Elles sont vaches, égoïstes, superficielles, bêtes et, souvent, très très méchantes. Et on les adore. Avec un cinquième tome et déjà 700 000 exemplaires vendus, la popularité des «Nombrils» ne se dément pas. Portrait d'un succès... accidentel!

Jenny, Vicky, et la grande asperge Karine sont de retour. En force. Dans un cinquième tome des «Nombrils» lancé cette semaine, les copines les plus chipies et manipulatrices en ville nous préparent de sacrées surprises. Karine, l'éternel souffre-douleur, s'affirme enfin. Et pas à peu près. Gags et vacheries garanties.

Elles se reconnaissent entre mille: les Nombrils, ces adolescentes très pubères aux courbes plus qu'élancées, très colorées (au sens propre et surtout figuré), aux nombrils affriolants et au nombrilisme souvent exaspérant (mais oh combien hilarant) font le bonheur des lectrices (pré) adolescentes, mais également de leurs parents (!). Et ce depuis déjà cinq ans.

Avec cette série lancée à l'origine sous forme de planches mensuelles pour le magazine Safarir, le couple formé par Maryse Dubuc (aux textes) et Marc Delafontaine (aux dessins et aux gags), dit Delaf et Dubuc, a d'abord pensé s'adresser aux garçons. «On ne visait pas vraiment un public féminin. On s'est dit que des filles sexy, ça plairait plutôt aux gars!» se souvient Delaf, de passage cette semaine à Montréal pour le lancement du tome Un couple d'enfer. «Même qu'au départ, on se disait que les adolescentes allaient peut-être détester», enchaîne Dubuc.

Petit «side-line» devenu grand

À l'époque, Les Nombrils n'étaient pour eux qu'un «side-line», un projet parmi d'autres. Mais au bout de six pages publiées dans Safarir, ils ont vu là un «beau dossier» à présenter à un éventuel éditeur. Et pourquoi pas carrément le belge Dupuis? «On s'est dit que ça ne marcherait pas. On voyait mal Les Nombrils à côté de Cédric...» Mais ils ont osé, et contre toute attente, l'éditeur de Boule et Bill, Lucky Luke et des Schtroumpfs, a adoré. Mieux, il leur a commandé un album dans les six mois. Et encore, a proposé de publier, chaque semaine, une page des Nombrils dans son magazine Spirou. «De side-line, c'est devenu notre job à temps plein, nous imposant un rythme de création et nous offrant surtout un contact direct avec les lecteurs», raconte Dubuc.

«Vous êtes trop méchants avec Karine», ont d'ailleurs écrit quelques lecteurs. D'où l'idée de corriger le tir et de faire, éventuellement (mais quand?) «gagner la gentille».

C'est finalement avec la publication du premier tome, Pour qui tu te prends?, publié en janvier 2006, que l'éditeur a plus directement ciblé les lectrices de 10 à 13 ans.

«Pourquoi on a mis en scène des adolescentes? Parce qu'on pensait qu'il y avait de l'humour à aller chercher dans ces personnages qui ne pensent qu'à elles, très égoïstes, mais tout de même naïves et sympathiques», explique Dubuc, la responsable de la psychologie des personnages.

Objectif: le gag

C'est d'ailleurs ce qui guide l'essentiel de leur narration: la recherche du gag. Si les auteurs abordent des thèmes certes classiques à l'adolescence (l'appartenance au groupe, la quête identitaire, l'opposition aux parents), mais aussi des sujets parfois lourds comme la manipulation, le suicide ou la drogue, c'est toujours pour une seule et unique fin: «Faire un bon gag», résume Delaf. «Aller loin pour aller loin, ça ne m'intéresse pas, dit-il. Sauf si c'est pour faire évoluer l'histoire.»

Loin d'eux l'idée ou le souhait d'envoyer un quelconque message moralisateur aux lecteurs. Au contraire, le ton toujours mordant ne peut que les tenir loin du discours pédagogique qu'adopte par ailleurs parfois certaines publications jeunesse. «On se fie à l'intelligence des lecteurs, enchaîne Dubuc. Les jeunes n'aiment pas se faire prendre de haut. Ou se faire dicter quoi penser. De toute façon, je n'ai pas envie de dire ce qui est bien ou mal, je ne le sais même pas!» Les personnages ont certes des questionnements éthiques, «mais c'est au lecteur de poser son propre jugement», tranche-t-elle.

