Qu'on se le dise: une mort, ça se prépare! On a beau vivre au jour le jour, croire en la toute-puissance de la science, se laisser emballer par le tourbillon de la vie, un seul et unique destin nous attend tous: la fin. Et si on s'organisait pour qu'elle soit à notre image, ne se passe pas trop mal, ou carrément franchement bien? Parce que oui, croyez-le ou non, c'est possible.

La mort demeure un sujet tabou. Devant l'inconnu, nous préférons le déni. Pourtant, certains, comme Serge Daneault, la fréquentent régulièrement. Depuis 20 ans, ce médecin côtoie quotidiennement des patients en fin de vie. Des patients dont les récits constituent la trame d'un tout nouveau livre fascinant sur la mort en direct: Et si mourir s'apprivoisait. Non, il ne s'agit pas d'un mode d'emploi. Mais presque.

«Pourquoi j'ai écrit ce livre? Pour dédramatiser la fin de la vie, raconte le médecin et auteur, rencontré dans ses bureaux du cinquième étage de l'hôpital Notre-Dame. J'ai voulu offrir 20 récits qui permettent aux lecteurs de choisir la fin de vie qu'ils veulent.»

Choisir sa fin de vie? Avouez que le discours surprend. «Parce que le lecteur pourra s'identifier à l'un ou l'autre des 20 récits, explique l'auteur. Il pourra déterminer si le personnage a eu une fin heureuse, ou plutôt catastrophique. Il pourra trouver les ingrédients de sa recette: je suis comme ça, j'ai donc toutes les chances que ça se passe bien. Ou pas. Le lecteur pourra donc choisir de modifier certaines choses.»

Alors, comment faire pour avoir une belle mort? «Essentiellement, une bonne mort suit une bonne vie, résume le chercheur. Mais si on passe à côté de cette bonne vie, on a toutes les chances de passer à côté de la bonne mort. Si on ne vit pas le moment présent, on ne réalise pas ses rêves, on ne peut pas vivre pleinement sa mort. Et ça, vous savez, ce n'est pas moi qui l'ai inventé. Les grands philosophes grecs disaient déjà la même chose.»

Évidemment, la «bonne vie» est tout à fait relative. Toujours subjective. Selon qu'on vienne de la rue ou qu'on ait eu une grande carrière, qu'on soit plutôt solitaire ou au contraire entouré, pauvre ou riche. Ses 20 récits, inspirés de milliers de faits vécus, illustrent aussi une multitude de vies possibles: ceux qui meurent heureux ou dans la honte, pauvres ou dans la richesse, trop vite ou trop vieux, seuls ou amoureux.

Étrangement, les mieux préparés ne sont pas nécessairement ceux qu'on croit. «Les gens de la rue, par exemple, sont toujours en mode survie. Ils sont toujours aux portes de la mort. Ils sont donc mieux préparés, par exemple, que ceux qui ont eu une vie bien rangée, qui n'ont jamais connu la mort.»

La fin de la vie, poursuit-il, «c'est notre dernier acte. Et cet acte n'est pas étranger à la vie qu'on a eue».

Parmi les récits du livre, celui d'un grand homme d'affaires qui choisit de vivre aussi ses derniers mois à l'extérieur du pays. Parce qu'il en a toujours été ainsi. Même s'il a de jeunes enfants, il n'aura eu que peu de contacts avec eux. De toute sa vie. Même à l'approche de la mort.

Alors oui, poursuit-il, on peut faire certains choix entourant sa mort: le choix des personnes significatives à notre chevet en est un; le traitement voulu en est un autre. «Si vous ne voulez pas un traitement qui vous gardera artificiellement en vie, il faut le dire, poursuit le médecin. Une mort naturelle, ça s'écrit sur un testament!»

Déprimant, comme lecture? Détrompez-vous. Évidemment, il faut y aller par «dose homéopathique», histoire de s'imprégner des récits de chaque personnage. Mais contre toute attente, certains sont étrangement vivants. Et donnent du coup le goût de vivre encore plus pleinement. Serge Daneault en sait quelque chose. «Moi, je suis à l'école du matin au soir avec ces patients. Ce sont mes maîtres. Ils m'ont donné, depuis 20 ans, un incroyable goût de vivre. Le goût de préparer des ragoûts pour mes enfants, de regarder le coucher de soleil, la fin de semaine à mon chalet. Ce sont les mourants qui m'ont appris ça. C'est ça que ça nous donne, de côtoyer des mourants!»

Et si mourir s'apprivoisait... Réflexions sur la fin de vie de Serge Daneault, éd. La Presse, 185 p., 24,95$