Un psychologue montréalais a pour la première fois montré les effets biologiques de l'homophobie chez ses victimes. Une hormone liée au stress, le cortisol, est plus élevée chez les homosexuels et bisexuels victimes de discrimination.

«C'est la première fois qu'on établit un lien entre l'homophobie et le cortisol», explique Michael Benibgui, qui a fait cette étude dans le cadre d'un doctorat en psychologie à l'Université Concordia, en entrevue depuis New York où il étudie désormais. «On savait que le stress est lié à la dépression et au suicide, et que les jeunes homosexuels et bisexuels sont beaucoup plus à risque de ces problèmes. On sait que l'homophobie en est probablement responsable. Mes résultats, même s'ils ne constituent pas une preuve de ce lien, ajoutent aux effets négatifs de l'homophobie.»

L'étude a étudié 50 hommes et femmes homosexuels et bisexuels d'universités et cégeps montréalais, principalement par l'entremise d'associations et de cliniques spécialisées. Ils ont témoigné de leur expérience de l'homophobie - altercations liées à leur identité sexuelle, intimidation et discrimination - et à leur «homophobie internalisée», un sentiment d'inadéquation lié à l'orientation sexuelle, par le biais de questionnaires standardisés.

Être victime d'homophobie augmentait la production de cortisol, mais pas l'homophobie internalisée. Par contre, les deux phénomènes étaient liés à une prévalence plus forte de symptômes de dépression et d'anxiété et de pensées suicidaires. De plus, être victime d'homophobie augmentait la probabilité d'avoir une homophobie internalisée.

«Il faudrait maintenant voir si ces résultats sont observables dans une population plus large, particulièrement chez les homosexuels ou bisexuels qui n'ont pas encore accepté leur orientation sexuelle, dit M. Benibgui. Idéalement, il faudrait établir la preuve que l'homophobie est responsable de la dépression et du suicide chez ces populations avec une étude longitudinale, qui suivrait une même population pendant plusieurs années. Le taux de suicide est 14 fois plus élevé chez les homosexuels et bisexuels que chez les hétérosexuels au secondaire et au cégep.»

Pour ce faire, il propose de recruter des participants à une autre étude dans les forums de discussion homosexuels, où l'anonymat favorise la participation des jeunes incertains, et parmi les jeunes de la rue, «qui sont souvent des homosexuels ou des bisexuels qui ont été rejetés par leur famille».

Le chercheur montréalais a observé un effet bénéfique du soutien des proches. «Même s'ils ont beaucoup souffert de discrimination homophobe, ceux qui ont été acceptés et soutenus par leur entourage présentent très peu de symptômes de dépression.»