Le temps d'un week-end, cinq habitants des quartiers du nord de Marseille en France ont accueilli des touristes désireux de s'aventurer hors des sentiers battus, une expérience d'échanges originale destinée à aboutir à la création de 50 chambres d'hôtes d'ici 2013.

Le pari, un peu fou, dans ces quartiers réputés défavorisés, avait été jugé avec scepticisme par certains. «Dans les cités, ça a pas mal ricané, mais finalement toutes les chambres ont été réservées», raconte Pascale Reynier, adjointe à la culture de la mairie du huitième secteur (XVe et XVIe arrondissements) et présidente de la Commission patrimoniale qui pilote le projet «Hôtel du Nord».

Derrière ce succès, elle voit l'«envie d'aller de l'autre côté du miroir, de vivre une expérience unique, comme aller dans Harlem et le Bronx à New York, toutes proportions gardées».

Bastides, maisonnettes d'ouvriers et HLM : différentes formes d'habitat ont été sélectionnées pour donner une image représentative de l'architecture de ce territoire. Le tout sous la houlette de maîtres de maison «tous engagés dans le patrimoine de leur quartier, d'une manière ou d'une autre», explique Christine Breton, conservatrice du patrimoine à l'origine de l'initiative.

Prix du séjour : de 135 à 165 euros (188$ CAN à 230$) dont 60 à 70 euros (84$ à 97$) sont reversés aux hôtes pour deux nuits avec petit déjeuner, deux repas, des balades pour explorer les quartiers, une carte de bus et une enveloppe de bienvenue (programmes culturels, savon, CD de paroles d'habitants, ouvrage).

En créant "des lieux d'hospitalité" dans ces arrondissements qui comptent très peu de structures d'hébergement pour une population de près de 100.000 habitants, "le but du projet - qui s'inscrit dans le cadre de la Convention de Faro du Conseil de l'Europe -, c'est que les habitants se réapproprient la force économique que représente le patrimoine", note Mme Breton.

Christiane Martinez, «fière et émue d'accueillir» la Parisienne Michèle Jolé, sociologue de profession, dans son modeste appartement en rez-de-chaussée de la cité de la Visitation, aspire elle à «changer l'image de son quartier», tout comme Zohra Adda Attou, qui veut faire découvrir sa cité du Plan d'Aou «de l'intérieur».

Les convives, venus de la capitale, de Suisse ou de Vitrolles, à une vingtaine de kilomètres de là seulement, ne sont pas des touristes ordinaires, «mais des gens curieux, qui veulent voyager différemment», selon Marie Duhammel, de l'association de tourisme solidaire Taddart.

Au tourisme en banlieue, qui peut être perçu comme du voyeurisme ou un concept de bobos, «Hôtel du Nord» préfère en effet la notion de «voyage», souligne Prosper Wanner, chargé de mettre sur pied la société coopérative gérant le label "Hôtel du Nord" (hoteldunord.coop).

Car «voyager, c'est rencontrer la diversité et avoir un rapport différent au monde, alors que le touriste consomme non-stop et passe à côté de tout ce qui est rencontre».

M. Wanner évoque aussi une «forte demande des acteurs économiques» - comme la Savonnerie du Midi qui a logé par ce biais des partenaires maliens -, «des acteurs culturels qui ont des artistes en résidence et du réseau d'associations travaillant sur le Maghreb». Ensuite, pourquoi ne pas attirer quelques-uns des nombreux croisiéristes qui font halte à Marseille et le personnel de bord ?

Le bilan de ce premier séjour test, lancé à l'occasion des vingt-septième Journées du Patrimoine, sera dressé en octobre. Objectif : parvenir à «50 chambres, 50 itinéraires et 50 hôtes formés en 2013», année où Marseille-Provence sera capitale européenne de la culture.