins long terme.

Comportementaliste canin et formateur en zoothérapie, Jean Lessard est le maître d'oeuvre du programme de zoothérapie à l'école Chénier. Avec le psychologue Georges-Henri Arenstein, il vient de publier La zoothérapie, nouvelles avancées. «La zoothérapie est en plein essor. Cependant, il y a encore des réticences à faire entrer un animal dans les établissements comme les écoles et les hôpitaux. On craint les maladies et les allergies et on connaît encore mal la zoothérapie. Ses bienfaits commencent à peine à être documentés.»

On confond souvent zoo-animation et zoothérapie, selon Jean Lessard. «La zoo-animation consiste à apporter bien-être et réconfort par le contact d'un animal, et ce, sans visée précise, explique-t-il. La zoothérapie s'articule plutôt autour d'un programme établi avec des intervenants en suivant des objectifs précis.»

Une histoire de confiance

À l'école Chénier, la mission première de Maggie est de donner confiance aux enfants et de favoriser leur estime personnelle. «Ils sont fiers d'avoir un chien. Ils s'occupent de Maggie, la nourrissent, gardent la classe propre. Ça les responsabilise, c'est un travail d'équipe. La dynamique de groupe en est grandement améliorée, ils ont quelque chose en commun», affirme Diane Turcot.

«On veut qu'ils établissent une relation affective avec Maggie, dit l'enseignante. Lorsqu'il y a des conflits, elle calme les tensions. Les élèves réalisent que Maggie les aime tous. Sa présence les réconforte.»

Les nombreux dessins accrochés dans l'enclos témoignent de l'attachement des enfants envers leur pensionnaire à quatre pattes. «Quand ils réussissent un tour avec Maggie, ça devient magique», ajoute Mme Turcot.

Dernier tour de piste

Récemment, la classe a présenté les fruits de ses efforts à quelques parents, élèves et enseignants. Sous les ordres plus ou moins convaincants d'une quinzaine d'apprentis dresseurs, Maggie s'est exécutée en suscitant des applaudissements nourris. «On a travaillé très fort, mais toujours dans le plaisir, dit Jean Lessard. Certains avaient très peur au début et maintenant ils travaillent avec Maggie sans problème. Ils ont surmonté cet obstacle. On espère qu'ils pourront transposer cette force ailleurs dans leur vie de tous les jours.»

Avec Roxanne et ses deux partenaires, la chienne a fait une danse latine. Avec Chrystelle et Batoul, elle a tourné sur elle-même. Avec Deborah, elle a marché sur un banc et sauté par-dessus. «Deborah avait de la difficulté à marcher, elle a peu à peu amélioré sa motricité grâce à cet exercice», indique Jean Lessard. Maggie a même fait des acrobaties et joué au soccer. «C'est un bon gardien de but, comme Halak. Ça prend de la patience, mais elle apprend assez vite», confie la jeune Karine.

Jean Lessard a enseigné aux élèves qu'on pouvait montrer des tas de trucs à Maggie... sans jamais la punir. «Ça a été un premier éveil de conscience, on a associé le plaisir à l'apprentissage.» Le programme de zoothérapie permet de favoriser l'attention et la concentration des élèves et d'améliorer les capacités de langage et la motricité. «Les compétences scolaires en sont améliorées. Ces enfants sont très motivés», se réjouit Diane Turcot. Certains sont même passés en classe régulière. «On ne sait pas si c'est l'effet Maggie, c'est difficile à prouver, mais ça n'a certainement pas nui à leur cheminement», avance Jean Lessard.

«Quand on m'a parlé de zoothérapie, j'étais sceptique. Je me demandais ce que ma fille en retirerait, confie Marie-Josée, la mère de Karine. C'est impressionnant ce qu'elle arrive à faire. En plus, ça lui fait du bien, ça la calme.» La grand-mère de Roxanne est du même avis. «Sa concentration s'est beaucoup améliorée. C'est fantastique, ce qu'ils font.»

À la fin de l'année scolaire, Diane Turcot prendra sa retraite. Maggie aussi. L'école Chénier n'entend pas poursuivre le programme. «C'est dommage, confie l'enseignante. En présence de Maggie, il faut voir la lumière dans les yeux de ces enfants. Ils en arrivent même à oublier leurs difficultés.»

La zoothérapie, nouvelles avancées. Jean Lessard et Georges-Henri Arenstein. Éditions Option Santé, 264 pages, 29,95$.