Dans le Beaujolais en France, où les vendanges ont officiellement démarré le 13 septembre, la plupart des viticulteurs maintiennent deux traditions: la vendange à la main et le recrutement, pour une dizaine de jours, de vendangeurs de tous âges et origines.



Dès 7H30, une trentaine de vendangeurs arrivent dans les rangs de vigne, sur le domaine des Roches Bleues à Odenas (Rhône), producteur de brouilly et côte-de-brouilly, deux crus qui portent le nom du mont qui les domine.

«Ici, nous vendangeons à la main», explique le viticulteur Dominique Lacondemine.

«Nous pourrions le faire à la machine, mais pour y être autorisés, les vignes doivent répondre à des critères techniques comme l'écartement suffisant des pieds ou le palissage (le maintien) avec du fil de fer. Il faut aussi que les propriétés puissent exploiter rentablement une machine, et là, c'est une question de dimension».

«Dans le Beaujolais, ça fait 35 ans qu'on essaie les machines, mais il n'y en a que quelques-unes», ajoute-il.

Dominique Capart, producteur à Jullié (Rhône) et président d'Interbeaujolais, l'organisme interprofessionnel du secteur, confirme: «À 99% les vendanges sont manuelles. Les machines que vous pouvez voir çà et là sont uniquement expérimentales».

Les vendangeurs utilisent une petite serpette pour couper les grappes. «Dans d'autres vignobles, certains coupent au sécateur, mais ici, c'est uniquement la serpette», précise Dominique Lacondemine.

Vers 10H00, les vendangeurs font une pause d'une demi-heure: pain, saucisson, beaucoup d'eau et, évidemment, un petit gorgeon de beaujolais. Ensuite, le travail reprend jusqu'à 12H30, heure d'un repas reconstituant. L'après-midi, les vendanges continuent de 14H00 à 17H30.

«Que l'on soit porteur ou coupeur, c'est un travail dur», explique Christiane, l'épouse du viticulteur. Avec tout son monde à nourrir pendant les vendanges, elle est aux fourneaux toute la journée ou presque.

Très physiques, les vendanges attirent malgré tout les amateurs les plus divers. «Je viens de Normandie pour vendanger ici tous les ans depuis 20 ans», revendique fièrement Claude Meder, 75 ans, ouvrier retraité de chez Renault.

«On vient pour retrouver des potes, comme moi, chaque année depuis 23 ans», explique Philippe Charlot, 55 ans. Cet employé de la mairie du Mans prend «des congés pour venir faire les vendanges». «Parce que j'aime ça», dit-il.

Les anciens côtoient les plus jeunes. Eva et Anna Palkova, deux jumelles tchèques de 24 ans, étudient l'une à Rennes, l'autre à Prague. La première vient «se faire un peu d'argent de poche», la seconde «perfectionner son français», tout comme Helen Daemen, Belge de Flandre, ou sa consoeur britannique Kathy Patterson.

Tous les vendangeurs sont logés et nourris chez le viticulteur, qui met à leur disposition une aile qui sert de gîte rural le reste de l'année. «Souvent, les jeunes font la fête le soir et c'est normal. Mais nous, les vieux, il faut qu'on dorme, alors on a une chambre à part», explique Claude Meder.

«L'ambiance est bonne parce que nous sommes plusieurs à nous connaître», poursuit-il.

De ce point de vue, «j'ai de la chance», dit Dominique Lacondemine, «je recrute toujours par le bouche à oreille. Mais certains vignerons se retrouvent parfois à travailler avec des chômeurs, placés d'office chez eux, et qui n'ont aucune idée de ce qu'ils viennent faire ici».