(Washington) L’ambassadrice du Canada aux États-Unis estime que le programme Nexus, qui accélère le passage des voyageurs « préautorisés à faible risque » aux frontières, est « pris en otage » par les tentatives américaines de renégocier cet accord vieux de 20 ans.

Kirsten Hillman a qualifié de « décevant » et de « frustrant » que les 13 centres d’inscription Nexus du Canada restent fermés, même avec ceux au sud de la frontière ouverts depuis avril. Elle a carrément blâmé les États-Unis.

« Il y a une tentative de renégocier unilatéralement les termes d’un programme vieux de 20 ans, et le programme est pris en otage par cet effort, a déclaré Mme Hillman, lors d’un sommet d’une journée sur les questions frontalières entre le Canada et les États-Unis, organisé à l’ambassade canadienne à Washington.

Les tactiques utilisées par les États-Unis sont « très sévères » et ne correspondent pas à ce qui a longtemps été une relation cordiale et coopérative avec le Canada, a-t-elle poursuivi.

« On doit tous reconnaître qu’il faut travailler sur les problèmes, mais ça prendra du temps et en attendant, on ne peut pas mettre tout le programme à genoux, essentiellement. »

Le programme Nexus a été mis sur pied conjointement par l’Agence des services frontaliers du Canada et par le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis. Il vise à accélérer le passage à la frontière, tant canadienne qu’américaine, des voyageurs « préautorisés à faible risque ». Ces voyageurs doivent s’inscrire dans un centre pour obtenir leur attestation Nexus.

Or, les 13 centres d’inscription de Nexus au Canada, dotés d’agents canadiens, mais aussi américains, restent fermés à cause d’un litige sur les protections juridiques des agents de précontrôle américains qui y travaillent.

Les États-Unis souhaitent que leurs agents qui travaillent dans les centres d’inscription canadiens bénéficient des mêmes protections juridiques qu’aux postes frontaliers terrestres et dans les aéroports.

Mme Hillman a déclaré qu’à mesure que ce différend s’éternise, l’arriéré de demandes d’inscriptions — plus de 350 000 — ne fait qu’augmenter, tandis que la pression pour résoudre le litige continue de s’accroître.

Selon elle, un avis juridique suggère que les exigences américaines sont impossibles à satisfaire.

La seule issue au différend devra inclure une reconnaissance des États-Unis « que ce qui est demandé n’est pas simple — et peut ne pas être possible » a-t-elle déclaré, laissant entendre que l’avenir de Nexus pourrait être en jeu.

« Nous ne pouvons pas simplement laisser tout le programme s’effondrer sur la base d’une demande qui n’est peut-être pas possible. »

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a reconnu que les douaniers américains des centres Nexus n’avaient pas droit à la même protection juridique que celle dont les agents bénéficient dans les aéroports et aux postes frontaliers terrestres.

Il est plus facile de gérer les zones de précontrôle aux points d’entrée, car les voyageurs se rendent directement aux États-Unis, contrairement aux centres d’inscription Nexus au Canada.

La directrice générale du Conseil des affaires canadiennes-américaines, Scotty Greenwood, estime plutôt depuis des semaines que le Canada a déjà le pouvoir de déterminer et de redéfinir les zones de précontrôle.

Justin Trudeau a dit que les deux parties sont en pourparlers « presque tous les jours », lorsqu’il a été interrogé sur la sortie de Mme Hillman, jeudi lors d’un évènement à Hamilton.

« Nous allons continuer à travailler avec eux sur les moyens de rendre cela plus fluide et plus efficace pour les personnes qui travaillent des deux côtés de la frontière », a commenté le premier ministre.

« C’est pourquoi les programmes de voyageurs de confiance comme Nexus sont si importants et pourquoi nous sommes si impatients de le relancer. »

Le différend n’est que le plus récent irritant à surgir entre le Canada et les États-Unis depuis que Joe Biden a pris le contrôle de la Maison-Blanche en 2021. Mais c’est le premier à présenter une rhétorique aussi peu diplomatique.

Les deux pays ont échangé des plaintes officielles sur un certain nombre de questions liées au commerce au cours des deux dernières années. Le Canada a également exercé des pressions agressives contre un programme incitatif pour les véhicules électriques, désormais disparu, qui aurait exclu les voitures fabriquées au Canada.

Mais les observateurs ont noté que depuis le début de l’assouplissement de restrictions frontalières imposées lors de la pandémie, les deux pays ont commencé à adopter une approche plus asymétrique de la frontière commune qu’auparavant.

En effet, alors que le Canada a abandonné son obligation de vaccination pour les visiteurs étrangers plus tôt ce mois-ci, les États-Unis n’ont pas encore pris de mesures similaires en ce qui concerne les Canadiens voyageant vers le sud.