On la décrit comme «la Machu Picchu du Nord», future star touristique du Pérou: dans les Andes, une cité de 1600 ans, un millénaire de plus que l'illustre sanctuaire inca, émerge peu à peu de la végétation et de l'oubli, mais garde ses secrets.

Marcahuamachuco, dans la province de la Libertad symbolise les maux de bien des trésors archéologiques du Pérou. Plein de mystères encore - ses occupants, sa signification - mais déjà pillé de longue date de pièces qui aideraient à le décrypter, et dans une course contre le délabrement.

«On ignore à quelle culture elle appartenait, même si on sait que les édifices ont été construits vers 350-400, explique Cristian Vizconde, chef de l'équipe d'archéologues, mais ce fut le centre pré-inca le plus important des Andes péruviennes.»

«On ne sait quand ni d'où arrivèrent les premiers occupants.» Ni d'ailleurs pourquoi le site se vida, vers 1200, deux siècles avant l'apogée des Incas, qui vraisemblablement trouvèrent déjà sur place des ruines, et quelques bergers.

Elles sont toujours là, occupant un plateau de 240 hectares perché à 3700 mètres d'altitude: des groupes d'édifices parfois monumentaux, avec des murs de pierre arrondis, de 10 à 15 mètres de haut. Voire davantage, tant les remblais, la terre accumulée sur des siècles, masquent encore les proportions.

«J'ai vu des endroits très impressionnants dans ma vie, et celui-là en fait partie», déclare le Britannique John Hurd, consultant auprès de l'ONG Global Heritage Fund (GHF), qui défend le patrimoine des pays en développement.

«Ce qui m'a frappé surtout, c'était l'incroyable transparence de l'ensemble: c'était très ouvert, comme un message public, construit pour impressionner, pour démontrer le pouvoir d'une dynastie, j'imagine.»

Patrimoine mondial

Centre politique et religieux sans doute, contemporain de la civilisation Wari au sud, Marcahuamachuco rayonna sur le nord du Pérou et de l'Équateur actuels. On y parlait le culli, la langue de la région, quasi disparue au XXe siècle.

Marcahuamachuco - en quechua, «peuple des hommes au bonnet (en forme) de faucon - est l'objet d'études depuis les années 1900. Mais jamais le site n'a joui d'un grand projet susceptible d'enrayer sa dégradation. Depuis des siècles, des locaux ont extrait des pierres, travaillées, polies, pour faire des clôtures, bâtir leur logis, voire le décorer.

«Il y a quelques années, une famille a rendu une tête en pierre, qu'elle gardait depuis des années dans sa maison et qui lui prenait trop d'espace», raconte Luis Alberto Rebaza, maire de la ville voisine de Huamachuco.

«Ces lieux ont été pillés, mais le peu de restes humains encore à trouver seront analysés avec l'aide technique du GHF», dit Vizconde d'un secteur qui renferma des sépultures, clés potentielles.

Longtemps dans l'ombre du célébrissime Machu Picchu, l'un des sites les plus visités des Amériques, Marcahuamachuco se prépare à une deuxième vie, après avoir été «adopté» cette année par le Global Heritage Fund.

Un partenariat avec le gouvernement péruvien prévoit une aide scientifique, pour étudier, conserver et habiliter Marcahuamachuco pour un tourisme viable. Objectif avoué: l'inscription au Patrimoine mondial de l'UNESCO, dont le Pérou possède déjà 11 sites.

Marcahuamachuco y rejoindrait le dernier inscrit (2009): Caral, la plus ancienne cité-civilisation des Amériques du haut de ses 5000 ans. Et confirmerait l'effort récent du Pérou pour à la fois préserver ses hauts lieux archéologiques et diversifier son tourisme, évitant ainsi une hyper dépendance, - et une surexploitation - de son joyau, le Machu Picchu.