Pour une quatrième semaine, le film Hunger Games - dont l'héroïne manie l'arc avec panache - trône en tête du box-office nord-américain. Depuis sa sortie, le film a engrangé des recettes de 337 millions en Amérique du Nord, dont 4,5 millions au Québec. Sport méconnu, le tir à l'arc est soudainement in. Aux États-Unis, c'est la folie. On ne suffit plus à la demande dans les clubs de tir à l'arc. Et le film semble aussi avoir touché la cible au Québec...

Au Club de tir à l'arc de Montréal, l'effet Hunger Games se fait nettement sentir. «C'est la première fois que notre session de cours du printemps est pleine. On a dû refuser des inscriptions. Habituellement, c'est une période tranquille, indique Danielle Juteau, présidente du Club de tir à l'arc de Montréal. Les camps de jour de tir à l'arc prévus cet été affichent complet depuis un mois. On a dû ajouter des semaines supplémentaires pour satisfaire la demande.»

Même son de cloche du côté de l'Association régionale de tir à l'arc de Montréal (ARTAM), responsable du terrain de tir extérieur au parc Pierre-Bédard, dans l'est de Montréal. «On reçoit beaucoup d'appels. Les gens veulent essayer le tir à l'arc, se réjouit Danielle Jodoin, de l'ARTAM. On devra proposer plus de cours que prévu. Notre mission est de promouvoir le sport, il faut saisir cette occasion.»

Au club des Archers Fabreville Sainte-Rose, on note aussi un enthousiasme. «Les demandes d'informations sont nombreuses. On dirait que la sortie du film réveille les gens, ils se souviennent que le sport existe», indique Christiane Welburn, présidente.

À peine 3000 Québécois pratiquent le tir à l'arc sportif. Rien à voir avec la marée de 200 000 joueurs de soccer de la province! Habitués d'évoluer dans l'ombre, les archers s'exercent dans un esprit de franche camaraderie. Loin des projecteurs. Passionnés, ils font fi des préjugés. Vendredi soir, La Presse a assisté à un entraînement haute performance au complexe sportif Claude-Robillard.

En plein dans le mille...

«Quand tu prends ton arc, tu tires une flèche et qu'elle atteint la cible en plein centre, le feeling que tu as est incomparable. Ça ne se décrit pas», confie Virginie Chénier, 17 ans. Elle est membre de l'équipe nationale de développement. Les athlètes sont fébriles. Les essais olympiques auront lieu à Montréal dans un mois. En 2h30, ils tirent plus d'une centaine de flèches. Ils discutent et rigolent, malgré la pression.

«Ça fait 15 ans que je fais du tir à l'arc, j'essaie de me tailler une place pour les Jeux olympiques. C'est un rêve», dit Patrick Rivest-Bunster. Il est classé troisième au Canada. «Notre sport n'est pas spectaculaire à regarder, mais je pense qu'il mérite d'être connu. L'ambiance est géniale. Tout le monde se parle, c'est une compétition saine», dit le solide gaillard de 26 ans, ancien basketteur. Parce qu'il a perdu un pari, il finira l'entraînement les tibias épilés à la cire. «Tu vas être beau à ta compétition en Floride!» rigole Georcy-Stéphanie Thiffeault Picard, 21 ans.

Blouse blanche sur camisole rose bonbon, la jeune femme a tiré sa première flèche à 9 ans. Elle prend son arc, fléchit le coude droit et maintient la pose, corde tendue, quelques secondes, avant que la flèche ne s'échappe et frappe la cible à 70 m. «Ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air. C'est un sport de répétition, de patience. Je travaille beaucoup ma préparation psychologique. J'essaie d'être dans l'instant présent.» Il faut être plus fort que son arc, dit-on.

