L'animateur de radio et de télé Gilles Proulx est un véritable globe-trotter. Si on accumule toutes les semaines où il a voyagé depuis qu'il a 21 ans, on arrive à dix ans et deux mois!

À 69 ans, Gilles Proulx est-il prêt à poser ses valises? Pas du tout! Il prépare un voyage, avec un ami, à Tahiti, pour septembre. Et il recrute des voyageurs pour partir en Inde avec l'agence Marco Polo, en novembre.

Bref, M. Proulx est un «voyageur qui n'arrive jamais». C'est d'ailleurs le titre du livre qu'il publie aux Éditions Michel Brûlé.

Entretien avec un explorateur passionné qui a visité 102 pays.

Q : Pourquoi voyagez-vous autant?

R : Pour connaître l'autre. Je voyage pour apprendre et pour comprendre les différences de chacun. Je veux être transporté dans des horizons nouveaux. Déjà, jeune journaliste, j'étais fasciné par les noms de capitales exotiques, comme Saigon, La Havane, Kuala Lumpur. Je ne voulais pas seulement en parler aux nouvelles. Je voulais y aller. Cela me permettait d'aller au bout de mes idées.

Q : Et qu'avez-vous appris?

R : J'ai appris qu'il ne fallait pas frotter la tête d'un enfant au Vietnam pour le féliciter. Au contraire, dans cette partie du monde, c'est un geste qui signifie écraser. Les comportements ont donc des sens différents d'une culture à l'autre. J'ai compris qu'il ne fallait pas tutoyer les Français. La langue française a donc des codes et des protocoles qu'il faut suivre. J'ai su qu'il fallait respecter la religion d'autrui quand, au Caire, j'ai vu un soldat américain se faire planter un couteau parce qu'il s'était moqué de quatre musulmans qui priaient en direction de La Mecque. J'ai remarqué que les Italiens, malgré la modernité, ont gardé un respect pour l'Église et les morts alors qu'ici on assiste aux funérailles avec une chique de gomme. J'ai vu une indienne Chocos, au Panama, dont la tribu navigue dans des pirogues, obtenir le respect de son enfant par un simple coup d'oeil. La discipline a donc sa place partout. À l'université du monde, on apprend beaucoup si on est attentif et si on n'essaie pas de transférer ses habitudes dans les lieux visités.

Q : Comment préparez-vous vos voyages?

R : Je me renseigne sur chaque destination. J'ai déjà commencé à le faire pour mon prochain voyage. En septembre, je partirai à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Pour me préparer, je regarde des reportages sur DVD. Ensuite, je m'inspire des revues National Geographic et Geo. Je consulte aussi des dictionnaires, des livres et des guides spécialisés. Dans le cas de Tahiti, un lieu paradisiaque, je penserai à mon idole de jeunesse, l'acteur Marlon Brando, qui y a appris le français. J'irai aussi aux Marquises, et plus spécifiquement dans l'île Hiva Oa, où reposent le peintre Paul Gauguin et le chanteur Jacques Brel.

Q : Quels conseils donnez-vous aux voyageurs québécois?

R : Ils doivent faire des recherches, lire et se documenter avant de visiter un pays. Et sur place, il faut le visiter au lieu de faire de la beach! Un voyageur est curieux et imaginatif. Il s'intéresse à la culture, au folklore, aux tribus, à la nourriture, etc. Pas au nombre d'étoiles de l'hôtel et de l'épaisseur des steaks! Si on ne visite pas, si on ne pose pas de questions, on n'apprend rien. Trop de Québécois refusent d'ouvrir la fenêtre pour voir ce que les autres respirent. Il faut aussi s'intéresser à l'histoire. J'ai marché sur les traces de Napoléon jusqu'en Égypte. Je suis même allé dans la sinistre île Sainte-Hélène.

Q : Voyagez-vous seul ou en groupe?

R : Je voyage souvent seul. Cela permet plus de mobilité. Mais la solitude peut finir par peser. D'autres fois je voyage avec ma compagne Bianca ou avec un ami. Il m'arrive aussi de voyager en groupe. Je ne voyage pas en chapeau melon et en collet monté. Quand on est au Groenland, ce n'est pas de tout confort. Il m'arrive d'aller dans de grands hôtels, mais dans certaines parties du monde, ça peut être des hôtels à une piastre.

Q : Quels sont les plus beaux pays que vous avez visités?

R : Du point de vue de la culture, c'est la France. Et Paris est, à mon avis, la plus belle ville au monde. Il faut voir le musée d'Orsay, les Invalides (où repose Napoléon), le musée Rodin et je recommande de monter dans le clocher de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Côté paysages, le passionné de photos que je suis opte pour l'Islande. Les montagnes sont multicolores, avec des teintes de rouge et de violet. J'aime aussi les déserts. J'ai visité ceux de Namibie, de Mauritanie, du Maroc, de Tunisie, de Libye et celui de Gobi, en Mongolie. À mon avis, le plus beau est celui du Hoggar, en Algérie, avec ses pics de 200 mètres de couleurs ocre, rouge, noir et brun. Le Vietnam est aussi un pays magnifique avec ses montagnes qui tombent dans les rizières. Cela dit, j'ai visité le Maroc 15 fois! Contrairement à plusieurs pays, son charme et ses paysages n'ont pas été détruits par des développements touristiques à outrance.

Q : Qu'est-ce qui vous a le plus déçu?

R : Le peu d'hospitalité du Zimbabwe. Quand j'y suis passé pour visiter les chutes Victoria, les douaniers m'ont lancé mon passeport en me demandant ce que j'allais faire dans le pays. Par contre, on y offre des safaris spécialisés très intéressants pour voir des oiseaux, des reptiles ou des grands félins. Je me rappelle aussi d'avoir été accueilli, après quatre jours de pirogue sur le fleuve Amazone, par des gens qui portaient des casquettes des Yankees de New York... C'est douloureux de voir cette acculturation. L'industrie touristique peut rapidement devenir corruptrice. J'ai aussi été déçu par un Noël à Bethléem. Il y avait des militaires et seule l'élite pouvait entrer dans la grotte du Christ. Sur l'esplanade, où la messe était diffusée sur un écran géant, les jeunes buvaient de la bière et fumaient du pot. Par ailleurs, j'ai vécu des beaux Noëls à Rome, en Tunisie, en Corée-du-Sud, au Panama, à Buenos Aires, en Antarctique et en Libye.

Q : Qu'est-ce qui vous pousse à voyager encore et encore?

R : Je n'arrive pas à saisir tout ce que les pays ont à offrir. Je ne parviens pas à prendre la photo ultime. Je n'arrive jamais au bout du chemin de fer, au bout du port, au bout de la route. Je pars à Tahiti et je visiterai quatre îles. Au total, la Polynésie française en compte 113! Pas étonnant qu'un vrai voyageur n'arrive jamais à destination.