Sur reseauescorte.com, Chico, jeune homme d'origine latine, annonce fièrement ses couleurs: escorte pour femmes seules. Ses services? Massages, danses et séances torrides de sexe complet.

À ses débuts, il y a deux ans, le bel éphèbe avoue qu'il ressentait un blocage lorsque venait le temps de donner des soins aux descendantes d'Ève. «J'avais de la difficulté à travailler avec les femmes qui n'étaient pas de mon goût, avoue-t-il. Mais maintenant, je suis assez à l'aise.»

Aujourd'hui, les femmes constituent 80% de sa clientèle et il assure que la demande ne fait que grimper, surtout dans la tranche des 35 à 45 ans.

Le cas de Chico est loin d'être isolé. Selon la coordonnatrice générale de l'organisme Stella, Émilie Laliberté, les travailleurs du sexe sont effectivement en présence d'une nouvelle demande toute féminine. Une agence d'hommes pour femmes a d'ailleurs ouvert ses portes à Montréal il y a environ deux ans. «Le phénomène est récent et peu d'hommes s'affichent encore comme escorte indépendant pour femmes, mais la demande est là et elle est à la hausse, indique-t-elle. D'ailleurs, il y a quelque temps, j'ai reçu l'appel d'un escorte qui s'affichait dans le journal de Saint-Sauveur. Il m'a dit qu'il rencontrait des femmes pendant que leur mari était en voyage d'affaires et que c'était très payant!»

En plus des pages de journaux, il est possible d'observer ce phénomène dans un autre endroit: les répertoires d'escortes en ligne. «Depuis deux ou trois ans, on a remarqué qu'une nouvelle catégorie a été créée sur ces sites, celle des «services offerts aux femmes»», souligne Émilie Laliberté de chez Stella. À titre d'exemple, Erosguide, site très populaire qui permet aux escortes du Québec de s'afficher partout dans le monde, a ajouté la catégorie «male escort».

Mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'y a pas que les escortes masculins qui s'intéressent aux femmes en mal d'émotions fortes. Les escortes féminines sont aussi de la partie, aux dires d'Émilie Laliberté.

Sur Kijiji, la belle Tania annonce entre autres: «Unique au Québec: massage érotique pour femmes seulement. Venez réaliser votre rêve secret avec une femme entraînée et cultivée. Chez nous, tu trouveras la caresse et l'expérience érotique que tu désires depuis longtemps.»

Corps à corps avec elle

Vicky, 46 ans, masseuse érotique spécialisée dans l'approche tantrique, a aussi emboîté le pas. Il y a un an et demi, celle qui se décrit sur son site web comme une «femme d'une grande sensualité, qui adore procurer plaisir et bien-être» a ouvert les portes de son appartement de Montréal à une toute nouvelle clientèle: les femmes seules. Et ça fonctionne!

«Je travaille deux semaines par mois et, durant cette période, j'accueille en moyenne trois clientes, explique Vicky. La plupart d'entre elles viennent me voir parce qu'elles veulent découvrir leur corps ou de nouvelles sensations. Certaines souhaitent aussi redorer l'image qu'elles ont d'elles-mêmes ou simplement apprendre à s'aimer.»

Parallèlement, Vicky reçoit dans son antre bon nombre de couples. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la majorité des demandes qu'elle reçoit ne proviennent pas du conjoint... mais de la conjointe. «Qu'elles soient seules ou en couple, les femmes que je rencontre sont très ouvertes, même quand il s'agit de leur première expérience bisexuelle, raconte-t-elle. Avant de commencer, je prends le temps de jaser avec elles pour les mettre à l'aise. Ensuite, les rencontres peuvent aller assez loin, si vous voyez ce que je veux dire...»

Un nouveau visage

Mais qui sont donc ces femmes qui font appel aux services des travailleuses du sexe? Émilie Laliberté croit que l'éventail est large: «Il y a des célibataires, des femmes en couple qui veulent explorer, des hétéros et des lesbiennes», dit-elle.

De son côté, Anthony, réceptionniste à l'agence d'escortes Personnelle, nomme une autre catégorie de clientes, bien présentes: les autres travailleuses du sexe. En effet, selon lui, les escortes et les danseuses seraient les premières à faire appel à l'une ou l'un de leurs collègues lorsque vient le temps de s'amuser un peu. «Je l'ai déjà fait avec une masseuse renommée de Québec, avoue l'escorte Amélie Jolie. De mon côté, je ne me suis jamais annoncée de cette façon, mais je suis convaincue que ça fonctionnerait si je le faisais. Au même titre que les hommes, les femmes ont besoin de tendresse, de caresses, d'affection et d'amour.»

Où sont les femmes?

Si les besoins des hommes et des femmes sont les mêmes, alors pourquoi les clientes ne se sont pas manifestées sur le marché du sexe auparavant? La sexologue-clinicienne Marie-Hélène Baillargeon croit que l'internet y est pour quelque chose: «Aujourd'hui, grâce au web, les services d'escortes sont plus accessibles et plus faciles à trouver», souligne-t-elle.

Pourtant, malgré nos recherches sur l'internet, nous n'avons trouvé aucune femme qui désirait témoigner de ses expériences avec des travailleurs du sexe. En dernier recours, nous avons finalement joint la femme d'affaires et ex-vice-présidente de Juste pour rire Michèle Bazin, qui a déjà parlé à coeur ouvert de son expérience avec un escorte dans les médias, il y a une dizaine d'années.

Alors qu'elle revenait d'un voyage à Paris - où elle avait connu l'extase sous la couette avec un travailleur du sexe -, Michèle Bazin a tenté de retrouver le même genre de services à Montréal. Mais en vain. «Ça n'existait pas! se souvient-elle. C'est plus facile à trouver aujourd'hui.»

Autres temps, autres moeurs. L'offre a changé, et les femmes aussi. Selon Michèle Bazin, elles seraient plus disposées qu'autrefois à payer pour du sexe. «Elles sont tellement autonomes! remarque-t-elle. Je ne vois pas pourquoi une femme seule, qui n'a pas d'enfants et qui a le goût de rencontrer un garçon beau et appétissant s'en priverait! Après tout, elle va peut-être tomber sur un meilleur numéro qu'en naviguant sur un site de rencontres!»