Très loin du tourisme de masse qui s'est déversé dans les hauts lieux culturels ou balnéaires en Asie, d'Angkor Wat à Phuket, Nicholas Bonner emmène au compte-goutte des voyageurs en Corée du Nord, le pays le plus reclus de la planète, pour une aventure kitchissime.

Lancés avec seulement 12 touristes en 1993, les voyages organisés de Koryo Group, créé par cet ancien paysagiste britannique, ont emmené 1300 touristes l'an dernier au pays des Kim, ouvert aux Occidentaux depuis seulement 1987.



Partis avec une certaine anxiété dans ces contrées réputées inhospitalières et en proie à des famines régulières, les touristes -- 80% d'hommes, un quart d'Américains et zéro journaliste-- en sont souvent revenus comme de la planète Mars.

Tel Dennis Murphy, un ingénieur chimiste britannique, impressionné d'être traité «presque comme un responsable officiel» lors de son séjour, certes réglé comme du papier à musique, mais «magique, dans un monde totalement différent».



Au début, Koryo ne pouvait emmener ses touristes qu'à Pyongyang, dans la zone démilitarisée et au Mont Myohyang, explique à l'AFP Nick Bonner, dans son bureau de Pékin.

«Peu à peu nous avons eu accès à de plus en plus d'endroits», dit-il au sujet de ces voyages organisés avec l'étatique Korea International Travel company. «Cela a été fantastique, fondé sur la confiance».

Avec 40 guides locaux polyglottes, les circuits se sont élargis, pour passer sur la côte ouest et la côte est et ses plages magnifiques --et même chez l'habitant, dans la ville industrielle de Chongjin-- ou dans le nord, à Haeju.

Ils passent aussi à Kaesong, la ville portuaire de Nampo et le Mont Paekdu, une montagne sacrée pour les Nord-coréens près de laquelle serait né Kim Jong-Il, jusqu'à récemment interdit d'accès aux visiteurs ... américains.

Ces derniers n'ont d'ailleurs toujours pas le droit de quitter la Corée du Nord en train. Hamhung, la 2e ville de Corée du Nord, seulement ouverte depuis l'an dernier, figure aussi dans le circuit. Et même Rason, une zone de libre-échange très rarement visitée.

En septembre prochain, des Occidentaux pourront faire du vélo près du Mont Paekdu. «Cela n'a jamais été fait, c'est un vrai défi», dit Nick Bonner: «à Pyongyang les femmes n'ont pas le droit de faire du vélo, c'est jugé dangereux et inélégant».



Le programme de Koryo est exotique: visite articulée autour du 21 mars «jour anniversaire de l'annulation de l'impôt sur le revenu», séjour de «relaxation dans un ancien sanatorium de la côte est», ou visite d'usine de conditionnement de fruits de mer ou de ferme collective.

Les clichés les plus flatteurs que la Corée du Nord -- où l'on ne peut pas se déplacer sans guide local-- accepte de montrer aux Occidentaux. Ainsi, un récent visiteur australien, Lachlan Olive, se demande s'il a vu «la vraie Corée du Nord» en visitant une ferme modèle honorée plusieurs fois de la visite de l'ex-dirigeant Kim Il-Sung.

Mais pour tous, le clou des séjours ce sont les «mass games», ces tableaux vivants réunissant 100.000 participants pour les plus grandes chorégraphies du monde.

Ces voyages, pas si bon marché -- à partir de quatre nuits, 990 euros-- permettent à Nick Bonner de financer une autre aventure, qui est un gouffre financier: des films documentaires tournés sur place, qui ont eu l'honneur de festival tels Sundance.



Faut-il se demander, «doit-on aller en Corée du Nord?», régime reclus et accusé de violation de droits de l'Homme?

Pour Peter Psiachos, un avocat grec qui en rentre, le développement du tourisme est le meilleur moyen de réduire l'isolement de ce pays.

«Cela enlèverait un peu la peur des étrangers chez les Nord-coréens et nous apprendrait, à nous, que la Corée du Nord n'est pas notre ennemie», explique-t-il à l'AFP.

Pour Lachlan Olive, le voyage a été plutôt une bonne surprise. «J'ai bien vu que les habitants de Pyongyang menaient une vie simple, mais je n'ai pas vu la pauvreté ni les infrastructures délabrées d'une ville comme Manille, par exemple».