Il fallait oser. Et le Musée de la femme, qui n'en est pas à une provocation près, l'a fait: 8 mars oblige, la petite salle de Longueuil ne présente rien d'autre qu'une exposition sur... le sein!

Pas n'importe lequel: le vôtre. Le mien. Le tien. Bref, le nôtre. Et pas pour n'importe quelle raison: pour nous forcer, toutes, mesdames et mesdames, à l'apprivoiser.

L'apprivoiser? Vous avez bien lu. Le découvrir. Le toucher. Le connaître enfin, quoi. Pas pour séduire un homme, nourrir un nourrisson ou répondre aux recommandations d'un médecin, mais bien, enfin, pour nous. Point. Car après tout, il nous appartient! «Je me suis rendu compte que, quand on parle du sein, c'est toujours pour parler soit du sein malade, du sein qui allaite ou du sein érotique. C'est un attribut qu'on a, qui nous distingue, mais qu'on ne connaît pas! On est tellement déconnectées de nos seins qu'on pense qu'ils sont pour les autres: les bébés, les maris, les médecins. Mais à quel moment est-ce qu'ils vont être à nous?» déplore Lydie-Olga Ntap, directrice du musée et instigatrice du projet, justement baptisé: Le sein honoré.

Il faut dire que le petit musée de la Rive-Sud a le don de nous provoquer. Après une expo sur la polygamie, les hommes (!), les sorcières, voilà que, pile pour la Journée de la femme, on vient nous parler de... féminité? Pas très féministe, vous dites? «Nous, au Musée de la femme, on célèbre les femmes, rétorque la directrice. Oui, on a des causes. Mais il n'est pas mauvais de commencer par donner confiance aux femmes. Nous, ce qu'on fait, c'est un travail de base, de terrain. Parler des seins, c'est célébrer les femmes, et c'est aussi important que de sortir avec des pancartes.»

Et d'entrée de jeu, le ton est donné. En guise d'introduction, on présente en effet au visiteur une vidéo mettant en scène une femme, qu'on devine nue dans son bain. On l'imagine coquette, coquine. Elle se maquille, souriante, s'habille, toujours rayonnante. Quand tout à coup, elle enfile un soutien-gorge (exposé plus loin dans l'expo). Stupeur: il ne compte qu'un seul balconnet.

«On tient pour acquis qu'on en a deux. Qu'on va mourir avec deux. Et puis on se plaint. Ils sont trop petits, trop gros. Alors que dans la vraie vie, il y a des femmes qui vont devoir affronter la maladie!» dit la directrice. «Il y a des filles qui n'en ont qu'un! Toi, tu en as deux, alors peux-tu en profiter un peu?» martèle-t-elle.

L'expo aborde brièvement une foule de thématiques liées aux «mamelles» (comme on les a appelées jusqu'au XIIe siècle), notamment le sein adolescent (très joliment illustré par des toiles de l'artiste Frencine), érotisé, remodelé (8000 femmes se paient annuellement au Québec un remodelage de la poitrine), nourricier, et le sein malade (une femme sur neuf sera touchée par le cancer du sein, une sur 28 en mourra). Sans oublier: le sein repassé, comme en sont victimes des milliers de femmes au Cameroun (24%, indique l'expo, dont 38% avant l'âge de 11 ans). Un «repassage» réalisé par les mères elles-mêmes, pour soustraire la poitrine émergente des fillettes au regard des hommes. «Elle prenait une pierre, elle chauffait et elle me pressait les seins; même le pilon, elle chauffait pour les presser les seins et ça faisait mal, très mal», témoigne, par écrit, une femme repassée à l'âge de 14 ans.

Croyez-le ou non: dans toute cette exposition, on voit finalement très peu de poitrines. Beaucoup de pommes, de poires et autres citrons, mais bien peu de chair. N'y voyez là toutefois aucune pudeur. «C'est plutôt parce que si on en voit, on risque de s'égarer, de perdre l'essentiel du message, conclut Lydie-Olga Ntap. Réappropriez-vous votre poitrine. Prenons le temps d'aimer nos seins, d'en abuser.» En un mot: «Prière de toucher!»

Le sein honoré, au Musée de la femme de Longueuil, jusqu'au 21 août 2011.