Un dosimètre jaune à la main, le guide annonce un niveau de radiation 35 fois supérieur à la norme naturelle : bienvenue à Tchernobyl, théâtre en 1986 de la pire catastrophe nucléaire de l'Histoire, qui attire chaque année des milliers de touristes occidentaux.

La zone de Tchernobyl attire des curieux du monde entier, tant spécialistes que simples touristes, surtout occidentaux, qui n'hésitent pas à débourser 160 dollars par personne pour une journée dans la zone accidentée.

Cité parmi les destinations de voyage «les plus exceptionnelles du monde» par le magazine américain Forbes, Tchernobyl a accueilli l'an dernier environ 7 500 visiteurs, selon les chiffres officiels.

Un petit bus amène des touristes vers la zone interdite. À l'entrée, chacun signe un papier, s'engageant à respecter les règles censées éviter la contamination: ne pas manger et fumer en plein air, ne toucher à rien, ne pas s'asseoir à même le sol et ne pas y poser ses affaires...

Ils signent avec de petits rires nerveux. Une jeune psychologue belge, Davinia Schoutteten, avoue avoir «un petit peu peur» des radiations et ajoute qu'elle va jeter ses chaussures après la visite.

Elle poursuit tout de même son voyage avec d'autres touristes, se dirigeant vers le réacteur accidenté recouvert d'une chape de béton fissurée.

C'est la que le dosimètre du guide affiche le taux de radiation le plus élevé de tout le voyage: 3,9 microsievert (µSv) contre un niveau naturel de 0,12 µSv.

Après avoir pris des photos, le groupe part pour la ville de Pripiat, construite à seulement trois kilomètres de la centrale pour son personnel et dont 50 000 d'habitants avaient été évacués au lendemain de la catastrophe.

Le temps s'y est arrêté. Des panneaux de l'époque soviétique sont toujours accrochés à des bâtiments, près d'un parc d'attraction rouillé. Des livres et pièces de jouets traînent dans un appartement abandonné. Une cantine d'école est jonchée de centaines de masques à gaz.

«C'est très triste», dit Bobby Harrington, une touriste australienne.

Elle se sent gênée de visiter ces habitations abandonnées. «C'est peut-être trop tôt. Beaucoup de ces gens sont toujours vivants. C'est le côté voyeuriste qui me met mal à l'aise», confie la jeune femme.

Le guitariste suédois Karl Backman dit avoir «toujours voulu voir ce site».

Il ne trouve guère bizarre le choix de son lieu de vacances. «Ce n'est pas différent du Colisée où des gens sont aussi morts, ou d'Auschwitz», dit-il.

Le 26 avril 1986, explosait le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, située dans le nord de l'Ukraine, près de la Russie et du Bélarus, contaminant une bonne partie de l'Europe et surtout ces trois républiques de l'URSS.

Des milliers de «liquidateurs», dépêchés sans protection sur les lieux de l'accident pour éteindre l'incendie et enfouir le réacteur touché, sont morts au fil des années et, rien qu'en Ukraine, 2,3 millions de personnes ont officiellement souffert des retombées radioactives, notamment responsables de nombreux cancers.

Le bilan sanitaire de cette catastrophe est très contesté. Une estimation controversée de l'ONU évoque 4 000 décès avérés ou à venir dans les trois pays les plus touchés. Greenpeace estime de son côté à au moins 100 000 le nombre de décès potentiels entraînés par la catastrophe.