Un petit stationnement où s'entassent quelques minibus. Un mur dont la couleur rappelle celle des mines de bauxite - seconde industrie du pays après le tourisme - aperçues le long des routes. Soudain, une porte s'entrouvre. Hallucination causée par la fumée secondaire? Non : il s'agit bel et bien d'un étalage de marijuana. Pas de doute, nous sommes en Jamaïque, plus précisément à Nine Mile, village natal de Bob Marley.

Ici, un rasta allume un joint à la vue de tous. Là, un garçonnet en uniforme scolaire porte les dreadlocks comme son papa. Plus loin, un musicien de rue interprète les grands succès du reggae. L'île assume pleinement ses clichés et c'est très bien ainsi.

 

Il apparaissait essentiel de parcourir les 65 km (environ une heure et demie de route) qui séparent Ocho Rios de Nine Mile, situé à environ 915 mètres (3000 pieds) au-dessus du niveau de la mer. La route qui mène au bercail de la plus grande légende du reggae vaut à elle seule le déplacement. Un autre visage de l'île de «la terre, du bois et de l'eau» - traduction de son nom dans la langue des Arawaks (colons venus d'Amérique du Sud il y a un millénaire) - se dévoile peu à peu en s'éloignant des centres touristiques, celui des campagnes et de ses maisonnettes patchworks, des champs de choux et des chemins escarpés où seuls les klaxons peuvent nous prévenir qu'une voiture arrive en sens inverse.

Bien sûr, en prenant part à une visite guidée, on s'assure un arrêt dans un petit marché pour touristes. Une occasion de découvrir un autre grand mythe jamaïcain : «the big bamboo»! Dans les stands où s'entassent vêtements et oeuvres d'art, on repère rapidement les statuettes bien membrées. «Vous pouvez l'enlever et en faire ce que vous voulez», lance un vendeur en détachant le phallus de son socle.

Les derniers kilomètres qui nous séparent de notre destination dévoilent les décors les plus époustouflants. Les montagnes de Saint Ann, plus grande paroisse de Jamaïque, sont de véritables fabriques de points d'exclamation. Entre les «oh!» et les «ah!» se glissent plusieurs «wow!», particulièrement quand les vallons donnent l'impression qu'un pas suffirait pour nous lover à jamais dans leur écrin. À l'horizon, les arbres touffus se fondent dans les nuages. Leur relief évoque d'ailleurs celui de cumulus gorgés de chlorophylle qu'on aurait posés sur le sol.

Bienvenue chez Bob

Nine Mile. Une fois la surprise de l'étalage de marijuana passée, nous faisons la connaissance de Captain Crazy, qui sera notre guide au village. «Il nous est interdit de fumer au travail», lance-t-il d'entrée de jeu avant d'éclater d'un grand rire qui semble indiquer le contraire. Un sacré personnage!

En déambulant dans les petites routes qui mènent d'un endroit à l'autre, Captain Crazy alterne entre le récit biographique et les anecdotes liées aux chansons les plus connues de l'artiste, dont la famille gère toujours les lieux. «C'est ici que Bob aimait venir méditer, annonce-t-il en pointant Zion, un rocher arborant les couleurs du rastafarisme, religion que Bob Marley a embrassée sans retenue et qui prônait la consommation de marijuana - le ganja - , considéré comme «l'herbe de la sagesse». Plus tard, après avoir entonné plusieurs des succès de Bob, il fera chanter le groupe de visiteurs.

Car tout le monde pousse la chansonnette en Jamaïque. Tant le guide qui vous accompagne pour un tour de ville que celui avec lequel vous naviguez en radeau de bambou sur les eaux de la rivière Martha Brae. Et ils chantent juste, les bougres! On se surprend à avoir envie d'en faire autant... jusqu'à ce qu'on se souvienne que notre voix de crécelle fera fuir tant les oiseaux que nos compagnons de route. À Nine Mile toutefois, impossible de résister.

L'humour au rendez-vous

Autre trait caractéristique des Jamaïcains : leur sens de l'humour hors pair. Ainsi, la visite d'une attraction qui semble banale à première vue prend rapidement des allures de spectacle comique. Le meilleur exemple : Prospect Plantation, à Ocho Rios, où se trouve la plus grande concentration de sites touristiques, dont les célèbres chutes de la rivière Dunn.

Bien sûr, il est intéressant d'observer un pro grimper pieds nus dans un cocotier dont il cassera ensuite le fruit pour l'offrir aux visiteurs. Mais ce sont les commentaires des guides qui transforment la découverte des lieux en franche partie de rigolade : «Le cacao est utilisé pour faire du chocolat, explique l'un d'eux en montrant une cabosse. Il y a des fèves à l'intérieur. On doit les faire sécher et rôtir avant qu'elles sentent le chocolat. Après, on les envoie chez Hershey»...

Après six jours à sillonner l'île et à en apprécier tant le côté poli que les aspérités, l'héritage africain que les reliques anglaises (la conduite à gauche, notamment), notre pèlerinage à Nine Mile a donné tout son sens à l'expression irie. «Je suis irie signifie que je suis formidable, explique Claudia Cole, représentante des ventes au Bureau de tourisme. Regardez le soleil, la plage et l'eau. Que demander de plus? Quand le soleil brille, cela me rend merveilleuse aussi.»

