«Je fais parvenir aux clients des hôtels de luxe des albums de photos de jeunes filles, c'est comme vendre de la marchandise». Kamal est proxénète à Beyrouth, un métier en plein essor bien qu'illégal dans un pays où coexistent conservatisme et libertinage.

«Ce boulot, j'en ai hérité de mon père», affirme à l'AFP ce quadragénaire libanais, qui utilise un prénom d'emprunt.Dans des hôtels, des boîtes de nuit, des maisons closes, des «chalets» et sur les autoroutes, des «travailleuses du sexe», parfois mineures, sont à la chasse de clients nantis, notamment des gens du Golfe à la recherche de plaisirs dans le pays jugé le plus libéral du monde arabe.

«L'été, la demande monte en flèche, alors on s'entraide entre réseaux. Ils nous passent des filles en cas de besoin et vice-versa», explique Kamal, propriétaire d'une boîte dans une région côtière au nord de Beyrouth, connue comme une «plateforme» de la prostitution.

Là, dans des «super night clubs», des établissements peu communs dans le monde arabe, des filles exclusivement étrangères, venues notamment d'Europe de l'Est grâce à des visas dits «d'artistes», s'adonnent à la «danse» et souvent à la prostitution.

«Pour moi, c'est un travail comme les autres», lâche Kamal.

Mais dans un pays où les relations sexuelles avant le mariage sont mal vues et où un jeune couple s'embrassant dans la rue risque d'être tancé par un policier, l'essor du «sex business» en choque plus d'un.

«J'ai des copains qui ne ratent pas la messe de dimanche, mais sortent avec une prostituée deux fois par semaine, parce que c'est à la mode. C'est de la frustration, mais surtout de la frime», affirme Sami, homme d'affaires expatrié de passage à Beyrouth.

Dans les hôtels de luxe, pour 20 dollars, un réceptionniste envoie les photos au client qui «choisit une blonde, une brune, une ou trois», explique Kamal, qui emploie des Libanaises et des Syriennes, «très demandées par les Arabes».

«Nous prenons un minimum de 120 dollars par heure, mais cela peut grimper jusqu'à 400 et plus», dit-il, précisant que «les gens du Golfe paient sans compter, alors que le Libanais, lui, chipote».

«Ce +métier+ rapporte des milliers de dollars», affirme à l'AFP le commandant Elie Asmar, chef du bureau de la protection des moeurs, pour qui «la prostitution prospère en raison de la crise économique dans le pays».

«J'ai été attirée par l'argent facile. Quand j'ai regretté, c'était trop tard», confie à l'AFP Hanine, 24 ans, ancienne femme de ménage aux formes généreuses, dans un bar près de Beyrouth.

«Mes clients me dégoûtent, mais je touche 100 dollars par heure», se justifie Nadia, 26 ans.

Les cas les plus difficiles à détecter sont ceux où la prostitution est une «affaire de famille», comme c'est le cas pour Soha, dont le mari est le souteneur.

«Il m'apportait les clients à la maison, le premier m'a violée. J'ai essayé de m'enfuir, en vain», affirme cette Syrienne de 18 ans.

Comme beaucoup de filles, elle est résignée, par nécessité, par peur des ragots et des mauvais traitements.

Nada, 21 ans, talons aiguilles et décolleté plongeant, s'est prostituée à 17 ans. «J'obéis à mon patron car il me bat», dit-elle, avant d'éclater en sanglots.

«Une fois, nous avons arrêté un homme qui +vendait+ sa femme dans sa propre maison. Dans un autre cas, le mari avait engrangé 7.000 dollars, produit d'une semaine de +travail+», dit le commandant.

Il affirme que ses services ciblent les réseaux, rappelant que la prostitution est illégale au Liban et passible de deux ans d'emprisonnement.

Des réseaux pour qui les affaires prennent parfois des proportions mafieuses.

«Il y a des lignes rouges à ne pas franchir», affirme Kamal. «Si une fille passe à un autre réseau sans notre consentement, c'est la guerre, et il y a du sang versé».