«Plusieurs pensent que ce n'est pas un sport, déplore Virginie Chénier. C'est moins physique que la natation, la gymnastique ou le hockey. Mais il faut être en forme, surtout le dos.» D'ailleurs, son entraînement de 25 heures par semaine inclut plusieurs séances de musculation. La pression dans son arc tourne autour de 35 livres. Si l'on multiplie par 100 flèches, elle aura tiré 3500 livres en une soirée!

En compagnie de ses amis archers, elle a vu le film Hunger Games dès sa sortie. Elle avait déjà lu la trilogie écrite par Suzanne Collins. «J'ai adoré, la technique de tir à l'arc est très réaliste.» L'actrice a été entraînée par une olympienne. «Et maintenant, quand je dis que je fais du tir à l'arc, les gens trouvent ça cool! Ils ne me parlent plus d'arc en bois et de chasse. Plusieurs amies me disent qu'elles aimeraient essayer. C'est une belle publicité pour notre sport. Si ça intéresse les filles, c'est génial. Le tir à l'arc est considéré à tort comme un sport de gars, alors on est peu nombreuses.» Le femmes représentent à peine 20 à 25% des archers, selon les chiffres de la Fédération de tir à l'arc du Québec (FTAQ). Dans certains clubs, c'est moins de 10%.

Âgé de 16 ans, Émile Jodoin, est une étoile montante du tir à l'arc au Québec. On dit que ça prend 10 ans avant d'être un archer de talent. Il fait exception. «Je suis tombé en amour avec le sport dès mon premier essai», confie-t-il. Il qualifie sans hésiter le tir à l'arc d'épreuve d'endurance. «Les compétitions sont longues. On peut tirer de 10h à 14h30, avec une petite pause pour manger. On doit rester concentré toute la journée, une flèche à la fois. On tire parfois sous un soleil de plomb ou à 10 degrés, en pleine pluie.»

Alors que certains clubs peinent à survivre, la Fédération de tir à l'arc du Québec indique que le nombre d'adeptes est stable depuis une dizaine d'années. «On remarque même un engouement chez les jeunes et chez les 50 ans et plus. C'est un sport ludique, zen. Les gens débordés y trouvent un équilibre, la maîtrise des émotions. Les jeunes aiment le côté compétitif. Et on voit de plus en plus de femmes», note Gabriela Cosovan, de la FTAQ. Les cours familiaux ont particulièrement la cote.

Quel sera l'impact à plus long terme du film Hunger Games au Québec? Il est encore trop tôt pour savoir. En attendant, les archers se réjouissent de voir leur sport en vedette sur grand écran. Avec la sortie prochaine des films Avengers et Brave et avec la tenue des Jeux de Londres cet été, le tir à l'arc sera, prévoit-on, plus tendance que jamais en 2012.

À propos de The Hunger Games

Après une guerre civile, dans un avenir pas si lointain, l'Amérique du Nord est divisée en 12 districts, sur lesquels règne un gouvernement fasciste. Chaque année, depuis 74 ans, deux adolescents de chaque district sont choisis au hasard pour participer aux Hunger Games, une téléréalité sanglante au bout de laquelle il ne reste qu'un survivant. Katniss, du District 12 se porte volontaire à la place de sa petite soeur. Archère habile, elle devra survivre dans un vaste territoire, envers et contre tous.

>>> Voir la fiche complète du film.

À propos du tir à l'arc olympique

Le tir à l'arc est apparu il y a 10 000 ans. D'abord employé pour la chasse et la guerre, il est devenu une activité de compétition dans l'Angleterre médiévale. Le tir à l'arc est aujourd'hui pratiqué dans 140 pays. La Corée du Sud, les États-Unis, l'Inde et le Mexique y excellent. À ce jour, le Canada a trois places masculines (aucune pour les femmes) aux JO de Londres. Le tir à l'arc a fait ses débuts olympiques aux Jeux de Paris en 1900. Après une absence de 52 ans, le sport est revenu au programme aux Jeux de Munich, en 1972.

Source: London2012.com

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse