La Fête des Lumières à Lyon se met cette année au diapason du Japon, avec le défilé de chars traditionnels venus de l'archipel marqué par la catastrophe de Fukushima, et organise plusieurs spectacles et animations publiques dans la ville, de jeudi à dimanche.Près de trois millions de visiteurs dont une part importante d'étrangers sont attendus.

Une délégation de soixante Japonais est arrivée mardi de Nanto, dans l'ouest du Japon, où est organisé chaque année un défilé lumineux dans le quartier de Fukuno (15 000 habitants). Ils ont reconstitué cinq chars acheminés en morceaux par bateau, qui n'étaient jamais sortis de leur territoire et effectueront durant quatre soirs un circuit dans le quartier de la Presqu'île à Lyon, où se tient l'essentiel des manifestations.

Le festival ancestral de Fukuno entre en résonance avec le festival lyonnais. Le premier, qui se tient chaque 1er et 2 mai, commémore l'incendie en 1652 d'un village dont la population avait sauvé un sanctuaire.Et chaque 8 décembre à Lyon depuis 1852, date de l'inauguration de la Vierge de bronze doré au sommet de la basilique de Fourvière, les habitants allument de petites bougies aux fenêtres en hommage à Marie, la ville ayant été préservée de la peste. Depuis 1999, la mairie a transformé cette fête religieuse en un festival dédié aux dernières technologies liées à la lumière.Pour cette 13e édition, qui compte un total de 80 initiatives, «il y a des clins d'oeil (par exemple la statue de Louis XIV sur la place Bellecour comme en apesanteur) et de l'interactivité», avec le théâtre des Célestins transformé en «flipper» géant ou encore la gare Saint-Paul que tout un chacun pourra animer d'images géantes, décrit Jean-François Zurawik, directeur des événements à la Ville de Lyon.

De plus, après le tsunami qui a touché en mars Fukushima, à quelque 500 km de Nanto, Lyon a voulu mettre à l'honneur une manifestation nipponne, ce qui s'est révélé être un défi.Mitsugu Yamabe, président du festival de Fukuno, raconte: «Comme après chaque fête en mai, les décorations de nos chars sont détruites comme le veut la tradition, il a donc fallu repeindre rapidement. Il y avait aussi le problème du transport, les chars faisant jusqu'à 7 mètres de haut. Enfin, il faut du monde pour les pousser», ce à quoi quelque 200 bénévoles lyonnais remédieront.Un chariot élévateur a aidé mercredi les 70 Japonais à hisser les lanternes géantes sur les mâts des chars, qui pèsent plusieurs tonnes.

Les représentations colorées en papier de sanctuaires, de fleurs ou de samouraïs ont pris corps, soutenues par des bambous, et les ampoules les animant ont été branchées.Kiyoshi Kiyoha, un ouvrier de 39 ans, jovial derrière son tenugui (bandeau japonais) et ses lunettes noires, ne paraît nullement inquiet de la menace de pluie: «Je vais jouer des percussions et boire du saké», sourit-il, soucieux de «perpétuer la tradition».Selon Toru Anami, professeur de sociologie à l'Université d'Edogawa près de Tokyo, qui accompagne la délégation, ce festival local se distingue par «son caractère artisanal et son sens religieux qu'il a préservés». Il note qu'au Japon, berceau du shintoïsme, «toutes les fêtes ont pour origine le rapport aux dieux, mais la plupart s'en sont éloignées».Yoshiki Morita, un ophtalmologue toujours en activité à 70 ans, participe à la procession de Fukuno depuis une soixantaine d'années. Il s'apprête à déambuler dans les rues de Lyon aux côtés de ses compatriotes, une lanterne à la main, et tient aussi à «voir de ses yeux le festival lyonnais».