«Non, on ne mangera pas de sardines, ce n'est pas la saison», me lance Carlos Ferreira d'un ton gentil mais qui montre bien que la discussion s'arrêtera là.

Nous sommes à Lisbonne, la belle capitale portugaise aux murs roses. Il fait 12 petits degrés tout à fait confortables pour une nordique. Le soleil essaie de se cacher, mais on le devine.

 

Je viens tout juste d'arriver et je rêve aux sardines depuis trois jours. C'est un de mes poissons préférés et, pour tout gastronome, ce délice est évidemment la première chose qui vient à l'esprit quand on parle du Portugal.

«Pas de sardines? Voyons, Carlos, c'est ma première fois au Portugal.

- Désolé. Ce n'est pas la saison. Tu vas voir, on va trouver autre chose. Connais-tu les pouces-pieds?»

1 Mollusques et poissons au-delà des sardines: la côte au nord de Lisbonne

J'ai à peine eu le temps d'aller porter mes valises à l'hôtel que nous voilà assis dans une brasserie historique de Lisbonne, couverte de ces célèbres tuiles bleues anciennes appelées azulejos. Tout de suite, je comprends que ma première leçon sur le Portugal sera simple: oui, ici, on mange des sardines et du bacalhau, la célèbre morue salée, mais les saveurs maritimes du Portugal s'ouvrent sur une foule d'autres goûts de l'océan.

Sur la table, donc, une assiette de pouces-pieds, mollusques étranges qui font penser à de mini-monstres multitêtes et dont on aspire l'intérieur.

«Ici, c'est très populaire, m'explique Teresa Vivas, relationniste spécialisée en gastronomie, qui aide Ferreira à préparer le volet gourmand sur le Portugal du festival Montréal en lumière. C'est incroyable, tout ce qu'on mange qui vient de la mer.»

Quelque 24h plus tard, je suis toujours sur la côte, au nord de Lisbonne, à goûter à toutes sortes de poissons et de fruits de mer. Morue salée, évidemment, mais aussi coques, chinchards, crevettes.

À Cascais, à la fois village de pêcheurs et banlieue cossue, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Lisbonne, on se pose un soir dans une sorte de Milos convivial installé directement sur la plage et le lendemain, on lunche à la super chic Villa Italia. Ici, il y a de tout. Du plus rustique au plus chic.

À Estoril, station balnéaire dotée d'un casino où Ian Flemming a écrit Casino Royale, on se croirait sur la Riviera, palmiers et beau monde inclus.

2 Les viandes blanches: Barraida

À Montréal, lorsqu'on pense à la gastronomie portugaise, après le poisson, on pense souvent poulet grillé, à cause des rôtisseries typiques de la métropole. Au Portugal, on trouve ces restaurants pas chers et familiaux où l'on mange sans façon de la volaille passée au charbon. Mais tant qu'à être là-bas, côté grillades, c'est le chevreau et le cochon de lait qu'il faut essayer. Et pour cela, Carlos m'emmène explorer la région du centre du pays, entre Lisbonne et Porto, le Beira, et plus particulièrement les plaines du Barraida. Car si cette zone est connue ici pour ses vins, elle devrait l'être aussi pour son cochon de lait grillé.

Non loin d'Aveiro (ville connue pour sa fleur de sel et ses marais salants) et de la jolie ville universitaire de Coimbra, pas loin du village d'origine de Carlos, le Barraida est spécialisé dans le leitão assado. Entrez dans les petits villages de ce coin vallonné, perdez-vous dans les petites routes parcourant les vignes et vous verrez des rôtisseries un peu partout. Sinon, foncez sur Mealhada pour un succès garanti.

Nous, en suivant les conseils de Carlos, on a opté pour Aguada de Cima, à la Casa Vidal. Et l'expérience vaut le détour. Les cochons sont tués sur place. Oreilles rôties, viande hyper douce, riz aux abats, tout est exquis. Même la peau du cochon de lait, rôtie, se mange comme des croustilles.

