Imaginez qu'on ne vous confirme qu'en juin que votre enfant aura une place en camp de jour. Ou, pire, que les semaines que vous avez demandées il y a longtemps vous sont refusées. Ou que, après quelques jours de camp, votre enfant est renvoyé. Si votre enfant est en santé, c'est déjà un gros casse-tête. S'il est handicapé, c'est la catastrophe, catastrophe qui risque fort d'être récurrente, d'été en été.

Deux types de camp de jour sont offerts - en théorie - aux enfants handicapés: les camps classiques des municipalités, avec accompagnateur personnel subventionné, et les camps spécialisés. Dans la vraie vie, les places sont si limitées que c'est presque une loterie.

Très tôt, Geneviève Labrecque avait demandé six semaines de camp de jour pour son fils Hubert, atteint de trisomie 21, qui a besoin du programme avec accompagnateur personnel. «Je n'ai eu une réponse que le 9 juin. J'avais droit à trois semaines seulement, et je n'avais pas de droit de regard sur les semaines qui m'étaient attribuées. Le camp était prêt à accepter mon enfant pour trois semaines supplémentaires, mais je devais payer de ma poche 400$ par semaine pour l'accompagnateur particulier.»

À quoi ressemble l'été, finalement? À un gros casse-tête. «Ma soeur et mes parents m'aident, et mon employeur a accepté que je travaille à la maison. Je m'occupe de mon fils pendant la journée et, le soir, je fais l'essentiel de mes heures de travail.»

Pas d'accompagnateur

La fille de Valérie Larouche est inscrite au même camp d'été depuis trois ans. Cette année, la fillette de 7 ans devait y passer trois semaines. Elle y est allée trois jours. Elle n'a pas eu l'accompagnateur personnel prévu, et les problèmes se sont vite manifestés. L'enfant, aux prises avec de graves déficiences intellectuelles et motrices, à quoi s'ajoutent des problèmes de surdité et de déglutition, s'est mise à mordre tout un chacun. «J'avais bien prévenu le personnel de ne pas la prendre, qu'elle réagit mal quand elle ne se sent pas en sécurité. Or, quand je suis allée la chercher, c'était la panique. Ma fille, une petite blonde habituellement toute souriante, semblait terroriser le personnel. Pourquoi son cas a-t-il été jugé plus lourd cet été que les deux étés précédents?»

Finalement, Camille ira au camp Papillon pendant une semaine. Une amie de Valérie donne un coup de main, et une gardienne vient à la maison pour 11$ l'heure.

Refusée

Sara Tremblay n'a pas un été plus facile. Pendant l'année, sa fille fréquente une école juste à côté de la maison. L'école est aménagée pour recevoir des enfants handicapés et, l'été, il y a là un camp de jour pour enfants handicapés. «Même si ce camp est spécialisé, il n'accepte pas mon enfant, atteinte de paralysie cérébrale et de déficience intellectuelle sévères, en plus d'avoir un gavage. Il n'y a que le camp Papillon qui prend de tels enfants, et l'organisme Philou. Je trouve bizarre que d'autres camps, tout aussi spécialisés dans les loisirs pour enfants handicapés, fassent eux-mêmes de la ségrégation.»

Cas lourds

Difficile de ne pas devenir un peu cynique quand les embûches sont si nombreuses. «J'ai même entendu une mère lancer: «Tant qu'à y être, si mon enfant était sourd en plus, plus de portes lui seraient ouvertes»», lance Isabelle Perrin, elle-même mère d'un enfant multihandicapé.

Pour les enfants sourds ou autistes, fait observer Mme Perrin, les ressources sont beaucoup plus nombreuses. «Par contre, si ton enfant est en fauteuil roulant, qu'il porte des couches ou qu'il a un gavage, il est très difficile d'avoir une place en camp de jour. Les camps sélectionnent les enfants parce qu'ils n'en veulent pas de trop problématiques.»

«Heureusement, Thomas, notre fils, est propre, il n'a pas de problème de comportement et, comme il a à la fois une déficience motrice et intellectuelle, ça nous a ouvert un peu plus de portes.»

«Une mère m'a raconté qu'elle travaillait de la maison et qu'elle avait promis de venir changer la couche de son enfant toutes les trois heures. Le camp de jour a néanmoins refusé l'enfant, de peur de créer un précédent.»

Comme le dit Mme Perrin, tout cela se conclut malheureusement «par quantité de mères qui finissent par laisser leur emploi».