Un ange peut apparaître... sous la forme d'un mécanicien de machinerie lourde d'origine japonaise. Francis Madore, de la ferme Les jardins d'Ambroisie, en est persuadé. Fin août, Thomas Kamiya est arrivé à sa ferme de Saint-Chrysostome, en Montérégie, tel «un ange tombé du ciel». Explications.

Depuis avril, Thomas Kamiya, un mécanicien retraité, fait l'entretien de la machinerie agricole des fermes biologiques partout au Canada, contre une douche et trois repas par jour.

Parti de Vancouver, M. Kamiya a roulé vers l'est dans un camion lui servant d'atelier mécanique, allant d'un tracteur en mal d'attention à l'autre. Au bout de la Nouvelle-Écosse, il a repris son périple en sens inverse, en passant par le Québec à deux reprises. La Presse l'a joint par téléphone tandis qu'il jouait du boulon à la ferme biologique Blue Lagoon, au Manitoba.

«J'ai fait 13 500 kilomètres jusqu'à maintenant, a dit M. Kamiya dans un anglais teinté d'accent japonais. Mon périple est terminé à 90%. J'ai rencontré 44 fermiers, dont sept au Québec.»

Aux Jardins d'Ambroisie, le mécanicien a examiné quatre tracteurs, changé des courroies usées, vidangé le liquide de refroidissement et nettoyé les filtreurs à air, sans salaire en retour. Quatre jours de travail, quatre soirées passées à parler d'agriculture biologique. «J'essaie de partager les connaissances, le savoir-faire et la gentillesse, de fermier en fermier», a-t-il expliqué.

«M. Kamiya est un homme jovial et des plus généreux, qui travaille avec rigueur et professionnalisme, dans un domaine qui est trop souvent le talon d'Achille de bien des agriculteurs bios», a souligné M. Madore.

C'est au Québec, à la ferme Aux petits oignons de Mont-Tremblant, que le mécanicien a vu «les meilleurs producteurs en serre du Canada, a-t-il dit. C'est de l'agriculture du XXIIe siècle!»

«J'ai contribué à détruire la nature»

Venu du Japon en 1975, M. Kamiya a longtemps bossé comme mécanicien «de machines de foresterie et de construction», a-t-il indiqué. «J'ai contribué à détruire la nature, à couper des arbres. Maintenant, j'aide mère Nature. J'essaie de donner un coup de main à l'environnement et à la santé publique», a-t-il fait valoir.

Le sexagénaire a d'abord pensé devenir bénévole dans un hôpital, avant de réaliser qu'il serait plus utile de partager ses 40 ans d'expérience en mécanique. «Pourquoi aller dans les fermes biologiques? Parce qu'elles favorisent la santé publique, en ne mettant pas de poison dans la nourriture», indique-t-il.

M. Kamiya rêve de créer une association d'électriciens, menuisiers, mécaniciens qui iraient aider gracieusement les fermiers biologiques, partout au Canada. L'an dernier, il a fait un premier voyage vers le nord, redonnant du pep aux tracteurs de 56 fermes de Colombie-Britannique, du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et de l'Alberta.

«J'ai connu tout le Canada avec mes cinq sens, a-t-il souligné. Je l'ai écouté, je l'ai vu, je l'ai senti, je l'ai goûté - j'ai mangé tant de plats différents! - et je l'ai touché. J'ai touché aux sols, différents d'un endroit à l'autre. Le Canada est si beau, si grand.»

L'an prochain, M. Kamiya espère aller examiner la machinerie des fermes américaines. «Il faut que je retourne à Vancouver et que l'on tienne un conseil de famille, pour voir si ma femme est d'accord», a-t-il dit. Avis à Mme Kamiya: votre intrépide mari prévoit rentrer le 9 octobre, avec bien des choses à raconter.