La perfection n'est pas de ce monde. Pourtant, nous sommes bombardés de messages qui nous incitent à cuisiner des repas à la fois nutritifs et savoureux, avoir un intérieur digne de Martha Stewart, en faire plus pour stimuler nos enfants, réussir notre vie professionnelle, être mince et en forme... Ouf! Pas reposant! Heureusement, des voix s'élèvent pour nous inciter à accepter l'imperfection.

Sans surprise, les femmes semblent être plus sensibles aux messages de recherche de la perfection véhiculés dans la société, selon la sociologue Diane Pacom, de l'Université d'Ottawa. «C'est troublant de voir la pression que se mettent certaines jeunes femmes pour tout réussir. Elles veulent être présentes pour leurs enfants, jolies, avoir des responsabilités professionnelles, bien nourrir leur famille, et faire du yoga en plus pour être calmes, lance-t-elle. C'est du perfectionnisme poussé à l'extrême!»

La sociologue croit que cette situation est une sorte d'effet secondaire du féminisme. Les premières femmes de carrières, de la génération du baby-boom, ont été accusées d'être responsables de l'augmentation des divorces, du décrochage scolaire, de la malbouffe et d'autres maux de la société. «En réaction à ça, leurs filles disent: nous, on est capables de tout faire, dit Diane Pacom. Elles accumulent des responsabilités invraisemblables. Et vivent beaucoup de culpabilité, puisqu'elles ne peuvent évidemment pas tout faire à la perfection.»

C'est en accouchant de triplés, il y a huit ans, que Nancy Coulombe a définitivement dit non à la perfection. «En lisant des livres sur la maternité, j'ai réalisé que les conseils des spécialistes étaient complètement déconnectés de la réalité. Y a-t-il vraiment des mères qui ont le temps de découper les légumes en formes amusantes pour que les enfants les mangent?», lance-t-elle.

Avec une copine, Nadine Descheneaux, mère de deux enfants, elle a lancé en 2008 le blogue des (Z) imparfaites. On y propose de mettre fin à «l'obsession de la mère parfaite et ses diktats étouffants et culpabilisants! Place au joyeux désordre, à l'improvisation organisée et au véritable plaisir d'être soi-même», promettent les blogueuses. Leurs chroniques rigolotes et impertinentes attirent 20 000 visiteurs par mois, et un livre publié en 2009 reprend leurs textes les plus marquants.

Les auteurs mettent de l'avant leurs «imperfections», sans crainte du qu'en-dira-t-on: elles donnent des beignes à leurs enfants, les installent devant la télé quand elles ont besoin de calme, détestent jouer à la poupée et faire des casse-tête, ne plient pas leurs serviettes de façon impeccable et n'inscrivent pas leur progéniture à toute une panoplie de cours. Et surtout, elles ont mis au recyclage les livres écrits par des spécialistes. «À force d'être surinformées, on a l'impression que les femmes ont perdu leur instinct maternel et qu'elles n'ont plus de plaisir à être avec leurs enfants, dit Nancy Coulombe. Nous, on a rejeté le mythe de la superwoman et décidé de lâcher prise avant de se rendre au burn-out.»

Les blogueuses reçoivent régulièrement des commentaires de lectrices qui se déculpabilisent en les lisant: elles apprennent à accepter leurs imperfections.

Imparfaite, et alors? , un autre blogue, animé par Anik Routhier et Julie Beaupré, deux mères de trois enfants chacune, vise le même but. «La liste des choses à faire pour être une meilleure mère est tellement longue, c'est impossible de tout faire. Il faut savoir se fixer des priorités et tourner les coins rond sans que ça paraisse, explique Anik Routhier. Mais ça prend du courage pour être imparfaite et ne pas se préoccuper de l'opinion des autres.»

Pour réduire la pression, la jeune femme ne regarde plus la télé, ne lit plus les journaux et fréquente les magasins le moins possible. «J'ai coupé tout ce qui créait des besoins et de la pression. On est confrontés à tellement de choix que c'est épuisant», note-t-elle.

En effet, pour certaines personnes, le perfectionnisme peut devenir une maladie. Geneviève Goulet, psychologue au Centre d'études sur les troubles obsessifs compulsifs et les tics du Centre de recherche Fernand-Séguin, reçoit en thérapie des perfectionnistes qui n'en peuvent plus. «Le perfectionnisme peut être bénéfique dans certaines situations, mais quand on n'est jamais satisfait de ce qu'on accomplit, quand on peaufine à l'extrême des tâches peu importantes, quand on se fixe des objectifs irréalistes, c'est exténuant et ça cause beaucoup d'anxiété», explique-t-elle.

Pour les perfectionnistes, les informations sur l'éducation des enfants, la cuisine, la décoration ou la forme physique sont reçues comme une incitation à «mettre la barre encore plus haut». «Ils se fixent des attentes trop élevées, et s'obligent à y répondre», souligne Geneviève Goulet. Certaines personnes, confrontées à des sentiments d'échec répétés, peuvent même en faire une dépression.»

Avant d'en venir là, dit Diane Pacom, «mieux vaut accepter l'imperfection, sans culpabilité!»

L'imperfection dans

... la mode

Selon le New York Times, la dernière tendance en matière de coiffure et de maquillage est l'imperfection: cheveux en bataille ou ramenés en chignon négligé, rouge à lèvres étalé avec les doigts, sourcils au naturel, absence de fond de teint, etc. Exit les peignes, les pinceaux et les looks léchés!

... la photographie

La même tendance gagne le monde de la photographie, révèle Le Monde: rejetant les appareils numériques hyper-performants, de jeunes photographes ne jurent que par les Lomo, des appareils argentiques bas de gamme nés en Union soviétique dans les années 60, qui donnent des clichés rétro, pleins de défauts techniques.

... la dentition

Au Japon, la mode est au sourire imparfait. Les cliniques dentaires reçoivent des jeunes femmes qui veulent faire «désaligner» leurs dents trop parfaites. Il semble que les hommes japonais craquent pour les dents de «vampire», des canines pointues, qui peuvent être obtenues au moyen d'implants.