Âgée de 20 ans, Léa Clermont-Dion milite pour l'amélioration des conditions des femmes depuis qu'elle a 14 ans. À peine sortie de l'enfance, elle organisait un colloque réunissant des féministes de renom ayant pour thème: «L'égalité des sexes est-elle acquise?». Depuis, la fougueuse étudiante aux mille projets travaille à changer le monde, une cause à la fois. Et elle réussit. Féministe assumée, elle revendique le droit de dénoncer dans une «société qui n'aime pas les débats». Son principal cheval de bataille: le culte de l'apparence.

Porte-parole de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée (dont elle est l'initiatrice avec Jacinthe Veillette), Léa Clermont-Dion dénonce l'image stéréotypée de la femme véhiculée dans les médias et le milieu de la mode. Les jeunes filles sont vulnérables relativement au culte de l'apparence et de l'extrême minceur, dit-elle. «Ça crée des problèmes de santé, une augmentation des troubles alimentaires et une préoccupation du corps excessive.» Elle-même a souffert d'anorexie à 12 ans.

Officiellement lancée à l'automne 2009, la charte a cumulé plus de 20 000 signatures depuis. Les magazines Clin d'oeil, Coup de pouce et Châtelaine, ainsi que les boutiques Jacob et plusieurs designers québécois s'y sont conformés. «En tant que femmes, on peut affirmer vouloir une plus grande diversité de modèles, des modèles qui nous ressemblent. La charte porte ses fruits parce qu'il y a un besoin réel. Ça change lentement, mais sûrement», se réjouit Léa Clermont-Dion, qui écrit actuellement un livre sur la démystification du culte de l'apparence.

Au-delà de la beauté

Pour la jeune femme, le féminisme ne se résume pas qu'à un combat contre les diktats de la beauté. «J'ai une vision sociale-démocrate et je suis pour l'égalité des chances.» Elle a siégé de 2006 à 2008 au Conseil du statut de la femme du Québec. Elle dénonce notamment l'absence de femmes dans les conseils d'administration (à peine 10%) et à l'Assemblée nationale (23%), l'équité salariale qui tarde à venir, la fermeture de bureaux de Condition féminine par le gouvernement fédéral. «Les enjeux sont nombreux dans bien des domaines et être féministe, c'est réussir à les percevoir. On a certains acquis, mais ils sont fragiles, surtout avec le gouvernement fédéral en place.»

Élue Personnalité par excellence 2011 de Forces Avenir pour ses efforts à améliorer le sort des femmes, Léa Clermont-Dion est féministe depuis toujours. «Ça me vient d'abord de ma mère, qui m'a dit: «Questionne-toi toujours sur ce qui t'entoure».» Au fil des ans, des rencontres avec Françoise David, Dominique Payette, Hélène Pedneault et Ariane Émond l'ont grandement marquée et incitée à prendre le flambeau.

Elle parle avec émotion de sa rencontre l'an dernier avec Marie-Andrée Bertrand, quelques heures avant sa mort. Pionnière dans la recherche en criminologie et ardente militante pour l'égalité des femmes, Mme Bertrand s'est éteinte à 85 ans. «Elle m'a confié vouloir écrire un essai avec moi. J'ai été touchée. Son décès m'a poussée à continuer dans cette voie.»

Un nouveau visage

Le défi n'est toutefois pas aisé au quotidien. Lorsqu'elle prend position, les insultes sont toujours là, pas loin, qui frappent méchamment. «Les féministes ont la vie dure aujourd'hui. On se frotte à plusieurs préjugés transmis par des généralisations hâtives, on nous qualifie de féministes frustrées, de «Germaine» et de «Lyne-la-pas-fine», c'est dommage. Nous sommes plus individualistes que collectifs aujourd'hui. D'ailleurs, pour plusieurs, le féminisme ne veut plus dire grand-chose.»

Craint-elle pour la relève? «La relève féministe, timide, est en train de s'organiser, mais c'est une relève disparate. On a l'idée que le mouvement des femmes est une pensée unique. C'est plutôt un ensemble de pensées parfois divergentes, parfois convergentes. Le féminisme prend un nouveau visage, l'implication est différente de l'époque de La vie en rose.»

Pour Léa Clermont-Dion, «la lutte féministe fait partie d'un tout, d'un idéal de société». C'est pourquoi elle s'implique dans diverses causes. Elle part en mission d'observation avec Oxfam-Québec au Honduras à la fin du mois. Elle est coprésidente avec Paul Gérin-Lajoie du Sommet pour l'éducation publique québécoise qui se déroulera les 31 mai et 1er juin à Québec. Elle s'implique dans le mouvement 22 avril mené par Dominic Champagne pour une remise en question de l'exploitation des richesses naturelles au Québec (22avril.org). «On assiste actuellement à une ébullition sociale et les femmes en font décidément partie.»

Même quand elle retire son chapeau de militante «pour souffler un peu», Léa Clermont-Dion accorde une place de choix aux femmes. C'est plus fort qu'elle. C'est vrai pour son exposition photo Banfora en 30 visages (banforaen30visages.com), dans laquelle elle s'attarde aux Brigades vertes, un projet d'«empowerment» au féminin. C'est aussi vrai pour son premier court métrage de fiction, Sandra, qui touche à la prostitution. Le film sera présenté le 17 mars au Festival Regard sur le court-métrage au Saguenay. «J'avais un urgent besoin de créer et j'avais envie de raconter une histoire qui met en scène une adolescente. On en voit très peu dans le cinéma, ailleurs que dans les «films d'ados». Je reste dans mes thèmes de prédilection, la prostitution n'est ici qu'une métaphore pour témoigner de la complexité des rapports hommes-femmes.»

La féministe en elle n'est jamais loin.