Sa silhouette voûtée, son crâne dégarni et ses célèbres lunettes rondes sont encore visibles partout en Inde, 63 ans après sa mort. Le Mahatma Gandhi, père de la nation indienne, a sa statue dans chaque ville, rappelant que sa lutte non-violente contre le régime britannique a permis au pays de devenir indépendant. Périple indien sur les traces du maître.

Pour ceux qui veulent aller au-delà des statues et en apprendre plus sur la philosophie et l'oeuvre du Mahatma Gandhi, les occasions ne manquent pas en Inde. Plusieurs musées et autres lieux à la mémoire de cette «Grande âme» (Mahatma signifie «Grande âme» en hindi) accueillent les visiteurs.

Pourtant, nulle part son message ne semble plus vivant qu'à l'ashram Sabarmati, à Ahmedabad, dans l'État du Gujarat, résidence de Gandhi entre 1917 et 1930 et haut lieu du combat pour l'indépendance. Gandhi, sa famille et une vingtaine de ses supporters se sont installés sur les berges de la rivière Sabarmati avec l'intention d'être autosuffisants et d'appliquer sans compromis la philosophie gandhienne (non-violence, végétarisme, recherche de la vérité, simplicité, maîtrise de soi). Le maître, en plus de s'adonner aux travaux manuels - il se faisait un devoir de laver les latrines -, étudiait et raffinait sa pensée sur les meilleures façons de redonner le pouvoir à son peuple. C'est à cet ashram que Gandhi écrivit ses discours les plus marquants, dénonçant notamment le système indien des castes et le sort réservé aux intouchables. Il y mena aussi plusieurs jeûnes, pour protester contre le colonialisme, les inégalités sociales et les violences entre hindous et musulmans.

C'est également le point de départ de sa marche de 400 km jusqu'à la mer, entamée en 1930 pour dénoncer la taxe britannique sur le sel - cette marche a rallié des milliers d'Indiens et provoqué des soulèvements dans tout le pays contre la puissance coloniale, qui a alors jeté 60 000 indépendantistes en prison, dont Gandhi lui-même. Mais le mouvement était en marche: l'Inde est devenue indépendante en 1947, après 200 ans d'emprise britannique.

L'ashram, transformé en musée, présente des photos anciennes, des documents d'époque, des coupures de journaux et des citations du Mahatma. Des images le montrent aux côtés d'hommes d'État et de personnalités publiques de l'époque, ou lors de ses discours, devant des foules de milliers de personnes. On peut même lire une lettre écrite par Gandhi à Hitler, en 1939, lui demandant de réfréner ses ardeurs guerrières (à l'évidence, son intervention a eu peu d'effet...).

La modeste maison habitée par Gandhi et son épouse Kasturba est toujours intacte. La petite chambre où il méditait et recevait les visiteurs est meublée simplement d'une natte et d'une table basse. Sur le porche, un rouet se trouve toujours à l'endroit où Gandhi filait le coton. Il incitait les Indiens à produire leurs propres étoffes et à délaisser les vêtements occidentaux, pour ne plus dépendre des tissus provenant des filatures anglaises. Il ne portait que le dhoti (vêtement traditionnel formé d'une pièce de coton nouée autour de la taille, dont l'un des pans est passé entre les jambes et fixé dans la ceinture), qu'il fabriquait lui-même avec du coton indien. Son rouet le suivait dans tous ses déplacements. C'est de là que vient le symbole de la roue sur le drapeau de l'Inde, si vous vous êtes déjà posé la question.

Les paroles du philosophe semblent toucher les visiteurs, encore aujourd'hui. Plusieurs de ses admirateurs recopient avec application ses citations, affichées un peu partout: «Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde», «Si chacun ne conservait que ce dont il a besoin, nul ne manquerait de rien, et chacun se contenterait de ce qu'il a», «La haine tue toujours, l'amour ne meurt jamais» «Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours.»

On se demande parfois si l'héritage de Gandhi est encore vivant en Inde. Les journaux témoignent quotidiennement de la violence de la société: les attentats contre des politiciens, les affrontements inter-religieux, les meurtres de bébés-filles, les agressions contre les femmes et la discrimination envers les basses castes et les groupes ethniques minoritaires sont monnaie courante. L'Inde semble obnubilée pas son désir de richesse et de croissance, sans se soucier des laissés-pour-compte. «Je crois que si Gandhi vivait aujourd'hui, il serait horrifié de voir la violence autour de nous,» se désole Sunil Mehta, un jeune homme d'Ahmedabad rencontré à la sortie de l'ashram.

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D'autres lieux marquants de la vie du maître



Gandhi Smriti - Le père de la nation a été assassiné par un extrémiste hindou à Delhi en janvier 1948. Le lieu de sa mort a été transformé en sanctuaire. Ses derniers pas sont représentés par des traces de pied coulées dans le ciment, et un petit pavillon a été construit à l'endroit où il s'est effondré. Au moment de sa mort, Gandhi venait de quitter sa chambre et allait prier dans le jardin. La maison où il a vécu ses derniers jours est transformée - vous l'aurez deviné - en musée! On y présente encore des photos, mais aussi certaines de ses maigres possessions, notamment ses lunettes, son bâton de marche, son rouet et ses sandales.

Raj Ghat - «Hai Ram!» (mon Dieu!). Les derniers mots prononcés par Gandhi avant sa mort sont gravés dans la plateforme de marbre noir où son corps fut incinéré, sur les rives de la rivière Yamuna. L'endroit est un oasis de calme au coeur d'une métropole bouillonnante.

Musée national de Gandhi - Situé près de Raj Ghat, c'est LE musée national voué au Mahatma, dont la bibliothèque contient la plus importante collection de documents en lien avec lui. On peut y admirer des photos, des oeuvres d'art, une collection de rouets et une section d'objets reliés à sa mort: le dhoti ensanglanté qu'il portait lorsqu'il fut abattu, un des trois projectiles qui l'ont tué, l'urne dans laquelle ses cendres furent transportées pour être répandues dans diverses rivières de l'Inde, etc. Des écouteurs permettent aussi d'entendre des extraits de discours de Gandhi.

Madurai - Le musée Gandhi local met l'accent sur le mouvement de lutte pour l'indépendance du pays ainsi que sur l'artisanat local. Gandhi encourageait les Indiens à conserver leurs traditions, notamment leurs vêtements typiques. Le musée fait des démonstrations de tissage d'étoffes traditionnelles.



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Pélerinage au Gujarat



Porbandar - Kirti Mandir est un sanctuaire adjacent à la maison où Gandhi a vu le jour en 1869. Le monument présente les symboles des plus grandes religions du monde, des citations du Mahatma, une exposition de photos et une librairie. La maison vieille de 220 ans, où Gandhi a vécu jusqu'à l'âge de 6 ans, est aussi ouverte au public.

Rajkot - La maison familiale où Gandhi a passé sa jeunesse est appelée Kaba Gandhi No Delo. Elle est ouverte aux visiteurs et présente des informations sur la vie de Gandhi et une petite école de tissage.

Bhavnagar - Gandhi a fréquenté l'université ici. Comme il se doit, un autre musée a été aménagé en son honneur, présentant des photos et même ses résultats scolaires.

Dandi - C'est là, au bord de la mer, que la fameuse «marche du sel» de 1930 s'est terminée, alors que Gandhi a recueilli une poignée de sel sans payer la taxe britannique. Plusieurs monuments à sa mémoire et un petit musée, Saifee Villa, ont été érigés. À Karodi, 3 km plus loin, où Gandhi fut arrêté pour être emmené en prison, on trouve encore un autre musée.