Belfast a inauguré un parc d'attraction flambant neuf pour le centième anniversaire du naufrage du Titanic sorti de ses chantiers navals, une occasion d'insuffler un esprit de renouveau à la ville par ailleurs éprouvée par trente ans de troubles interconfessionnels.

> En vidéo: une visite du nouveau musée sur le Titanic

Le «Titanic Belfast», un bâtiment audacieux en forme d'étoile dont chaque branche figure une proue de paquebot, s'élance dans la zone en déshérence des anciens chantiers navals de Belfast.

Belfast espère attirer les visiteurs en quête de rêve -les cabines de luxe sont reproduites au détail près, et une galerie reproduit l'«expérience» du naufrage.

«Cela fait des années que nous tentons de promouvoir Belfast et l'Irlande du nord comme destinations touristiques, mais c'est très difficile, du fait de l'image négative héritée du passé», reconnaît Claire Bradshaw, en charge du marketing pour le centre «Titanic-Belfast».

La capitale nord-irlandaise porte encore les traces de la douloureuse période des «troubles» qui ont opposé pendant 30 ans protestants et catholiques, jusqu'à l'accord de paix de 1998. Tels ces murs de séparation érigés entre quartiers de la ville de confession différente.

Le jour, des guides font visiter aux touristes les «murs de la paix», couverts de vastes fresques colorées. Mais la nuit, des cadenas verrouillent encore les passages entre quartiers catholiques et protestants, rappel de la méfiance toujours palpable entre les deux communautés.

«Le Titanic est la grande histoire qui va aider les visiteurs à sauter le pas et à venir à Belfast», espère Claire Bradshaw,

L'économie nord-irlandaise, en dépit d'aides européennes massives à partir du processus de paix, reste fragile et dépendante à environ 30% du secteur public.

La faillite financière de la République d'Irlande voisine, secourue par la communauté internationale, et les coupes budgétaires qui frappent la province britannique comme l'ensemble du Royaume-Uni n'ont rien arrangé.

«Titanic Belfast» vise 425 000 visiteurs dès sa première année, dont une bonne partie d'asiatiques, le marché touristique le plus prometteur. Ce chiffre représente la moitié du total de visiteurs pour toute l'Irlande du Nord en 2011. L'an dernier, sur 973 000 touristes, 84% venaient du Royaume-Uni.

Le parc d'attraction a ouvert en fanfare le 31 mars, cent ans jour pour jour après la livraison du paquebot.

À l'époque, le Titanic et son navire jumeau, l'Olympic, faisaient la fierté des chantiers navals «Harland and Wolff». L'histoire en a décidé autrement.

Après le naufrage lors du voyage inaugural, les 14-15 avril 1912, une chape de silence a recouvert l'histoire du paquebot à Belfast.

«C'était le plus grand paquebot du monde, sorti des plus vastes chantiers navals du monde. La fierté de Belfast, l'apogée de son savoir-faire», rappelle Stephen Cameron, cofondateur de la société historique «Belfast Titanic Society».

«On a vu des gens pleurer dans la rue. Ces gars, qui avaient travaillé des mois sur le navire, ne pouvaient pas digérer la nouvelle», explique-t-il.

Puis, tout est resté enfoui, conformément aux valeurs de l'époque, qui voulaient qu'on «ne parlait pas des mauvaises nouvelles».

«Il y a eu très peu d'intérêt dans le monde entier avant qu'on retrouve l'épave en 1985», remarque-t-il.

Avec le centième anniversaire, c'est l'inverse: le Titanic est partout, sur les enseignes des bars et restaurants et à l'affiche de «tours Titanic» dans les chantiers navals.

Au point de «manquer de dignité», selon le professeur William Neill, de l'Université d'Aberdeen, qui se demande dans le Daily Telegraph si ce battage commercial fait «preuve de suffisamment de respect» vis-à-vis de l'histoire, et d'un naufrage où plus de 1500 personnes ont péri.