(Byblos) Dans la ville antique de Byblos, au nord de Beyrouth, boutiques et restaurants attendent les clients depuis plus d’un mois : le secteur de l’hôtellerie-restauration est frappé de plein fouet par la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, qui s’est étendue vers le sud du Liban.

« J’ai ouvert cette bouteille de whisky il y a deux semaines, et elle n’est pas encore vide. Avant, il nous fallait une bouteille par jour, ou un jour sur deux », se désole Richard Alam, un barman de 19 ans.

Même si les échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah se limitent à la frontière sud, beaucoup craignent une extension des hostilités et plusieurs pays ont appelé leurs ressortissants à quitter le Liban, après le déclenchement le 7 octobre de la guerre entre Israël et le Hamas.

Cette guerre est intervenue alors qu’au Liban le secteur touristique, épuisé par une crise économique inédite qui dure depuis quatre ans, avait commencé à se relever l’été passé.

« Byblos, et surtout les vieux souks, dépendent du tourisme », explique Richard Alam, en costume et nœud papillon, derrière son comptoir désert. « Nous sommes tombés de 40 à 50 tables par jour au moins (.) à sept tout au plus ».

Dans sa boutique de souvenirs, Mona Moujahed peine elle aussi à trouver des clients, alors que les vieux souks aux ruelles pavées de la ville millénaire attirent de nombreux visiteurs en temps normal.

Elle dit n’avoir « pas de travail, pas d’argent. Comme vous voyez, il n’y a pas âme qui vive », regrette cette femme de 60 ans, buvant un café seule devant sa boutique.

« Tout gâché »

« On venait de tourner la page de quatre années difficiles et de prendre un nouvel élan, mais malheureusement, la guerre a tout gâché », déplore Tony Ramy, président du syndicat des propriétaires de restaurants, boîtes de nuit, cafés et pâtisseries au Liban.

La moitié des établissements avaient dû fermer leurs portes à cause de la crise économique qui a frappé le pays en 2019, explique-t-il. « Depuis le 7 octobre, nous avons constaté une baisse spectaculaire de la clientèle (.) jusqu’à 80 % en semaine et 30 à 50 % le week-end ».

Les échanges de tirs quotidiens dans le sud ont fait au moins 88 morts depuis le 7 octobre, pour la plupart des combattants du Hezbollah, puissante formation libanaise pro-iranienne qui soutient le Hamas, selon un décompte de l’AFP.

Depuis le début des hostilités, la compagnie aérienne nationale, Middle East Airlines, a réduit ses vols de plus de moitié. Et le nombre de passagers embarquant sur ses vols depuis les pays du Moyen-Orient a baissé de 54 % par rapport à l’an dernier, selon sa porte-parole Rima Makkawi.

« Catastrophe »

Dans le quartier commerçant naguère animé de Hamra à Beyrouth, Ayman Nasser El Dine, directeur d’un hôtel quatre étoiles, évoque des centaines d’annulations depuis le début de la guerre.

« Nous avons zéro nouvelles réservations. Si ça continue, ce sera une catastrophe », ajoute-t-il dans le lobby désert de l’hôtel Cavalier.

Les hôtels attendaient avec impatience la période des vacances de fin d’année, explique M. Nasser El Dine, précisant que son établissement avait été surbooké pour tout le mois de décembre avant le début des hostilités.

Le taux d’occupation des hôtels est tombé à entre zéro et 7 %, contre environ 45 % avant la guerre, indique Pierre Achkar, à la tête du syndicat des hôteliers. « Les réservations ont été annulées pour les deux ou trois prochains mois ».

Malgré les défis croissants, M. Achkar se dit convaincu que le secteur pourrait rebondir une fois le calme rétabli.

« Nous sommes un peuple qui a une forte volonté, qui est né et a grandi en temps de guerre ».

Le Liban a connu 15 ans de guerre civile, un conflit en 2006 entre Israël et le Hezbollah, une énorme explosion au port de Beyrouth en 2020 et l’une des pires crises économiques de l’histoire mondiale récente, selon la Banque mondiale.

« Si nous n’avions pas une longue expérience en gestion de crise, le secteur aurait fait faillite depuis longtemps », estime Pierre Achkar.