«C'est le bordel!» s'exclame Diane Pacom, sociologue à l'Université d'Ottawa, au beau milieu d'une entrevue où nous discutions de l'omniprésence de la vengeance passionnelle dans les textes des chansons de Coeur de pirate, Adele, Katy Perry et autres Avril Lavigne.

Celle qui depuis des décennies s'intéresse de près à la culture populaire voit dans les débordements dramatiques des jeunes pop stars l'expression d'une colère et d'un cynisme d'une cohorte d'enfants du divorce.

«Je regarde les filles de mes amis, qui étudient en science, en mathématique, en chimie... Pour elles, «sky is the limit», mais sur le plan relationnel, elles sont amères. Leur féminité s'exprime de façon décousue, elles ont des attentes invraisemblables. Elles ne veulent pas céder et en même temps, elles cèdent trop...» constate cette intellectuelle qui, avec une perplexité un peu amusée, relève l'incroyable fossé qui sépare les jeunes femmes d'aujourd'hui de celles de l'époque où elle avait elle-même l'âge de Coeur de pirate, alias Béatrice Martin.

«Pour moi qui ne me suis jamais mariée pour des raisons politiques, je m'étonne de voir ces filles entretenir des attentes démesurées dans leurs rapports intimes avec les hommes», dit la chercheuse, qui voit dans les paroles des chansons pop l'expression musicale de l'hypersexualisation, phénomène dont on parle abondamment depuis le début des années 2000.

Katy chante qu'elle a embrassé une fille, Béatrice fait exploser à l'écran les têtes de ses rivales et se venge de son ex en entonnant «Tu fais l'amour en deux poussées», Beyoncé célèbre le règne absolu du genre féminin sur la planète en se déhanchant comme elle seule sait le faire... C'est un lourd héritage que portent les filles de Madonna.

Dans une entrevue à Musimax cette semaine, j'écoutais France Castel confier que c'est seulement dans la cinquantaine qu'elle avait enfin appris à entrer en relation avec un homme autrement que par la seule voie du sexe. Comme si, de façon tardive, elle avait acquis un savoir universel que tout le monde, sauf elle, détenait.

Dans la jungle du sexe et des sentiments, la chair est triste, la rage rôde et les couteaux volent bas. La félicité promise par l'exultation des sens brille par son absence. Mais, apparemment, une dernière audace demeure: celle de dire «non merci, pas maintenant».

«La pire insubordination de notre époque est l'absence de vie sexuelle», écrit la journaliste Sophie Fontanel dans L'envie, autofiction qui étonne par le caractère inusité de son propos (l'abstinence). L'auteure du blogue La vraie vie de Fonelle est une fille drôle, jolie, spirituelle, branchée, qui blogue sur ses états d'âme, ses lectures et ses séances de shopping. Seulement voilà: à force de cumuler les ébats catastrophes, elle a décidé un jour de s'abstenir. Pendant 10 ans.

«Aujourd'hui, la pression sociale, c'est que vous devez justifier votre vie sexuelle. Vous devez en avoir une et elle ne doit pas être pitoyable», confiait Sophie Fontanel à ma collègue Chantal Guy la semaine dernière.

Quand tout a été dit, écrit, décrit, filmé, raconté. Quand un roman sur l'abstinence est ce que la contrée de DSK nous a envoyé de plus excitant depuis des lustres, c'est qu'il est peut-être temps de devenir collectivement des adultes conscients et consentants.

Comment? Faudrait sans doute demander à France Castel.