Si vous aimez la viande très tendre, n'hésitez pas à essayer une autre spécialité portugaise: le chevreau rôti, cabrito assado. On en prépare un peu partout au Portugal - j'en ai mangé de l'excellent dans l'Alentejo (Sud) et à Lisbonne - mais pourquoi ne pas rouler un peu vers l'est et profiter d'une visite de la région du Dão, où l'on produit aussi de fort bons vins, pour essayer cette spécialité?

3 Vins fins: Porto et la vallée du Douro

Si les voyages de type «routes du vin» vous intéressent, la vallée du Douro est à voir absolument. Rares sont les paysages de vignobles aussi spectaculaires.

Le Douro est le fleuve qui se termine à Porto, une carte postale à visiter. Les ponts qui enjambent le fleuve, les chais au bord de l'eau avec toutes les affiches des grandes maisons de porto, les bateaux anciens qui rappellent l'époque où le vin était descendu en tonneaux sur la rivière, la gare et ses azulejos, la vieille ville qui s'accroche à la falaise avec ses venelles escarpées, souvent en escaliers...

À partir de Porto, on peut ensuite remonter la vallée du Douro, où poussent des vignes en terrasses depuis l'époque romaine, malgré des flancs parfois inclinés à 70°. On ne cesse de se demander quel fou a bien pu aller planter des vignes jusque-là. Certaines fermes viticoles, les quintas, accueillent les touristes. Plus on remonte le fleuve aux cinq barrages, plus le paysage est sauvage. Et spectaculaire.

Les amateurs de porto y feront un pèlerinage. Les gastronomes arrêteront à Folgosa chez DOC, un restaurant d'une grande élégance construit sur pilotis sur le fleuve. Les amateurs de design moderne iront passer quelques jours - hors saison pour avoir un tarif pas trop cher - à la spectaculaire auberge-spa Aquapura.

4 Les fruits et encore les fruits: Algarve et Douro

Avec son climat chaud et sec, le Portugal est un producteur d'olives, de raisins pour le vin, mais aussi de toutes sortes de fruits que l'on peut déguster lorsqu'on s'y balade. «Ça change tout au long de l'année, explique Carlos Ferreira, mais il y a toujours quelque chose qui est en saison.»

Si on veut profiter à plein des agrumes, la région de l'Algarve, tout au sud, vient nécessairement à l'esprit mais il y en a aussi beaucoup dans la vallée du Douro.

En janvier, nous avons mangé des oranges et des clémentines sublimes, cueillies directement sur les coteaux où les citronniers aussi croulaient sous le poids des fruits. Plus tard, ce sera le temps des nèfles, pêches, abricots, amandes et des cerises, dont on fait un alcool sucré typique, la ginjinha, particulièrement populaire à Lisbonne.

À l'automne, il n'y a pas que le vin que l'on prépare, il y a aussi l'huile d'olive, qui doit être dégustée le plus jeune possible. Dans le Douro, notamment, il n'est pas rare que les fermes vinicoles en fabriquent aussi. À demander.

5 La coriandre: Alentejo

Autant la Provence aime le thym et l'Italie le basilic, autant le Portugal, lui, décline la coriandre. Les amateurs de cette herbe fraîche et parfumée trouveront dans ce pays de quoi se régaler. On en met sur la viande, dans la soupe, dans les salades, sur les poissons...

Lorsque j'ai demandé à Teresa Vivas quelle serait la meilleure région à visiter pour bien apprécier la coriandre, elle m'a tout de suite conseillé l'Alentejo, à l'est et au sud de Lisbonne, une région où l'on découvre des perles comme le village de Marvão, à la fois hameau et château fort suspendu au dessus des plaines ondulant vers l'Espagne, ou alors des lieux perdus comme le Convento de São Paolo, devenu hôtel.

L'Alentejo, c'est la belle campagne gourmande portugaise, connue pour son porc alentejano et son porc aux pattes noires, que l'on fait sécher (jambon appelé presunto), que l'on cuit avec des coques - et beaucoup de coriandre -, que l'on confit, que l'on grille.

