Il serait dommage de chroniquer en ce week-end de la fête des Mères sans y aller de quelques envolées harmoniques et de quelques coups de coeur liquides pour les honorer. Mais, au fait, qu'est-ce que ça boit, une mère ?

Mère ou pas, pendant de nombreuses années, on a réservé aux femmes des vins dits «féminins», dixit le vocable machiste de l'époque. Mais qu'est donc un vin féminin, aujourd'hui ? Je n'en sais foutrement rien. D'autant plus qu'elles étaient légion à boire blanc jusqu'à ce que les apôtres du french paradox commencent à nous rentrer dans le cerveau, tous les jours que Bacchus fait, que, selon les études, le rouge serait bien meilleur pour la santé que le blanc... Rouge sur blanc, tout fout le camp !De toute évidence, la gent féminine d'aujourd'hui boit mieux, tout comme, d'ailleurs, l'ancien supposé sexe fort. Elle boit aussi plus varié et plus fréquemment, mais en petites quantités. Il suffit de voir les femmes britanniques déserter les pubs et la bière pour les bars à vins ! Même les Japonaises se sont mises aux vins, dégustés entre femmes, car les Nippons, eux, sont encore la plupart du temps aux boissons fortes «d'hommes».

Et qu'est-ce qui colore leur verre ? De tout, mais du bon. La supposée élégance des vins féminins d'une autre époque a fait place à de vrais vins, qu'ils soient rouges, blancs ou jaunes, aussi bien secs que liquoreux. Chose certaine, chiffres à l'appui, ce sont les femmes les nouvelles consommatrices d'aujourd'hui, et celles de l'avenir aussi. Elles grignotent de plus en plus de part de marché.

Et elles s'y connaissent autant que les homos erectus, sinon plus dans bien des cas. Sans compter que la sommellerie mondiale se voit transformée, en mieux, par l'arrivée des sommelières, de plus en plus nombreuses, tant au Québec qu'en Europe, et surtout au Japon. Idem chez les viticultrices. Alors, vous savez, choisir des vins pour les mères... Disons plutôt pour célébrer la fête des Mères! En voici trois. Sur ce, merci aux femmes et aux mères d'être enfin venues complexifier le paysage vinicole. Bonne fête maman!

Trois coups de coeur pour célébrer la fête des Mères

Il Bricco 2005

Barbaresco, Pio Cesare, Italie

88 $ (11213571) ****1/2, $$$$1/2 CORSÉ+

Le cadeau sur mesure pour la mère esthète de grands crus, qui, après l'avoir oxygéné en carafe 90 minutes, l'accompagnera d'un osso buco, rehaussé de vanille de Tahiti et lié au chocolat noir 85 %. Contrairement au Barbaresco classique de la même maison, le cru Il Bricco est situé dans le haut d'un coteau du village de Treiso. Les vins de ce village sont au Barbaresco ce que ceux de Serralunga sont au Barolo, c'est-à-dire les plus minéraux et les plus structurés de leur appellation. Vérifiez par vous-même avec ce remarquable 2005, richement aromatique, au volume imposant, mais aux tanins plus gras que dans la cuvée classique, texturé au possible pour le style et intensément savoureux, égrainant de longues saveurs de noisette, de prune et de torréfaction. Comme le cacao, l'orge rôtie, la sauce soya, la vanille et le café font partie des ingrédients portant la même signature moléculaire que la noisette, privilégiez-les dans vos recettes pour ce rouge.

Les Vins de Vienne «Crozes-Hermitage» 2008

Les Vins de Vienne, France

24,75 $ (10678229) ***, $$ MODÉRÉ+

Comme toujours avec les vins de ce quatuor, difficile d'être plus classiquement «crozes» que ce cru au nez aromatique et raffiné à souhait, marqué par des notes rafraîchissantes de violette, de mûre et de poivre. La bouche suit avec autant de digestibilité et de justesse, dévoilant une fraîche acidité, tout aussi typique de l'appellation, des tanins soyeux, un corps svelte, ainsi que des saveurs qui ont de l'éclat. Comme dans les précédents millésimes, ce rouge rhodanien a un pourcentage d'alcool plutôt décent (12,5 %), ce qui le rend digeste et invitant au possible. Pour un brunch simple mais gourmand, où la table est riche de raviolis d'algues nori, farcis de purée de framboises écrasées, de sandwichs au rôti de boeuf parfumé au thym frais, de pizza sicilienne aux saucisses épicées et aux olives noires, tout comme de poulet rôti aux olives noires et au thym.

Viognier Yalumba 2008

South Australia, Yalumba, Australie

15,50 $ (11133811) ***, $ 1/2 CORSÉ

Parfumé à souhait, voilà un blanc australien qui laissera bouche bée plus d'une mère, tant il y a à boire et à manger ! Il faut savoir que le viognier est le plus «rouge» des cépages blancs, donnant des vins blancs pour amatrices de rouges... Vous serez conquises par sa texture moelleuse, son corps plein, sans excès, et ses arômes de fleurs jaunes, de mangue et de bonbon à la saveur de banane. Difficile de trouver meilleur viognier à ce prix. J'ai servi ce vin sur une cocotte de poulet et lentilles aux piments forts, curcuma, cardamome et coriandre. De la dynamite ! Et ce, après avoir servi un rouge sur le plat qui précédait. L'harmonie, vibrante avec la capsaïcine des piments (molécule feu de ces derniers), a aussi démontré qu'il était possible de servir un blanc après un rouge, à condition de le servir à température plus élevée, soit à 14 ou 15 degrés. On peut aussi opter pour un plus classique mais tout aussi savoureux rôti de porc farci aux abricots.