La douce saison qui semble vouloir s'installer permettra enfin de remettre le vin blanc au goût du jour. Pas qu'il faille bouder le vin rouge, loin de là! Mais le vin blanc a une bien plus grande polyvalence que ce dernier. Grâce à son type de composés volatils, ainsi qu'à son acidité et à sa texture, le vin blanc sait composer de vastes orchestrations harmoniques, là où le rouge démontre moins de dextérité, ayant à jouer avec ses tanins qui résonnent souvent de façon cacophonique avec une grande majorité de recettes.

Question de vous donner quelques directions harmoniques, j'ai sélectionné des vins blancs que j'ai séparés pour la cause en deux catégories : les blancs secs en mode fraîcheur et les blancs secs en mode rondeur. La première catégorie est à privilégier autant pour l'apéritif que pour les mets parfumés, tout en fraîcheur, pouvant même être acidulés. La seconde section s'adresse aux plats qui ont plus de tonus et de gras, où l'acidité se montre plus discrète.

 

Débutons avec les blancs très aromatiques, au corps allongé et à l'acidité vivifiante. L'exemple sur mesure est l'expressif et saisissant de sapidité Château Suau 2007 Bordeaux (17,75 $; 11015793). Par ses arômes de chèvrefeuille et d'agrumes, ainsi que par son corps léger, élancé et digeste au possible, il sera le compagnon de l'heure, au moment de l'apéritif, avec des canapés de salade de crabe au jus d'agrumes, tout comme à table avec quelques asperges à l'émulsion d'huile d'olive et de jus de pamplemousse rose.

Dans la même catégorie rafraîchissante, mais avec un brin de richesse en prime, optez pour le très bon Albarino Martin Codax 2007 Rias-Baixas, Espagne (18,15 $; 454140). Je vous rappelle que l'albarino est LE grand cépage blanc de la péninsule, et il se montre sous de bons auspices avec cette cuvée épurée de tout artifice, à la fois longiligne et satinée, prenante et désaltérante, égrainant des tonalités de poire et de fleurs blanches, avec une arrière-scène anisée et minéralisante. Juste assez soutenu pour tenir tête à un fromage de chèvre sec mariné à l'huile d'olive parfumée au romarin, tout comme à une salade de vermicelles au poulet, menthe fraîche et citron, ainsi qu'à une truite saumonée poêlée à l'huile de basilic.

Enfin, toujours dans la rafraîchissante première catégorie, découvrez le coup de coeur néo-zélandais de l'heure, l'éclatant Sauvignon Blanc Tohu 2007 Marlborough, Nouvelle-Zélande (18,65 $; 10826156). Deuxième millésime à nous parvenir de cette belle nouveauté s'exprimant par un nez exubérant, aux tonalités terpéniques de lime et de pamplemousse, ainsi que de groseille, de papaye et d'asperge, à la bouche tout aussi éclatante, inspirante, expressive, anisée et persistante. Il rehaussera vos plats de fettucine au saumon fumé, aux têtes d'asperge et à l'aneth ou ceux d'escargots à la crème de persil.

Puis, chez les vins de la seconde catégorie, se montrant plus gras et moins vivifiants, s'adressant ainsi aux plats qui ont plus de tonus et de gras, où l'acidité se montre plus discrète, pourquoi ne pas opter pour un étonnant assemblage de cépages portugais et français, élevé en barriques américaines et bâtonné, comme on le fait en Bourgogne, en remuant les lies pour en nourrir le vin et tenter ainsi de le complexifier?

Cette perle rare est l'Adega de Pegões «Colheita Seleccionada» 2007 Terras do Sado, Portugal (13,80 $; 10838801). Un blanc sec au nez boisé, sans excès, d'où émanent de passablement riches parfums de noix, de miel et de poire chaude au beurre, à la bouche d'une bonne ampleur, présente, texturée, sans trop, à l'acidité discrète et aux saveurs longues jouant dans la sphère de la noisette, de l'amande grillée et du miel sauvage. Vos pâtes et pizzas aux fruits de mer en sauce crémeuse ne vous auront jamais paru aussi réussies si vous leur servez un verre de blanc de ce type!

Vous pourriez aussi être tenté de découvrir le Domaine de Mouscaillo 2006 Limoux, France (24,20 $; 10897851), à la fois plus dense, plus ramassé et moins boisé. Un chardonnay sudiste d'une étonnante fraîcheur, qui a tout de la Bourgogne septentrionale, offrant droiture et ampleur, dans un ensemble compact et fort savoureux. L'équilibre parfait pour envelopper les premiers homards bouillis de la saison, accompagnés d'une mayonnaise au curry.

Enfin, si vous désirez monter quelques marches dans l'échelle qualitative et débourser quelques dollars de plus, faites-vous plaisir avec le très réussi Saint-Joseph 2007 Pierre Gaillard, France (38,25 $; 10988850). Tout y est. De la personnalité à revendre, de la fraîcheur, de l'ampleur, de la persistance et de la complexité, où s'égrainent des notes lactées de noix de coco, ainsi que des tonalités fruitées d'abricot et de pêche. La matière requise pour affronter des plats comme les mignons de porc mangue-curry et le lapin à la crème moutardée. Sans oublier sa grande capacité à interpénétrer les fromages avec maestria, spécialement si vous le passer une bonne vingtaine de minutes en carafe avant de le servir avec un plateau composé de chaumes, de pied-de-vent et de comté (12 mois d'affinage).

François Chartier est l'auteur du nouveau livre Papilles et Molécules - Sur la piste aromatique des aliments, des vins et de l'harmonie vins et mets, aux Éditions La Presse (en librairie à compter du 26 mai). On peut lui envoyer des questions sur le blogue internet www.francoischartier.ca ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9.