Le saviez-vous? La grande majorité des divorces et autres séparations est demandée... par les femmes. Ce sont elles qui, plus souvent que leurs (ex) conjoints, décident, un beau matin, d'en finir. Mais quels que soient leurs motifs, leurs histoires ou leurs blessures, elles partagent toutes le même sentiment à la suite de leur séparation: une libération! Un sociologue français décortique ce dénouement.

«Pour moi, ça a vraiment été une surprise, commente François de Singly au bout du fil. Incontestablement, toutes les femmes que nous avons interrogées ont mentionné ce sentiment de libération. Très systématiquement, la question du temps, du temps libéré, est revenue dans les témoignages. C'était presque bouleversant tellement c'était répétitif!»

Le sociologue français, de passage à Montréal cette semaine, n'en est pas à son premier livre sur le couple et la famille. Mais avec Séparée: vivre l'expérience de la rupture, il avoue qu'il ne s'attendait pas à un tel «sentiment unanime», partagé par toutes les femmes séparées qu'il avait rencontrées.

Son essai, qui rapporte les récits de rupture d'une centaine de femmes, est le fruit d'une bonne dizaine d'années de recherches. Après Fortune et infortune de la femme mariée, il rapporte ici une série de séparations dites «ordinaires», des séparations qui, étrangement, n'ont fait que très rarement l'objet d'enquêtes sociologiques.

D'où le filon de François de Singly, un sociologue ouvertement féministe (il a même été professeur invité, il y a quelques années, en études féministes, à l'UQAM). «Je n'ai pas les chiffres pour le Québec, dit-il, mais en France, les trois quarts des séparations sont demandés par les femmes. Même si c'est un événement douloureux, cela veut dire que les femmes ont un plus grand intérêt que les hommes à sortir d'une relation.»

Pourquoi? D'après son enquête, les femmes attendent aussi plus de la relation, et surtout du conjoint. «Or, plus les attentes sont élevées, plus il y a risque d'être insatisfait», glisse-t-il. Les femmes attendent de leur partenaire qu'il soit non seulement un conjoint, mais aussi un père, un complice, un coach, un motivateur, etc. «Ce que la plupart des hommes ne sont pas...»

Trois types de femmes

D'après son enquête, il existerait trois types de femmes, et donc trois types de relations de couple (et, par conséquent, trois types de séparations). Le premier: ce sont les femmes qui misent avant tout sur le «nous», la vie conjugale. Bref, le couple. Elles mettent de côté leurs propres aspirations - notamment professionnelles, même si l'auteur a retrouvé des médecins dans ce groupe -, accordant une grande valeur à la durée du couple. «Oui, il y a ici beaucoup de femmes au foyer, mais pas seulement. Ce sont les femmes qui donnent la priorité aux enfants et au conjoint.»

Dans le deuxième groupe, François de Singly classe les femmes, souvent plus jeunes (25-35 ans), qui, au contraire des premières, misent d'abord sur le «je», c'est-à-dire leur cheminement personnel et professionnel, bref, leur développement à elles. Le couple est important, mais la priorité est l'individualité.

Dans le troisième groupe, enfin, se retrouvent les femmes qui ne font pas de hiérarchie entre l'importance du couple et du cheminement personnel. Ce sont des femmes engagées dans leur vie professionnelle, des femmes de carrière, qui accordent par ailleurs une grande importance à la vie de couple.

Pourquoi ces femmes se séparent-elles? À chacune son motif. Mais en résumé, souligne le sociologue, «quand il y a rupture, l'ensemble des femmes prend conscience que ce sont elles qui supportaient le plus le coût de la vie conjugale». D'où, immanquablement, les mêmes commentaires rapportés après la rupture: «Je redeviens maîtresse de mon temps», «je peux rentrer le soir et je n'ai pas à préparer la table...»

Indifférence du mari

Les blessures sont plus ou moins vives, mais chaque fois, les femmes insistent sur cette «libération». «Elles trouvent toutes très agréable de redevenir maîtresses de leur temps!», résume le chercheur.

Et non, à quelques nuances près, ça n'est pas là un sentiment propre aux Françaises. «Même si les luttes féministes ne se passent pas toutes au même niveau, le fait que la femme continue de faire davantage de travail domestique n'est malheureusement pas une spécificité française, il me semble», commente le sociologue.

À noter: les femmes ici citées ne se séparent pas parce qu'elles ont le sentiment d'en faire trop à la maison. Ce n'est pas l'inéquitable partage des tâches ménagères qui mine leur couple. C'est plutôt l'indifférence du mari face à la vie du couple, ou à leur identité de femme, ou les deux, qui rend, tout à coup, cette surcharge de travail domestique insupportable. «Mais on ne se sépare pas à cause de la surcharge. Les femmes acceptent d'en faire plus, à condition que le conjoint soit un accompagnateur.»

Morale? «Il ne suffit pas pour un homme d'aimer sa conjointe. Il faut qu'il soit psychologue et qu'il suive son évolution.» Idéalement, résume François de Singly avec humour, «il faut que les hommes apprennent non seulement à faire la vaisselle, mais aussi à être coach!»

Séparée: vivre l'expérience de la rupture, de François de Singly, éd. Armand Colin, 232 p., 24,95$.