Cadbury annonçait cette semaine que sa Dairy Milk équitable était maintenant sur les tablettes canadiennes. Autrefois considéré comme un produit de niche, le chocolat équitable est désormais accessible au plus grand nombre. Comment réagissent les organismes de sensibilisation au commerce équitable à cette annonce? Révolution ou «écoblanchiment», la Dairy Milk équitable?

Du côté d'Equita et d'Équiterre, les deux grands défenseurs du commerce équitable au Québec, la réaction est très positive.

«Ce qui fait grand plaisir, c'est de voir que les consommateurs ont gagné une bataille, déclare Isabelle St-Germain, coordonnatrice générale adjointe d'Équiterre. Le commerce équitable a fait pression sur les grandes entreprises, qui commencent enfin à bouger. En plus, Cadbury a obtenu la certification internationale de Fairtrade Labelling Organizations (FLO), ce qui lui assure une grande crédibilité.»

«Ça ne peut qu'engendrer la discussion, notamment au sein des conseils d'administration des grandes entreprises, qui vont se poser des questions, déclare pour sa part Philippe Gaston, directeur général d'Equita, la division d'Oxfam-Québec qui se spécialise dans le commerce équitable. La marque Fairtrade s'en trouvera probablement renforcée et ce sera sans doute aussi excellent pour l'image de Cadbury», poursuit-il.

Les plus petits fabricants seront-ils affectés par l'arrivée d'un gros nom dans le milieu très niche du chocolat équitable? demandait une blogueuse du Guardian, lorsque Cadbury a révélé son intention d'obtenir la certification équitable pour son produit vedette, en 2009. Après tout, des millions de Dairy Milk sont vendues tous les ans dans le monde et Cadbury s'attend sans doute à augmenter ses ventes au cours des prochaines années.

«Ce n'est pas du tout le même marché», avance Phillipe Gaston, qui s'apprête d'ailleurs à lancer deux nouveaux produits de chocolat équitable. Au Canada, le chocolat équitable est un produit spécialisé acheté par des gens qui cherchent une certaine qualité. Personnellement, je continuerai d'acheter à des entreprises plus petites et idéalement locales», fait valoir Isabelle St-Germain.

Chez Cadbury, on avait anticipé tous ces questionnements. «C'est normal que les Canadiens se posent des questions sur nos intentions», admet Michelle Lefler, directrice des communications chez Cadbury, pour l'Amérique du Nord. Voilà pourquoi nous avons voulu une certification officielle et reconnue pour la Dairy Milk, avec le logo qui l'accompagne. Puis nous n'essayons pas de vendre la Dairy Milk pour ce qu'elle n'est pas. C'est toujours le même produit, mais avec une valeur éthique en prime, puisque le chocolat et le sucre qui la composent sont issus du commerce équitable.»

Règles strictes

Ce n'est pas d'hier que Cadbury essaie de rendre ses échanges commerciaux plus équitables, nous rappelle Jordan Lebel, professeur de marketing alimentaire à l'Université Concordia et grand spécialiste du chocolat. «Qu'une compagnie de la taille de Cadbury réussisse à obtenir la certification équitable demande beaucoup de travail. Elle doit se conformer à des règles très strictes, faire preuve de transparence, se soumettre à des vérifications régulières et, avant tout, garantir l'approvisionnement (ndlr: Cadbury fait affaire avec Kuapa Kokoo, une association de quatre coopératives agricoles ghanéennes qui a dû rapidement quadrupler sa production).

«Oui, c'est un gros coup de marketing, poursuit le professeur, et Cadbury n'est certainement pas une compagnie au-dessus de tout reproche, mais je ne crois pas qu'elle fasse de greenwashing. Elle a ça dans son ADN. Au début du XXe siècle, l'entreprise avait refusé d'acheter du cacao des fermes qui utilisaient des esclaves. L'histoire de la compagnie est d'ailleurs racontée dans le livre Cadbury's Purple Reign.»

Au printemps dernier, Cadbury a versé une première subvention d'environ 750 000$ aux cultivateurs de cacao ghanéens, qui sert à la construction de puits et de cliniques mobiles ainsi qu'au financement de stratégies de réduction du carbone. Ces fonds soutiennent également la formation des cultivateurs, des mesures incitatives et l'approvisionnement en outils.

Depuis que Cadbury achète son cacao, James Anane Mensah s'est acheté un camion, a bâti une maison pour sa famille et creusé un puits. «Nos conditions de vie se sont considérablement améliorées», confirmait le fermier ghanéen, à l'occasion d'une courte entrevue téléphonique, la semaine dernière.

«Il reste maintenant à encourager Cadbury à certifier tous ses autres produits chocolatés, souhaite Isabelle St-Germain. Puis, si Cadbury a fait le choix de s'approvisionner au Ghana, la plupart des autres grandes compagnies achètent beaucoup en Côte d'Ivoire, où on exploite encore les enfants dans les plantations de cacao. Il faut absolument bannir cela.»

Pour mieux comprendre les enjeux du chocolat équitable, on peut consulter ces sites: pareilpaspareil.com (Équiterre), www.commerceequitable.com/accueil (Equita) et dairymilk.ca

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