L'eau de la carrière de Flintkote est limpide mais un peu fraîche, à la veille du week-end de la manifestation Aquart. Le corps bien scellé dans un maillot conçu pour la plongée en eau froide, bien équipée de masque, palmes, bouteille et détendeur, je descends la «pente école» de cette ancienne mine d'amiante fermée en 1961. Pas de poissons ni coraux en vue, mais plutôt une suite de tableaux en suspension et quelques installations inspirées de l'esthétique naturelle des fonds marins. Des peintures aux couleurs de coraux, un alien inquiétant, des tableaux qui évoquent les abysses marins sont alignés vers un horizon bleuté, éclairé par les rayons du soleil.

Une galerie d'art sous-marine, dans une ancienne mine d'amiante: l'inventivité n'a pas de limite!

«L'objectif d'Aquart est de faire la promotion des artistes, des sports subaquatiques (plongée, apnée, monopalme) et aussi celle de l'environnement», laisse entendre Fabrice Vanhoutte, directeur d'Aquart. En 2008, ce plongeur émérite a pris le relais de l'organisation de cette jolie idée née deux ans plus tôt de l'initiative de Charlene Audrey Chouinard, artiste et plongeuse de Sherbrooke. Celle-ci a pensé qu'il serait chouette d'exposer des oeuvres d'art dans un écrin naturel sous-marin.

La première mouture d'Aquart, modeste et confidentielle, a piqué la curiosité d'une poignée de mordus des fonds marins habitués aux eaux frisquettes de la carrière Flintkote. Mais quatre ans plus tard, Aquart expose les oeuvres d'une quarantaine d'artistes. Une cinquantaine de pièces exposées sont signées Pascal Lecoq, artiste français qui crée des oeuvres surréalistes avec des personnages de plongeurs.

«Son oeuvre la plus connue, Corrida, montre un plongeur tout en bleu avec un drapeau de plongée, dans une scène de tauromachie avec un requin», explique Fabrice Vanhoutte, alors qu'autour de nous s'organisent les tentes où, aujourd'hui, demain et dimanche, se tiendront des conférences sur des thèmes comme l'art et environnement ainsi que des ateliers d'initiation à la plongée.

L'art en apesanteur

«Visiter une galerie sous-marine permet de voir des oeuvres en apesanteur et au milieu de nulle part», m'a avertie Fabrice Vanhoutte, avant notre immersion dans la galerie sous-marine. À 30 pieds au fond de la carrière, le plongeur et amateur d'art découvre des oeuvres (emballées sous vide) qui semblent sorties de nulle part, avec en prime une ambiance sonore tout aussi étrange offerte par des DJ sous-marins. Les oeuvres d'Aquart, indique-t-il, pourront être admirées par des novices qui préfèrent l'apnée ou encore des plongeurs d'expérience.

La carrière Flintkote, poursuit Fabrice Vanhoutte, est devenue au fil des ans une sorte de «passage obligé» pour ceux qui s'initient à la plongée au Québec. «Les certifications pour les niveaux débutants, avancés et spécialisés se font ici. La «pente école» ressemble à une piscine en milieu naturel. Dans la falaise, on peut aller jusqu'à 250 pieds de profondeur: le bonheur pour les plongeurs techniques et avancés.»

Jadis, les plongeurs qui fréquentaient Flintkote avaient droit, en guise de décor, à des voitures ou d'autres gros rebuts lancés au fond de l'eau. «Il y a un club de plongée qui a organisé une salle de bains au fond de l'eau. Un autre a organisé une cuisine. En 2006, Aquart a voulu mettre des choses plus intéressantes qu'un bol de toilette!» évoque le directeur de la manifestation, qui consacre bénévolement 800 heures à la cause de l'art sous-marin.

Le jour du passage de La Presse, une armée de bénévoles s'affairaient à «accrocher» les oeuvres, monter les stands, aménager les lieux de plongée. Au fil des ans, Aquart est vouée à la création d'un musée sous-marin fait d'oeuvres exposées en permanence dans les confins de la carrière de Flintkote. «Nous essayons de laisser aux artistes libre cours à leur imaginaire, en donnant la priorité à des oeuvres qui sont mises en valeur par le milieu naturel ou, encore, qui les mettent en valeur.»