Sun is shining, the weather is sweet, yeah, chantait l'autre...

Des plages de rêve

Si vous êtes du type plage plutôt que du type montagne, rendez-vous du côté de Negril, qui déploie ses 11 kilomètres de sable blond avec l'arrogance de celle qui se sait d'une beauté exceptionnelle sans avoir pour autant succombé au clinquant.

Les plages idylliques ne sont cependant pas l'apanage exclusif de cet ancien paradis hippie. Un peu plus au sud, celle qui borde le Sandals Whitehouse (où les enfants ne sont pas admis) donnerait des envies de farniente à n'importe quel workaholic. Au Holiday Inn de Montego Bay, qui a rouvert ses portes en octobre après une cure de Jouvence, la plage a été aménagée pour que les jeunes familles puissent s'y sentir à l'aise. Au Grand Bahia Principe de Runaway Bay, l'eau peu profonde est aussi idéale pour la baignade avec les enfants.

Côté sécurité, il faut bien sûr user de son gros bon sens et se renseigner sur les quartiers chauds avant de partir à l'aventure. Cette ombre au tableau n'a toutefois pas empêché trois millions de visiteurs de venir humer l'air salin du pays où Ian Fleming, le père de James Bond, est venu passer ses hivers pendant près de deux décennies.

Passion : bobsleigh

Petit retour en arrière, plus précisément en 1988, année des Jeux olympiques d'hiver à Calgary. Alors que Katarina Witt fait fondre tant les amateurs de patinage artistique que ses détracteurs, quatre drôles de pistolets défraient la manchette : les membres de la toute première équipe de bobsleigh... jamaïcaine!

Cinq ans plus tard, le film Cool Runnings relate l'aventure insolite de ces quatre lascars et de leur entraîneur. Pendant ce temps, un entrepreneur originaire de Californie installé en Jamaïque, Michael N. Drakulich, caresse le rêve de créer une attraction consacrée à ce sport. Vingt ans après que l'équipe olympique eut fait ses premiers pas sur la neige, il inaugure enfin Rainforest Bobsled Jamaica, un emplacement de 100 acres niché dans la Mystic Mountain, tout près d'Ocho Rios, où s'arrêtent de nombreux bateaux de croisières.

Fier de sa réalisation, le fondateur et directeur général ne lésine pas sur les détails concernant les études, la construction et la réalisation du projet, qui s'est fait dans le plus grand respect de l'environnement et en n'embauchant que des travailleurs jamaïcains. Les constructeurs de la piste de bobsleigh ont ainsi tablé sur la topographie naturelle des lieux. Un minimum d'arbres ont été abattus pour mettre en place le Rainforest Sky Explorer, qui transporte les visiteurs au sommet de la montagne, à 213 mètres (700 pieds) au-dessus du niveau de la mer.

L'effet est réussi. Tout au long de la montée, la végétation nous étreint littéralement. «Nous utilisons aussi notre propre eau et générons notre propre électricité», souligne M. Drakulich, qui vit en Jamaïque depuis 36 ans. Le Zip-line Canopy Tour promet pour sa part une bonne dose de sensations fortes en pleine nature.

Contrairement aux bobsleighs classiques, ceux de Mystic Mountain sont conçus pour accueillir une seule personne. Il est toutefois possible d'attacher deux bolides ensemble. La vitesse est contrôlée par les coureurs d'un jour. Une fois la descente amorcée, difficile de résister à l'envie de s'offrir une rasade d'adrénaline! Chaque courbe semble nous entraîner encore plus loin dans la gorge de la forêt. Non, le décor n'a rien à voir avec celui d'une fête foraine. Et on est bien loin de la neige...

Repères

> Climat : tropical. Chaud et humide

> Quand y aller : Pour éviter la saison des pluies, on s'y rend entre novembre et mai. Des ouragans peuvent survenir entre juin et novembre. C'est toutefois pendant l'été que le Reggae Sumfest (www.reggaesumfest.com) de Montego Bay et le Reggae Sunsplash, près d'Ocho Rios, battent leur plein. En janvier, le Jamaica Jazz & Blues Festival (jamaicajazzandblues.com) de Montego Bay connaît aussi un franc succès. Cette année, le festival - du 22 au 24 janvier - mettra notamment en vedette Estelle et Lionel Richie. En février, reggae et calypso rythmeront le carnaval de Kingston.

> Sécurité : Le ministère des Affaires étrangères du Canada note une augmentation du nombre de crimes violents et de meurtres depuis le début de 2008. «La plupart sont liés aux activités des gangs et aux meurtres pour représailles dans les centres-villes.» Certaines zones de Kingston et de Montego Bay sont à éviter.

> Sites Internet à consulter avant de partir :

www.visitjamaica.com (Office national de tourisme de la Jamaïque)

www.voyage.gc.ca (ministère des Affaires étrangères du Canada)

www.bobmarleymovement.com (pour faire une visite virtuelle de Nine Mile)

www.prospectplantationtours.com (Prospect Plantation)



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Les frais de ce voyage ont été payés par Nolitours et Vacances Transat.

 

Photo: Marie-Julie Gagnon

À Nine Mile, le village natal de Bob Marley, le guide Captain Crazy ponctue la visite de la maison du célèbre artiste d'anecdotes liées à ses chansons ou détaille sa passion pour «l'herbe de la sagesse»...