Les mordus de pêche sont fébriles. L'hiver doux, les faibles précipitations de neige et l'absence de crues printanières se conjuguent pour permettre l'ouverture de la saison de la pêche plus tôt qu'à l'accoutumée. Dans le sud de la province, les pêcheurs sont même déjà à l'oeuvre depuis plus d'une semaine. Du jamais vu!

C'est le cas au Fairmont Kenauk, territoire sauvage de 65 000 acres, propriété du Château Montebello. Ce domaine de pêche exclusif a sorti ses chaloupes le 16 avril, une semaine avant l'ouverture officielle de la pêche aux salmonidés, fixée au 23 avril (hier). La pêche n'était donc pas permise dans les ruisseaux et les rivières, mais elle l'était dans les lacs ensemencés, qui sont ouverts à l'année. Sur ce territoire, les signes d'un printemps hâtif sont légion. «Alors que nos lacs calent normalement entre le 15 et le 28 avril, cette année, la glace avait déjà disparu le 30 mars», explique Bill Nowell, du Fairmont Kenauk. En forêt, les érythrones d'Amérique, ces petites fleurs à pétales jaunes qui poussent dans les sous-bois au printemps, ont déjà fleuri, autre signe annonciateur du retour de la saison de la pêche. Ce n'est pas un hasard si cette plante s'appelle trout lily en anglais.

Située en Mauricie, la Pourvoirie du lac Blanc accueille aussi les pêcheurs depuis le 16 avril. Le personnel a déjà entrepris l'ensemencement des lacs, profitant de chemins d'accès peu endommagés par la fonte des neiges. «Depuis le début d'avril, on sent l'excitation monter chez les pêcheurs. Ils nous appellent sans relâche pour connaître l'évolution des lacs», dit Daniel Grenier, directeur commercial de cette pourvoirie de Saint-Alexis-des-Monts.

À Saint-Zénon, dans Lanaudière, à 1 h 30 de Montréal, le Pavillon Basilière, le domaine Bazinet, la pourvoirie Saint-Zénon et la pourvoirie Trudeau ont fixé leur date d'ouverture au 30 avril, une ou deux semaines plus tôt qu'à l'habitude. En raison de la haute altitude (dans les 700 m), les lacs dans ce secteur de Lanaudière n'avaient pas encore calé en début de semaine, mais le processus était bien avancé.

Cependant, plusieurs pourvoiries, dont le réputé domaine Au pays de Réal Massé (Saint-Zénon), ne devanceront pas leurs dates d'ouverture, soit parce qu'elles ne sont pas prêtes, soit parce qu'elles ne profitent pas d'un climat favorable. Donc, avis aux pêcheurs impatients : mieux vaut passer quelques coups de fil avant de partir en expédition.

Des occasions incroyables

La pêche hâtive crée de nouvelles occasions pour les pêcheurs. Des dizaines et des dizaines de chalets sont maintenant libres et accessibles en début de saison, alors qu'en temps normal, il n'est pas facile de trouver un chalet libre pendant la haute saison de mai et juin. «Cette ouverture précoce va nous permettre de rattraper un peu notre saison hivernale, qui a été décevante en raison d'une saison de motoneige écourtée», dit Marc Ploude, président-directeur général de la Fédération des pourvoiries du Québec, association qui représente plus de 350 pourvoiries de la province.

Mais les réservations de chalets en avril se font au compte-gouttes. Actuellement, les gens s'intéressent davantage à la pêche à la journée. «Les plus mordus ont déjà leurs réservations de chalet en mai. Ils viennent pour se réchauffer en vue de leur traditionnelle partie de pêche entre amis», constate M. Nowell.

La pêche s'annonce-t-elle miraculeuse si tôt en saison? Selon les pourvoyeurs que La Presse a interrogés, pas de doute là-dessus, les conditions sont meilleures que jamais. «L'absence de crues printanières a fait que nos lacs n'ont pas débordé, ce qui apporte normalement quantité de nourriture aux truites. Donc, je suis certain qu'elles sont affamées», affirme Stéphane Borgeaud, propriétaire de la pourvoirie Pavillon Basilière.

Un petit conseil pour une pêche hâtive fructueuse : il faut taquiner la truite sur le bord des lacs, en jetant sa ligne dans les broussailles avant de la faire tomber à l'eau. La truite s'y méprendra à coup sûr, croyant déguster un délicieux insecte. Sur ce, bonne pêche!