Au pied du mont Méru, à Arusha, en Tanzanie, un lot de compagnies de trekking et agences de voyages organisent des excursions pour le Kilimandjaro ; et comme avec n'importe quel type d'entreprise, on en trouve des bonnes, des respectables, des populaires, des petites et des minables.

Le magasinage, ici, est super important ! Parce que grimper le Kilimandjaro, ce n'est pas une balade sur le mont Saint-Grégoire : de nombreux problèmes peuvent survenir en altitude, durant l'ascension de la montagne... Et vous pouvez mourir. Crac, bang, kapout, fini. N-i, ni. Comme dans «fini le mal de dos et les comptes d'Hydro». Comme dans «pas nécessaire de rentrer au bureau lundi, Roger». Comme dans «qu'il est doux, mon éternel repos» ...À ce sujet, et je ne voudrais pas éveiller en vous des idées noires, j'ai fait un rêve extraordinaire, la nuit dernière : j'étais mort.

J'étais couché sur le dos, dans un champ, et je m'enfonçais doucement. Je retournais au sol, à la substance qui m'avait donné la vie. Et c'était bon... J'ignore de quelle manière j'avais été saisi du plus grand des mystères : mais je savais que, bientôt, je serais l'herbe, je serais la Terre ; j'avais compris que le cosmos et moi, nous étions de la même matière ; que je n'aurais jamais existé sans la lune, le soleil, la pluie, les coccinelles et les hindous ; que je n'aurais jamais été là sans vous, et que vous n'existeriez pas sans moi. D'une façon viscérale, de par l'ensemble de mes atomes, j'avais compris que tout était Dieu : l'air, l'eau, le feu, et... Jean-Pierre. Bref, j'avais compris que vous étiez Dieu. Et que j'étais Dieu, moi itou.

Pas pire buzz, hein ?Cela dit, même si la mort était aussi douce, c'est un peu moche de crever en escaladant le Kilimandjaro : parce que ça cause beaucoup de problèmes pour la famille et ça ne fait pas des très belles photos. De là, l'importance de savoir bien profiter de vos vacances en Tanzanie, pour en revenir bronzés, grandis et en vie. Et je peux justement vous conseiller quelqu'un de spécial qui va vous arranger ça à la mode de chez nous.

Elle s'appelle Julie. Elle est québécoise. Elle est mariée à un Masaï. Ensemble, ils ont une adorable petite princesse de 5 ans prénommée Siyana.

Julie est copropriétaire de l'agence de voyages East African Voyage, qui nous a offert un service hors pair lors de notre séjour sur le Kilimandjaro, à la rencontre des fermiers de café de la tribu Chagga.

Lorsque je l'ai rencontrée, après notre trek, elle réglait un problème de guide japonais, pour un groupe qui arrivait de Tokyo le lendemain. Deux coups de téléphone et le tour était joué !

Julie est une femme d'affaires accomplie, son agence fonctionne à bloc, mais son véritable métier est celui d'avocate. Et dans le genre «curiosité morbide pour épris de justice», il y a ici à Arusha une attraction touristique vraiment singulière : vous pouvez assister aux procédures du Tribunal pénal international de l'ONU, qui juge les accusés du génocide rwandais. Gratuitement ! En présentant votre passeport et en laissant votre appareil photo à l'entrée... Alors, si aller «voir des monstres en chair et en os» vous botte, c'est l'endroit !

C'est justement là que Julie travaille.

«Je défends les accusés du génocide.

- Pardon ?»

J'ai avalé ma bouchée de spaghetti carbonara de travers. Elle a ri. Elle m'a expliqué. Son amour pour la loi. Sa défense du droit à l'avocat. Le manque de standardisation des enquêtes contre les accusés, effectuées par le procureur lui-même. Les accusations gonflées, appuyées par des témoins qui montrent le gardien de sécurité, plutôt que l'accusé... C'était tellement fascinant de l'écouter ! J'ai insisté pour voir où elle travaillait. Elle m'a amené «backstage», à la cour, dans des corridors anonymes et laids, où des bureaux minuscules accueillent jusqu'à cinq avocats à la fois. J'étais étonné. C'est vraiment ça, les conditions des travailleurs de la Cour internationale de l'ONU ?

«On le fait pas pour le confort !»

Une question me brûlait la langue.

«Mais, lorsque tu rencontres ces «meurtriers» ... ça fait quoi ?»

Elle a réfléchi.

«Le premier que j'ai défendu était un grand-père, avec les yeux doux et une poignée de main molle. Je n'aime pas les crimes, surtout celui de génocide, qui est horrible. J'essaie simplement de comprendre comment l'humain peut en arriver là...»

Ces jours-ci, ne la cherchez pas : elle est à Mombasa, au Kenya.

«Je vais voir si je peux défendre des pirates somaliens, qui seront jugés là-bas.

- Les pirates somaliens ? ! ? Pourquoi ?

- Pour le plaisir de la cause ! Sais-tu que le crime de piraterie n'a pas été redéfini depuis des dizaines d'années ?»

Et la voilà repartie...

Nous aussi. Pour le Rwanda.

Photo Bruno Blanchet, collaboration spéciale

Un producteur de café, dans son champ, sur le Kilimandjaro.