Dynamo de la scène montréalaise du burlesque, Scarlett James lance un livre en hommage au genre... et à elle-même.

On ne peut pas accuser Scarlett James de manquer d'initiatives. Depuis qu'elle est apparue dans le paysage du burlesque en 2009, cette blonde «sexée» a enfilé les projets à un rythme soutenu. D'abord, le premier Festival du burlesque de Montréal, puis un deuxième en 2010, puis le premier Grand Burlesque Show en mars dernier... et maintenant ce volumineux bouquin intitulé, Burlesque, un hommage à l'art de l'effeuillage où elle se taille la plus grosse part du gâteau.

C'est indéniable: le livre a de la gueule. Épais comme un coffret de 10 albums vinyles, Burlesque est plus lourd qu'une paire de seins silliconés. Il est évident que sa production a coûté une fortune. Appuyée par l'historien Michel Grondin, qui se charge de la partie rédactionnelle, Capitaine Scarlett passe en revue 2000 ans de striptease, en insistant plus généreusement sur l'âge d'or (années 40 et 50) et le renouveau du genre depuis le début du XXIe siècle, avec un parti-pris assez net pour ses variantes plus Las Vegas.

Le résultat ressemble à un véritable who's who de la pin-up en jarretelle. Des années folles du French Cancan aux actuelles Miss Sugrapuss et Dita Von Teese, en passant par la sulfureuse Tempest Storm, la sombre Bettie Page et l'incontournable Lili St-Cyr qui fit les belles heures du Montréal des cabarets. Chaque effeuilleuse a droit à sa page glacée, avec petit texte d'accompagnement et commentaires de Scarlett James qui partage sa passion à tous vents.

Au contraire de Paris Match, le poids est ici dans les photos bien plus que dans les mots. Le contenu, somme toute limité, fait un peu «petit nichon» à côté de ce festival de pastilles, de bustiers, de poitrines phénoménales et de moues aguicheuses dignes d'un calendrier Playboy. Choix légitime considérant le sujet, certes. Et puis, à défaut de profondeur, Burlesque a au moins le mérite de couvrir assez large et de toucher l'essentiel. Après tout, peu de livres en français ont été écrits sur le sujet.

Malgré tout, le malaise persiste au fil de la «lecture». Car sous ses allures d'hommage au striptease en général, on a trop souvent l'impression que Burlesque est d'abord et surtout un hommage à Scarlett James en particulier. De la page couverture (où on la voit «de fesses») à l'endos du livre (presque nue en boa, façon Brigitte Bardot), Scarlett James est omniprésente, se montrant sous toutes les coutures de ses dessous affriolants, apparaissant en photo dès que l'occasion se présente (allant même jusqu'à se décrire elle-même comme «une muse», une «comtesse du burlesque», voire «l'ambassadrice du glamour au Canada»). Pour la modestie, on repassera!

Privilège de l'auteur? Peut-être. Mais il n'en demeure pas moins que ce Burlesque - aussi somptueux soit-il - a tout d'une entreprise d'auto-promotion, où la reconnaissance des autres semble prétexte à ramener tout à soi. D'ailleurs, si Scarlett James avait vraiment voulu crier son amour pour le merveilleux monde du cabaret et de la variété, peut-être aurait-elle dû mettre une de ses idoles en couverture plutôt que sa propre personne.

Étonnant, en outre, que son chapitre sur la scène burlesque à Montréal - qu'elle ouvre et occupe presque entièrement - fasse abstraction du Blue Light Burlesque, la troupe qui a littéralement ravivé le genre à Montréal en 2004, et qui continue de se produire une fois par mois au Café Campus.

Ou c'est un malheureux oubli, ou c'est un léger manque de classe...

Burlesque, L'art et le jeu de la séduction, de Scarlett James et Michel Grondin, éd. Cogito, 336 p., 36,95$.