Ainsi, quand, dans le plus récent tome, Karine reçoit un sac ziploc d'une certaine «herbe biologique», les auteurs n'en disent jamais davantage. Aux lecteurs, selon leur âge, d'interpréter et de juger. Ce qui permet du coup une lecture à plusieurs niveaux. «Grâce à l'humour, on peut aborder certaines thématiques et s'en sortir avec une pirouette.»

C'est probablement cette éternelle incorrectitude politique qui fait tout leur succès. Des personnages qui font des conneries, se crient les pires saloperies, tout en nous touchant et nous surprenant régulièrement, oui, ça accroche. «C'est un défouloir. On lit ces répliques qu'on n'oserait jamais dire, mais qu'on pense parfois!», résume l'auteure. Sa préférée (et l'une de ses pires): «Le seul truc qui est plus moche qu'une fille moche, c'est une fille moche qui essaye d'être belle!», récite-t-elle en pouffant de rire. «Oui, c'est méchant... mais ça défoule!»

Pour la petite histoire, il faut savoir que Dubuc a longtemps cru que ses répliques étaient peut-être trop crues. Trop méchantes, ses adolescentes. «Je pensais que 10% des lecteurs adoreraient, et 90% détesteraient, confie-t-elle. Je pensais que c'était trop, mais finalement, on dirait bien que non! On dirait que ça défoule aussi les lecteurs...»

CINQ TOMES DE VACHERIES

1. Pour qui tu te prends?

Vicky et Jenny, deux chipies terriblement sexy, font tout pour empêcher Karine, grande asperge et souffre-douleur par excellence (mais néanmoins leur copine), de vivre son grand amour avec Dan. Les deux chipies sont par ailleurs folles de John-John, ou plutôt, de la moto de John-John.

Après une brouille avec Karine, Jenny: «Quel soulagement de ne plus fréquenter Karine! Plus besoin de faire semblant d'être ses amies.»

2. Sale temps pour les moches

Karine vit enfin son histoire d'amour avec Dan, même si ses deux «copines» continuent de tout faire pour leur nuire. Notamment en mettant toujours sur leur chemin Murphy, alias «le dépressif», une mocheté boutonneuse dont personne n'arrive à se débarrasser.

Alors que Karine et Dan s'embrassent, Vicky: «Vous êtes si mignons tous les deux! De loin, on dirait que c'est Dan la fille et Karine le gars, mais c'est pas grave!»

3. Les liens de l'amitié

Jenny devient la «poule» de John-John et de sa moto, au grand dam de Vicky, qui se retrouve du coup la seule célibataire. Un nouveau personnage, Mélanie, menace l'idylle entre Karine et Dan.

En observant Dan discuter avec Mélanie, Jenny: «Quel salaud celui-là! Il sait bien que ce ne sera pas de la tarte de te trouver un autre petit ami, moche comme tu es!»

4. Duel de belles

Mélanie, la fausse granole humanitaire, vit à son tour le parfait amour avec Dan. Et Karine de vivre une grosse déprime, pendant que ses copines, rêvant de devenir «first lady», tentent de séduire le même garçon, Fred.

Karine est punie, mais sort avec ses copines pour faire une bonne leçon à Mélanie.

Karine: «Mes parents vont m'arracher la tête!»

Vicky: «Bah, avec la gueule que t'as, c'est la meilleure chose qui puisse t'arriver!»

5. Un couple d'enfer

Revirement spectaculaire: Karine change radicalement de look, d'attitude et d'amis, fréquentant désormais le bel Albin et ses copains. Mais Vicky et Jenny ne sont pas prêtes à abandonner leur «amie» et tentent par tous les moyens (et pas toujours les meilleurs) de la reconquérir.

La nouvelle Karine s'affirme. À Mélanie: «Ah! Tu veux mon bien? Alors va faire un tour sur le pont et jette-toi dans le fleuve, ça m'évitera de recroiser ta sale face d'hypocrite!»