Un trek dans la jungle escarpée, une nourriture bien épicée, une nuit à la dure chez l'habitant. Le confort n'est pas au rendez-vous, mais qu'importe: le Laos, longtemps coupé du monde, essaye justement de proposer autre chose.Loin du tourisme de masse de son voisin thaïlandais, le pays communiste mise sur l'écotourisme pour faire découvrir ses richesses et assurer leur pérennité.

Sur les 220 000 hectares du parc national de Nam Ha, où vivent encore gibbons, éléphants et autres léopards au milieu des bambous géants, des villages ont élu domicile au bord de la rivière Namtha, affluent du Mékong.Attirés par cette beauté sauvage et la richesse culturelle des nombreuses minorités ethniques de la province de Louang Namtha, dans l'extrême nord du pays, les touristes sont de plus en plus nombreux.

De 20 000 en 1999 à près de 250 000 en 2010, selon les chiffres officiels.En s'ouvrant aux visiteurs étrangers dans les années 1990, le pays a vite compris que le secteur «serait une bonne opportunité pour développer l'économie», raconte Steven Schipani, qui a participé à la mise en place de cette stratégie comme consultant pour l'Unesco.Mais les autorités avaient «également conscience que le tourisme, s'il n'est pas correctement géré, peut avoir de nombreuses conséquences négatives», ajoute l'Américain, aujourd'hui chargé des programmes de tourisme en Asie du Sud-Est pour la Banque asiatique de développement.Le pouvoir, qui a notamment créé 20 parcs nationaux sur 14% du territoire, a ainsi tenté d'éviter les files d'autocars climatisés et les complexes hôteliers en béton.«Le Laos va devenir une destination mondialement reconnue spécialisée dans le tourisme durable», promet le site officiel ecotourismlaos.com.

Le parc de Nam Ha, grâce à un partenariat avec l'Unesco lancé en 1999, a servi de modèle à un système dans lequel les autochtones sont acteurs à part entière.Plusieurs dizaines de villages ont signé des contrats avec des agences de la région pour assurer l'accompagnement, l'entretien des sentiers, la découverte de la cuisine traditionnelle et l'hébergement pour la nuit. Le tout pas plus de deux fois par semaine, et pour huit touristes au maximum.En échange, ils reçoivent plus d'un tiers du prix des treks, indique Chittaphong Chanthakhoune, responsable d'agence.Des centaines de projets suivent aujourd'hui ce modèle, permettant au Laos d'éviter certaines dérives de ses voisins, où les tours-opérateurs emmènent des groupes visiter des villages sans même consulter les habitants.Cet écotourisme «ne sera viable que si les deux parties comprennent ce qui est important pour l'autre», insiste Adrian Schuhbeck, de la coopération allemande.Des bandes dessinées invitent donc les étrangers à respecter les lieux de culte et à ne pas prendre de photo sans autorisation.

Les villageois sont pour leur part formés pour mieux comprendre leurs visiteurs. Et personne ne leur demande de faire le spectacle.De fait, si les Lantens ne quittent jamais leur costume traditionnel indigo, seuls quelques détails trahissent l'identité ethnique des Akhas, Hmongs ou Khmus, qui vaquent à leurs occupations quotidiennes sans se préoccuper des touristes.«Comparé à la Thaïlande, c'est sans aucun doute plus authentique», se réjouit Joe Park, un Anglais de 28 ans.Le Laos est donc en passe de réussir son pari. Pendant qu'il exploite vallées encaissées et villages perdus au milieu de la forêt avec quelques aventuriers, il a équipé sa capitale Vientiane et Louang Prabang de structures adaptées à des flux plus importants.Tourisme de masse et écotourisme sont ainsi deux marchés «séparés», souligne Steven Schipani. Mais compatibles: le Laos a déjà vu passer son nombre de visiteurs d'à peine 5000 en 1991, à plus de 2 millions en 2009.