Je vous avais mentionné la possibilité de sortir voir les gorilles du Rwanda, la semaine dernière, et il semble que c'est une activité qui en intéresse plus d'un... Surprise ! Une tonne de courriels ! Moi qui croyais que c'était une folie de happy few, un fantasme de riches zoophiles, voilà que je découvre que c'est véritablement un rêve pour plusieurs... Faudra m'expliquer.

Anyway, voici le topo : pour aller aux gorilles, il faut s'y prendre à l'avance, parce que c'est limité à 56 visiteurs par jour, pas un de plus, pendant toute l'année. Il en coûte 500 $ US, rien que pour le «permis» de se trouver dans le parc national des Volcans en compagnie d'un groupe de gorilles.Et, cerise sur le gâteau, la visite dure une heure, top chrono.

«Une heure pour 500 $ US, M. Blanchet ?

- Oui. Plus ou moins, 10 $ CAN la minute.

- Wow... Et est-ce qu'on a droit à un cadeau, à ce prix-là ?

- Je ne sais pas, madame.»

Mais, puisque cela vous intéresse, je me suis pointé au bureau de l'ORTPN (prononcé «oartipine»), et j'ai demandé s'il y avait un permis disponible, pour une personne, d'ici à trois semaines, date de mon départ du Rwanda. Et devinez quoi ? J'ai obtenu un permis ! Youpi ! Le dernier sur la liste, et la veille de mon départ. Que j'ai dû payer cash.

«Cash ?

- La machine à carte de crédit ne fonctionne pas, aujourd'hui.

- Et demain ?

- Il sera trop tard.»

Et comme au Rwanda, on ne trouve pas de guichet automatique qui sert le marché international, il faut aller négocier une avance de crédit, plus 3,9 % pour frais de transaction, avec la banque de Kigali. Donc, vos 500 $ US se transforment en 520 $ US (ça commence bien !), en cinq minutes... Que dis-je, en cinq minutes ! En 50 minutes ! Parce que tout ici est effectué au papier carbone, en 18 copies et par deux commis... En ce sens, la bureaucratie rwandaise me rappelle drôlement celle de l'Inde : la différence, ici, c'est que ça se fait dans la joie et la bonne humeur. Alors qu'en Inde, on vous chicane à la moindre anomalie...

« Qu'est-ce que vous avez écrit, là, sous « métier de votre père » ?

- C'est « inspecteur en ours polaire », monsieur.

- Inspecteur en ours polaire... Mais c'est illisible ! Recommencez ! »

I-n-s-p-e-c-t-e-u-r...

De retour à nos gorilles : 56 personnes par jour, à 500 $ chacun, calcul rapide, ça donne 28 000 $ US... Wow ! C'est beaucoup d'argent au Rwanda, et même ailleurs ! Dix millions par année, pour une seule activité touristique... Je serais curieux de savoir à qui ce bel argent profite parce que, dans la ville voisine de Ruhengeri, d'où partent la plupart des expéditions, de nombreux enfants avec des vêtements déchirés et des sandales usées jusqu'à la plante des pieds errent sur le grand boulevard, en quémandant de quoi manger... Mais, les gorilles, eux, sont sûrement bien gardés !

Doit-on s'en réjouir ?

C'est ce que nous saurons dans trois semaines, parce qu'en attendant, nous profiterons du fait que le Rwanda est entouré de jolis petits pays comme la République démocratique du Congo et le Burundi pour nous divertir.

Première destination : le Burundi.

***

En route entre Kigali et Bujumbura, le dimanche matin, je suis assis devant, dans l'autocar, avec une bande de joyeux lurons. Tout le monde parle français. Déjà, il règne une ambiance différente de celle du Rwanda : plus festive, moins coincée. Puis, c'est tellement agréable d'entendre sa langue natale dans un pays étranger !

Le chemin qui mène à la capitale traverse des montagnes, où l'air est frais et les paysages spectaculaires, puis redescend sur le lac Tanganyika et, tout à coup, le soleil brûle comme dans un désert. À destination, les passagers me serrent la main avant de sortir de l'autocar.

Deux minutes que je suis à Bujumbura, et je suis déjà conquis.

Je descends au Saga Résidence.

Au resto de l'hôtel, un chanteur français, avec une voix grave, rocailleuse, gueule à tue-tête dans les haut-parleurs. Le chanteur répète un truc comme « laissez-moi vivre ma vie de gitan», et la serveuse, qui connaît toutes les fins de phrases par coeur, se tortille derrière le comptoir en chantant.

« Excusez-moi, madame, qui est ce chanteur ?

- Tu ne le connais pas ?

- Pas certain...

- C'est un Canadien. Son nom est Garou. Je l'adore ! »

Et tout est trop drôle, soudainement. C'est Garou, ce grand garçon de l'Estrie, qui fait vibrer les serveuses au Burundi !

Je sors dans la rue principale, et je saute sur une moto-taxi.

« À la plage !

- Oui, patron ! »

Les rues sont défoncées, le trafic est chaotique, le vent est chaud, et le chauffeur de la moto-taxi, il s'appelle Monde Entier. Ou Mon Dentier.

Enfin, dites-le comme vous voulez, le Burundi, c'est bien parti.