Au menu aussi: vins, chênes-liège, vestiges romains... Arrêtez à Evora voir l'aqueduc ou le temple de Diane. Ou alors optez pour le modernisme et allez au restaurant, ou tout simplement prendre un verre sur la terrasse de l'hôtel M'AR De AR Aqueduto.

Boa viagem!

Bom proveito!

REPÈRES

S'y rendre

On peut se rendre au Portugal en avion avec plusieurs lignes aériennes européennes ou américaines, à condition de faire escale (nous avons fait escale à Zurich avec Swiss en janvier). Pour les vols directs, il faut attendre Air Transat, qui offre une liaison hebdomadaire en été. Le voyage est alors d'à peine 6heures.

Budget

On peut voyager pour tous les prix au Portugal mais, d'une façon générale, ce pays est reconnu pour être l'un des plus abordables du sud de l'Europe.

Climat

Le climat y est chaud. Il faisait une douzaine de degrés en janvier et c'était fort agréable malgré les nuages. L'été, c'est ensoleillé, très chaud et sec. La végétation est parfois luxuriante - ne pas manquer les forêts d'eucalyptus dans la superbe région de Sintra - et parfois typique de climats très secs, comme dans le Douro ou l'Algarve.

Langue

Le portugais écrit est assez facile à déchiffrer approximativement, pour quiconque parle un peu d'espagnol ou d'italien en plus du français, mais le portugais parlé est ardu à l'écoute et encore plus si on cherche à le prononcer. Les syllabes sont avalées et la musique des phrases, très typée, se doit d'être respectée si on veut être compris. Pas une mauvaise idée de louer des films en VO portugaise avant de partir. Ou des cassettes.

À voir avant de partir:

Dans la ville blanche d'Alain Tanner, Lisbonne Story de Wim Wenders et même le James Bond On Her Majesty's Secret Service, filmé notamment dans l'hôtel Palacio, à Estoril. Puisque le Portugal était neutre durant la Seconde Guerre mondiale, ce fut un lieu de rencontres pour les espions. On dit que tout l'esprit des James Bond a été imaginé par Ian Fleming à Estoril, lieu de villégiature balnéaire doté d'un très chic casino, tout juste à l'extérieur de Lisbonne.

À lire avant de partir:

Le récit poétique Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier ou alors le polar Une mort à Lisbonne, de Robert Wilson.

Où aller manger à Montréal avant de partir?

D'abord, du 18 au 27 février, Montréal accueille toute une délégation de chefs portugais qui cuisineront dans différents restaurants de la ville. Horaires et info: www.montrealenlumiere.com. Montréal compte aussi plusieurs bons grands et petits restaurants portugais, dont Doval (150, rue Marie-Anne Est, 514-843-3990) pour du poulet grillé sur le charbon à prix raisonnable; Ferreira Café évidemment (1446, rue Peel, 514-848-0988) pour des poissons et fruits de mer et une ambiance chic; Portus Calle (4281, boulevard Saint-Laurent, 514-849-2070) pour des tapas à la portugaise, dans une atmosphère vivante et festive.

LES BONNES ADRESSES AU PORTUGAL

> Pour le cochon de lait dans le Barraida: Casa Vidal à Aguada de Cima. 351-234-666-353;

> Pour le poisson sur la côte à Guincho, près de Cascais: Porto de Santa Maria. www.portosantamaria.com

> Pour un repas typique de l'Alentejo: à Mourão, Adega Velha. 266 586 443

> Pour un repas gastronomique à Porto: le Quarentae4, dont le chef Pedro Nunes sera ici pendant Montréal en lumière. www.quarentae4.com

> Pour les meilleures tartelettes à la crème au petit-déjeuner: Pasteis de Belém à Belém www.pasteisdebelem.pt

> Pour le meilleur chevreau grillé à la truffe: le restaurant du Ritz (Four Seasons) à Lisbonne, où le chef Pascal Meynard est un ancien Montréalais. www.fourseasons.com/lisbon/

Le transport pour ce reportage a été payé par Swiss et l'hébergement offert par le Four Seasons de Lisbonne, le Sheraton de Porto et la Quinta Da Dourada de Portalegre.