Si vous ne deviez visiter qu'une seule ville aux États-Unis cette année, vous iriez à Los Angeles ou à New York? La rivalité entre les deux grandes métropoles américaines ne date pas d'hier. Richard Hétu, qui est correspondant de La Presse à New York depuis 1994, a accepté de participer à ce face-à-face des métropoles, même s'il considère que Los Angeles n'a aucune chance face à sa grosse pomme qui est plus que le coeur des États-Unis. New York est le coeur du monde.

Dès qu'on m'a demandé de participer à ce combat des villes, j'ai pensé à Julia Diamond, qui a déménagé à New York l'été dernier après avoir travaillé pendant six ans à l'Opéra de Los Angeles. J'ai fait sa connaissance sur la Plaza du Lincoln Center, un soir de pluie battante. Elle se trouvait parmi les centaines de spectateurs qui suivaient sur un écran géant la diffusion de la première présentation de L'Or du Rhin, de Richard Wagner, dans la nouvelle production de Robert Lepage au Met.

«Ce sont des soirées comme celle-ci qui nous font réaliser pourquoi nous aimons New York», m'a dit Julia, esquissant un sourire sous son parapluie.

Cette scène résume à mon avis tout ce qu'il y a à dire sur la primauté de New York comme ville américaine. Ce soir-là, pour de nombreux mélomanes, le Lincoln Center était le centre de l'univers. Et ce n'est pas la pluie qui aurait pu empêcher les plus passionnés d'entre eux, y compris une ex-résidante de Los Angeles habituée au soleil, de voir en direct ce que Lepage avait fait du Ring.

L'impression de se retrouver au centre de l'univers n'est évidemment pas réservée aux mélomanes new-yorkais. Ceux-ci partagent ce sentiment avec leurs concitoyens qui travaillent dans la finance, les médias, la mode, la publicité et la gastronomie, entre autres domaines où la ville la plus peuplée des États-Unis exerce une influence sur la planète.

Tout hérissée de gratte-ciel, l'île de Manhattan suscite elle-même ce sentiment d'être au coeur du monde, surtout à Times Square. Et il faudrait prétendre qu'il y a vraiment une lutte pour le titre de ville emblématique des États-Unis?

Mais revenons au commentaire de Julia. «Ce sont des soirées comme celle-ci qui nous font réaliser pourquoi nous aimons New York.» On y trouve un aveu implicite: la vie n'est pas toujours facile à New York, ville chère, stressante, bruyante. Il est même possible d'oublier pourquoi on est venu s'y installer. Mais tout redevient clair le temps d'une journée ou d'une soirée dont on sait qu'elle n'aurait pu être vécue nulle part ailleurs.

J'ai éprouvé ce sentiment récemment après avoir vu l'une des dernières représentations sur Broadway de Fela!, la comédie musicale sur la vie du Nigérian Fela Anikulapo Kuti, inventeur de l'afro-beat. Je me souviens aussi de m'être répété le commentaire de Julia l'été dernier en quittant le Delacorte Theater, à Central Park, où je venais de voir Al Pacino intense et captivant comme jamais dans le rôle de Shylock, le héros du Marchand de Venise.

Les spectacles les plus humbles peuvent aussi produire le même sentiment de béatitude, comme lorsque je vais au St. Nick's Pub, dans Harlem, où se produit chaque samedi soir un ami québécois avec des musiciens africains.

Et tout cela est à la portée des visiteurs, qui ont l'avantage de pouvoir vivre ces moments transcendants même lors d'une brève visite à New York.

Je ne fais bien sûr qu'effleurer le sujet de la richesse culturelle de New York, un des principaux facteurs de sa prééminence parmi les villes américaines. À la musique et au théâtre, il faut ajouter la danse, la peinture et la littérature comme activités artistiques où New York n'a pas d'égal aux États-Unis. On peut d'ailleurs se demander ce que serait Hollywood sans l'apport de tous les scénaristes, réalisateurs et producteurs new-yorkais qui y gagnent leur vie.

Je parlerai à peine des musées incomparables de New York, sauf pour souligner la tenue d'une excellente exposition au Musée américain d'histoire naturelle sur le fonctionnement du cerveau. Ça s'intitule Brain: The Inside Story. Et je ne dirai même pas un mot sur les clubs, les restos et les magasins de la ville.

Car je dois aborder enfin l'une des raisons majeures pour lesquelles New York est la plus jouissive des grandes villes américaines. Non seulement cette mégapole a un système de transports en commun digne de ce nom, mais en plus elle se prête également à la marche. Il est possible d'y vivre sans voiture, d'être un piéton heureux à Manhattan, un flâneur insouciant à Brooklyn ou dans Queens, de s'abandonner au spectacle du moment, de se frotter à l'humanité et à la diversité d'une ville de 8 millions d'habitants, 18 millions avec la banlieue. Aucune autre ville américaine n'offre une expérience semblable.

Je vous invite donc à commencer dans mon quartier, East Village, votre prochaine visite à pied de Manhattan. Par beau temps, vous me verrez peut-être en train de lire sous le saule pleureur d'un parc situé à l'angle de l'avenue C et de la 9e Rue.

Cinq adresses à NY

Tarallucci e Vino

Ne cherchez pas plus loin. Ce café sans prétention sert les meilleurs croissants et fait le meilleur cappuccino à New York. En été, une petite terrasse permet d'observer la faune bigarrée d'East Village.

Tarallucci e Vino, 163, First Avenue, New York,

212-388-1190, www.taralluccievino.net

Edi

Ce tout nouveau restaurant autrichien est le rejeton plus relax et rustique de Seasonal, l'un des établissements préférés des gourmets de New York, qui se trouve dans la 58e Rue (entre les 6e et 7e Avenues).

Edi&The Wolf , 102, Avenue C, New York,

212-598-1040, www.ediandthewolf.com

Ace of clubs

Bon, d'accord, CBGB est mort et enterré, mais East Village compte encore plusieurs clubs où l'on peut entendre du rock qui décoiffe, dont ce classique situé à deux pas de l'ancien berceau du punk new-yorkais.

Ace of Clubs , 9, Great Jones St., New York,

212-677-6924, www.aceofclubsnyc.com

Strand

Si vous cherchez un livre rare imprimé à l'ère victorienne, vous avez des chances de le trouver dans ce magasin légendaire qui compte plus de deux millions de livres à prix imbattables. Ne vous laissez surtout pas intimider par le personnel pas toujours courtois...

Strand, 828, Broadway, New York, 212-473-1452,

www.strandbooks.com

Thompson Lower East Side

Cet hôtel-boutique très chic et hyper cool est situé tout juste au sud d'East Village. On y trouve un hall qui ressemble à un club et, sur le toit, une piscine dont le fond est tapissé d'images d'Andy Warhol. Très downtown, comme ambiance.

Thompson Lower East Side, 190, Allen St. New York, 1-877-460-8888, www.thompsonhotels.com