Ce n'est pas l'altitude. Ce n'est pas le froid. C'est le vent contre lequel je dois me battre. Chaque pas est une lutte impitoyable. Des grains de neige durcie, soulevés par les bourrasques, me pincent le visage. Malgré tout, j'atteins le sommet. Le mont Blanc.

C'est le sommet des Alpes, à 4810 m d'altitude. C'est un prix que plus d'un alpiniste veut ajouter à sa collection, qu'il s'agisse d'alpinistes chevronnés ou de débutants... très débutants. Pourvu qu'ils soient dans une excellente forme physique.

La demande est grande et plusieurs agences, comme Allibert et Stage Expédition, ont mis en place une variété étourdissante de programmes pour y répondre.

Pour les plus expérimentés, ceux qui savent déjà manier les crampons et le piolet et qui peuvent gérer leur propre acclimatation, ces agences offrent des programmes de deux jours. On prend un téléphérique pour monter à un refuge, on y passe une partie de la nuit, on se lève au petit matin, et hop, on s'attaque au sommet.

Les programmes plus longs, soit cinq ou six jours, comprennent une période d'acclimatation et une école de neige et de glace. Excellente idée! Il ne me reste plus qu'à m'entraîner sérieusement avant le départ.

À Chamonix, je rencontre mon guide, Nando, et les membres de mon groupe: quatre frères en forme, un vieux montagnard, un jeune sportif solidement planté et un jeune intellectuel un peu maladroit.

Nous entreprenons la première partie de notre programme, l'école de neige et de glace, au refuge Albert 1er, à 2702 m d'altitude. L'impressionnant glacier du Tour s'étend devant le refuge. C'est le lieu idéal pour apprendre à se servir des crampons et du piolet sans se transpercer les mollets.

Pendant les deux jours suivants, nous faisons quelques petites ascensions, la Tête blanche à 3429 m d'altitude et la Petite fourche à 3520 m. Cela nous permet de raffiner nos techniques de cramponnage... et de tester notre résistance au vertige.

Après un retour dans la vallée de Chamonix et un repos bien mérité, nous nous sentons prêts à affronter le mont Blanc. Il fait beau, la météo est excellente pour les prochains jours, ça s'annonce bien.

La première étape est facile: nous nous engouffrons dans un téléphérique pour émerger à l'Aiguille du Midi, à 3842 m, en face du mont Blanc.

Avec notre harnais, nos crampons, notre piolet et nos grosses bottes d'alpinisme, nous détonnons parmi les touristes japonais. Nous empruntons avec fierté un passage au-dessus duquel sont écrits les mots: «Sortie des alpinistes.» Et nous nous arrêtons net sur notre lancée. Devant nous, une mince crête de neige se déroule jusqu'au refuge des Cosmiques, 200 m plus bas. De chaque côté, le vide. Devant, un spectaculaire panorama de montagnes et de glaciers, absolument vertigineux.

Nous nous sentons subitement moins fiers. Nous nous concentrons sur chaque pas, en essayant de ne pas trop regarder de chaque côté. C'est avec soulagement que nous parvenons au refuge des Cosmiques, à 3613 m.

Tout le monde se couche tôt pour se relever à 1h. C'est l'attroupement dans la salle à manger pour un petit-déjeuner rapide et la bousculade dans la salle d'équipement à la recherche de crampons, de piolets, de casques. À 2h, nous sommes prêts à partir.

Redescendre?

Pour l'ascension, on nous a fourni un guide pour deux personnes. Nando a fait les équipes: les quatre frères sont divisés en deux cordées, je ferai l'ascension avec le jeune baraqué et Nando choisit d'apparier le vieux montagnard avec le jeune intellectuel. La formation de ces cordées est importante: si un des deux clients éprouve des difficultés, c'est toute la cordée qui doit redescendre.

La pente est raide. À cette altitude, il faut chercher son souffle, mais jusqu'ici, pour moi, ça va bien. Par contre, mon taupin semble avoir de la difficulté à adopter une respiration régulière. Pendant les heures qui suivent, il continue de peiner. Finalement, il s'arrête, incapable de continuer.

Je suis catastrophée: quoi, il faudra redescendre?

Une autre cordée arrive à notre hauteur, l'un des clients se laisse choir dans la neige, épuisé. Lui aussi doit mettre fin à son ascension. Par bonheur, nos guides sont de grands copains et ils s'entendent pour faire une petite substitution: nous prenons leur joueur encore solide, mon jeune baraqué redescend avec leur guide. Ouf!

Peu à peu, le soleil se lève, jetant des ombres rose et bleu sur la neige.

Après avoir vaincu un véritable mur de glace, nous atteignons le sommet à 8h, soit après six heures d'ascension. Il faudra cinq heures, épuisantes, pour retourner à l'Aiguille du Midi.

Je m'attendais à une ascension difficile. Elle m'a semblé plus ardue encore. Elle a aussi donné lieu à des surprises: mon jeune sportif a dû déclarer forfait, mais le jeune intellectuel, tout maladroit qu'il était, a atteint le sommet, comme le vieux montagnard et les quatre frères.

Notre bande de débutants s'en est sortie avec les honneurs de la guerre.