Tenez-vous bien. Loin d'être une tâche, une corvée ou un mal nécessaire, le ménage serait en fait un art, rien de moins qu'une activité spirituelle revitalisante, affirme une auteure dans un nouveau livre surprenant, mais aussi - qui sait? - peut-être même inspirant. À lire, si vous aspirez à épousseter en sifflant.

«Les gens ont tendance à dire que c'est une corvée, une perte de temps, mais moi, je vois ça comme un art. Vivre est un art. Vivre avec plaisir est un art. Ça s'apprend», affirme Dominique Loreau, jointe par téléphone au Japon, où elle vit depuis 30 ans. À la question: «Pourquoi le Japon?», l'auteure française, à qui l'on doit déjà L'art de la simplicité, L'art des listes et L'art de la frugalité et de la volupté, répond: «Si vous me posez la question, c'est que vous n'êtes jamais venue au Japon. C'est très facile, vivre ici. Les gens sont si gentils. Très raffinés...»

Dans son tout dernier ouvrage, sorte de variation sur le même thème du zen, Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi, elle se propose d'enseigner aux lecteurs cet «art» de faire le ménage, suggérant techniques, outils et produits indispensables (une liste, vous l'aurez deviné, minimaliste), comparant au passage le fait de passer le balai à une «danse», laver les vitres à une «gymnastique».

«On n'apprécie pas assez le bonheur de rendre beau son quotidien intérieur, enchaîne-t-elle. Or, ce sont les petites choses du quotidien qui font le bonheur. On le cherche toujours à l'extérieur, mais le bonheur est à l'intérieur.» Le bonheur dans le ménage? Vous avez bien lu. «La propreté apporte une satisfaction, une sérénité. En remettant les choses en ordre, on remet aussi son esprit en ordre. C'est très différent de la maniaquerie», précise l'auteure.

Quant aux familles qui croient se libérer du ménage en embauchant une femme ou un homme de ménage (une sous-traitance qu'elle qualifie de «forme de colonialisme»), Dominique Loreau croit que, malheureusement, ce faisant, «on s'éloigne de soi, de son soi intérieur. On va se chercher à l'extérieur. Mais chercher quoi? C'est le mystère de la vie».

Au contraire, souligne-t-elle, le ménage, l'art d'entretenir son espace (idéalement petit, précise celle qui prépare aussi un Éloge des petits espaces), permet de maintenir un certain équilibre mental: «L'équilibre entre le travail intellectuel et physique pour mieux apprécier l'endroit où l'on vit, être plus posé, dans le moment présent.»

Et sous cet angle, le ménage se rapproche beaucoup de la philosophie zen, croit-elle. «Car le premier but n'est finalement pas de rendre son intérieur propre, mais de nettoyer intérieurement son coeur, oublier son ego. La vie, c'est ça. C'est d'abord remplir certaines conditions de base: manger, dormir, des bases qu'on oublie. Or, dans le zen, on revient aux choses toutes simples, dont le ménage.»

On ne se le cachera pas: ce livre s'adresse essentiellement aux femmes. Mais cela ne choque pas l'auteure qui se dit par ailleurs «200% féministe». «Bon, les hommes... on ne va pas les changer!», dit-elle, en faisant allusion à un chapitre savoureux de son livre, où elle décortique justement les différences existentielles entre les hommes et les femmes quant au ménage. «Les hommes et les femmes n'ont pas le même cerveau, donc pas la même conception de la propreté et de l'espace, résume-t-elle. Les hommes sont biologiquement faits pour construire des maisons, les femmes, pour s'occuper des enfants. On veut l'égalité. Mais laquelle? Les hommes ne seront jamais des femmes!»

Solution? La seule option qu'il reste aux femmes, sur qui repose - et reposera peut-être toujours - le gros du fardeau du ménage (et les statistiques demeurent à ce sujet explicites), c'est d'impliquer toute la famille, selon les forces et intérêts de chacun, mais aussi, surtout, d'«aimer» faire le ménage, conclut-elle. «Il faut se dire qu'on va passer un moment avec soi-même, comme une mini-méditation. Le but n'étant pas tant la propreté que de mettre de l'ordre en soi.» En un mot, résume la féministe: «On fait le ménage pour soi. Pas pour les autres.»

Pas sûre que cela mette un terme aux débats entourant la division des tâches, mais disons que c'est une avenue originale à explorer...

Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi, Dominique Loreau, éd. Marabout, 222 p., 24,95$