Le premier psychiatre américain, le docteur Benjamin Rush, disait en 1812 qu'à un fou convaincu d'avoir un hamster dans le ventre, il fallait administrer un médicament en prétendant qu'il tuerait l'animal... L'histoire de la psychiatrie qui suit nous révèle que bien souvent, le malade était moins fou que son médecin.

Texte tiré du numéro 13 spécial Folie - Automne 2006

Asile de fous n.m., lieu dans lequel on enferme le fou.

Au Moyen Âge, on emprisonnait les fous par prévention dans des «tours aux fous». Elles possédaient des donjons restreints où les fous dormaient enchaînés sur la paille. C'est au 14e siècle que les hôpitaux ont commencé à aménager des pièces pour les aliénés. Blanchies à la chaux, elles devaient calmer les humeurs. Le premier hôpital psychiatrique en sol américain a été créé en 1765 à Philadelphie. Il servait à la fois de prison et de «zoo». Le dimanche, les gens allaient en famille observer les fous. Vu la grande affluence, on a fini par faire payer les visiteurs 4¢. Au 18e siècle, l'Angleterre voit apparaître des maisons privées. Les mieux nantis pouvaient y envoyer leurs fous. C'était d'ailleurs un moyen éprouvé pour se débarrasser de sa femme. Aujourd'hui, on ne peut faire interner une personne sans son consentement ou un jugement de la cour.

Bain surprise n.m., bain très froid donné au fou à son insu. Le changement subit de température crée un choc qui ramène le fou à ses sens.

Bien avant l'invention de l'ordinateur, les psychiatres conce­vaient l'homme comme quelque chose qu'on pouvait formater. Le bain surprise fut le premier traitement d'une longue série de thérapies par le choc qui vont être utilisées dans le but de «rebooter» le cerveau du fou. Pour refroidir les ardeurs de certains patients, on les transportait les yeux bandés dans une pièce où on les plongeait subitement dans l'eau glacée. Dans les années 1820, on appelait cette technique le «bain surprise». Le choc était si grand qu'il pouvait effectivement ramener un fou à la raison quelques instants. On immergeait aussi des patients enfermés dans une boîte percée de façon à ce qu'ils se noient. On les retirait de l'eau après que les dernières bulles soient remontées à la surface. On espérait ainsi qu'ils se réveillent normaux.

Camisole de force n.f., chemise dont les manches longues s'attachent dans le dos du fou de façon à ce qu'il demeure immobile.

Bien que la contention du fou ait toujours existé, la camisole de force a été inventée en 1790 par un tapissier français à l'Hôpital de Bicêtre. Elle n'est plus utilisée en milieu psychiatrique mais on peut toujours attacher le patient à son lit. La contention est toutefois réglée au quart de tour. L'immobilisation du patient doit être prescrite par un médecin et la prescription doit être revue aux 4 heures. Le patient immobilisé doit être vu par le personnel soignant aux vingt minutes. Aujourd'hui, on peut retrouver la camisole de force dans des sex-shops, plus souvent en latex ou en cuir.

Chaise tranquillisante n.f., outil de contention ayant la forme d'une chaise sur laquelle on attache le patient par le tronc, la tête, les chevilles et les poignets.

La camisole c'est bien beau, mais la chaise tranquillisante c'est encore mieux pour immobiliser tout mouvement et calmer les fous les plus furieux. La tête était enfermée dans une boîte en bois, les poignets, la taille et les chevilles étaient attachées, et un trou était prévu pour les excréments, en cas de besoin prolongé. Le docteur Benjamin Rush, fier de son invention, s'est vanté d'avoir laissé un patient sur la chaise durant six mois. Encore aujourd'hui, bien que la contention soit rigoureusement surveillée dans les hôpitaux, il peut arriver qu'on fixe une tablette aux chaises roulantes des personnes âgées, au cas où elles oublieraient qu'elles sont incapables de marcher.

Contention chimique n.f., action plus ou moins violente par laquelle on contrôle le fou en modifiant la chimie de son cerveau.

Le premier médicament à avoir été utilisé dans le «traitement» de la folie est apparu en mai 1954. La thorazine abattait littéralement les malades. Plusieurs étaient incapables de lire ou de parler, disaient n'avoir aucune émotion, aucune initiative et étaient, plus souvent qu'autrement, réduits à demeurer au lit. Les premiers neuroleptiques étaient tellement puissants qu'ils étaient utilisés pour torturer les dissidents en urss. À l'époque de Staline, certains simulaient la folie pour éviter les camps de concentration. Après avoir goûté à la médecine, ils suppliaient les autorités de les renvoyer aux travaux forcés.

