En surmontant difficultés financières et administratives, deux jeunes ingénieurs français construisent à Dalian, dans le nord-est de la Chine, les premiers bateaux de transport de passagers équipés de moteurs électriques et hybrides.

Dans leur chantier naval, deux navires hybrides de 18 mètres destinés à la Corse pourront, une fois achevés et transportés sur place, embarquer une centaine de passagers chacun en utilisant le moteur diesel, plus rapide, en haute mer, tandis que le mode électrique, plus silencieux et non polluant, servira à visiter des calanques.

Implantée dans la zone high-tech du port de Dalian depuis 5 ans, la société ODCmarine a produit à ce jour 30 bateaux en aluminium et se spécialise depuis deux ans dans les embarcations équipées de batteries au lithium-fer-phosphate, pour le marché français et européen des professionnels du tourisme.

Ces batteries de conception récente, qui équipent déjà certains bateaux de plaisance, sont plus légères que les batteries traditionnelles.

«Des bateaux d'une puissance de 50 ou 100 kilowatts existaient déjà, mais nous sommes à 300 kilowatts» ce qui suppose 3 tonnes de batteries au lithium pour un catamaran de 50 places, explique Gildas Olivier, 31 ans et codirecteur de l'entreprise.

Si les batteries étaient au plomb ou au nickel, elles pèseraient beaucoup trop lourd, précise-t-il.

«Les Chinois ont beaucoup investi dans cette technologie et ils ont eu raison, car elle à la fois efficace et sûre», selon Stéphane Gonnetand, son associé âgé de 33 ans, installé à Dalian depuis 2004, pour apprendre le chinois et travailler après des études d'ingénieur en France.

«En France, l'électrique était jusqu'ici vendu en comme quelque chose de très high-tech, de très très cher, sans raison particulière», constate M. Olivier.

Les entrepreneurs espèrent que deux de leurs bateaux déjà en service à Brest et à Sète, leur permettront de percer sur ce créneau «vert».

Avec un capital de départ de 100 000 dollars (74 300 euros), monter l'entreprise n'a pas été aisé. «On a eu un nombre incroyable de licences à faire. On avait un investissement très limité. S'il avait fallu verser des pots-de-vin, on n'aurait pas pu», se souvient Gildas Olivier.

Le financement reste un problème. «Les banques chinoises ne nous aident pas: elles ne prêtent qu'à hauteur des garanties qu'on leur donne. Et les banques françaises sont également réticentes du fait de l'implantation de l'entreprise en Chine», regrette M. Gonnetand.

Les associés espèrent doubler une production aujourd'hui limitée à 3-4 bateaux de passagers par an.

L'importance des chantiers navals de Dalian a permis aux Français de trouver sur place de la main-d'oeuvre qualifiée. Mais celle-ci coûte de plus en plus cher et ODCmarine a été confronté il y a un an une grève organisée par le chef d'atelier qui réclamait une hausse de salaire de 30%.

«On paye les prix du marché. On n'a pas cédé, sinon on était mort», affirme Gildas Olivier.

ODCmarine veut augmenter les performances de ses bateaux électriques en améliorant le système de gestion des batteries, actuellement acheté à un fournisseur local.

Les Chinois «sont très avancés sur la batterie elle-même, mais pour ce qui est du système de gestion, il s'agit d'un domaine, l'électronique de puissance, sur lequel on est très forts en France», d'après M. Gonnetand.

A cet effet les deux ingénieurs ont créé, avec un troisième associé basé en France, une société de recherche et développement, Ecoways.

Les Français visent aussi le marché chinois mais ne sont pas équipés pour répondre aux appels d'offres locaux dans le domaine du transport de passagers. Afin de profiter du boom de la navigation de plaisance en Chine, ils sont depuis deux ans distributeurs des marques Beneteau et Lagoon pour le nord-est de la Chine, une activité qui représente environ 20% de leur chiffre d'affaires de quelque 2 millions d'euros par an.

Les yachts et voiliers de ces deux marques françaises sont utilisés par de riches Chinois pour pêcher ou organiser des rencontres d'affaires.