La nouvelle génération de neuroleptiques est apparue dans les années 90. Les atypiques, comme on les appelle, bloquent à la fois la dopamine et la sérotonine, un neurotransmetteur qui agit entre autres sur l'anxiété. On connaît peu leurs effets à long terme mais on sait que les recherches effectuées à ce jour sont douteuses. Si vous n'avez pas confiance en ce traitement soft, vous pouvez toujours recourir à un de ceux mentionnés précédement, De toute manière, il est difficile de nos jours de trouver un médecin qui n'ait aucun intérêt dans le domaine pharmaceutique, une industrie qui rapporte, seulement dans le domaine psychiatrique, 87 milliards de dollars us annuellement.

Électrochoc n.m., traitement consistant à provoquer une perte de conscience et des convulsions chez le fou en lui envoyant des décharges électriques par des électrodes posées sur les tempes.

Dans la foulée de la théorie sur le surplus d'intelligence, on tente de trouver d'autres méthodes révolutionnaires pour endommager le cerveau de mieux en mieux. En 1938, les premiers électrochocs sont administrés par l'Italien Ugo Cerletti. Il croyait en outre que la schizophrénie était une maladie opposée à l'épilepsie et que l'induction artificielle de convulsions contre­carrerait l'état psychotique. On utilise toujours l'électro­convulsivothérapie (ect) et son effi­cacité a été démontrée dans le traitement de dépressions majeures. On estime que 100 000 thérapies d'électrochocs sont administrées annuellement aux États-Unis.

Gyrator n.m., planche horizontale sur laquelle le fou est installé pour y effectuer quelques tours rapidement. Outil à la fois thérapeutique et punitif.

Dans les années 1800, le docteur Benjamin Rush utilisait toutes sortes de méthodes pour faire sortir le méchant. Parmi celles-ci, le gyrator. On atta­chait le fou sur une planche horizontale qu'on faisait tourner à l'aide de manivelles à des vitesses dignes du Rotor de La Ronde. On prétendait alors que la folie était due à un manque de sang dans le cerveau. À la fin du traitement, le patient était tellement étourdi que son comportement n'était plus du tout le même. La preuve était donc faite, le gyrator était l'invention du siècle.

Lobotomie n.f., opération neurochirurgicale qui consiste à enlever le bout de cerveau qui fait défaut chez le fou.

En 1935, le docteur John Fulton présente à la communauté scientifique deux chimpanzés dont on a retiré complètement le lobe frontal. Les cobayes semblent imperturbables, au grand enthousiasme des médecins présents. Parmi eux, le Portugais Egas Moniz, un homme en mal de prix Nobel. Ce dernier tente l'expérience sur l'humain. En 1936, Walter Freeman, trouvant la technique de ses prédécesseurs trop compliquée, opte pour une méthode plus facile. Il insère un pic à glace dans l'orifice oculaire de ses patients et gosse dans le trou de façon assez aléatoire pour détériorer le siège des émotions situé dans le lobe frontal. Fier de sa méthode, il inventa ensuite la lobotomie en ligne, alignant les patients à traiter pour battre des records de vitesse. L'histoire raconte que les infirmières chronométraient, les observateurs s'évanouissaient, la speed-lobotomie était née!

Mutilation n.f., opération chirurgicale qui consiste à retirer du corps du fou une partie infectée qui serait la cause de sa folie.

Depuis le début des temps, on a tenté d'extraire la folie du corps humain. Les purges, les saignées, l'administration de produits émétiques (qui font vomir) et le maintien de plaies ouvertes ont été utilisés jusqu'au début du 20e siècle. Puis, la dentisterie s'est introduite dans le domaine psychiatrique. Le docteur Henry Cotton, du New Jersey, croyait dans les années 1920 que les dents infectées étaient la cause du désordre mental. Il a donc procédé à l'extraction des dents de ses patients. Devant un mince 25% de succès, Cotton s'est dit que l'infection d'autres organes pouvait être la cause de folie des cas infructueux. Les chirurgies se sont étendues au côlon, à l'utérus, à la prostate, à l'appendice, à la vésicule, etc. Selon le docteur, 85% de ses patients étaient ainsi guéris. On a cependant trouvé la donnée manquante quelques années plus tard: 43% des patients succombaient à l'opération.