L'acteur et animateur Christian Bégin s'est acheté une maison dans le Kamouraska il y a un an. Il nous fait faire le tour de son pays d'adoption, où il fait bon être gourmand.

Rien de tel, pour découvrir une région, que de s'entretenir avec quelqu'un qui a décidé de s'y établir par amour. Pendant plus de 15 ans, le comédien, dramaturge et animateur Christian Bégin a passé au Kamouraska une partie de ses vacances avec son fils Théophile, au camping et centre de plein air SEBKA. «C'est le royaume de l'escalade ici, et c'est devenu mon pays d'adoption, explique-t-il. Mais depuis un an, c'est aussi mon lieu de résidence.»

En effet, il y a rencontré l'amour tout court, et s'est établi dans le coin, achetant et rénovant une belle maison au fond d'un rang. Avec, de la cuisine, une vue absolument fabuleuse sur le fleuve Saint-Laurent et les champs - la terre se marie vraiment avec la mer, ici...

C'est dans cette cuisine que Christian Bégin se mitonne des repas inspirés des aliments et spécialités produits par des Kamouraskois. Parmi la kyrielle de gens et de lieux dignes de mention dans la région, il nous en présente quelques-uns, qu'on a rencontrés en empruntant évidemment la belle route 132, entre les vaches ruminantes et le fleuve, à tout juste 3h30 de Montréal...

Le renouveau

«Touttte est dans touttte, ici, dans le Kamouraska», lance Christian Bégin. Entendre par là qu'il y a une véritable synergie entre les commerçants et producteurs du coin, particulièrement depuis quelques années.

Oubliez d'ailleurs les images un peu «endroit reculé» ou sombre donné par les récents films Route 132 et Trois temps après la mort d'Anna: il y a actuellement un vrai renouveau dans les environs, une actualisation des façons de faire sans tourner le dos pour autant à la tradition, bien au contraire. «Les trentenaires reviennent en ce moment dans le Kamouraska, explique Christian Bégin en parlant d'une nouvelle génération d'entrepreneurs et d'artisans. Des trentenaires qui étaient partis étudier à l'extérieur et qui reviennent investir les terres.»

C'est le cas, par exemple, de Samuel Lavoie, de la ferme Raku, à Saint-Germain-de-Kamouraska. Dans la jeune trentaine, Samuel a transformé la ferme en 2007 pour en faire une meunerie, baptisée joliment La volée de farines.

Farines avec un «s» : «Je produis de la farine de blé et d'épeautre... mais aussi de seigle, tient-il à préciser. Mais la farine de seigle, je la fais exclusivement pour la boulangerie Niemand!» Les fameux pains de seigle de la boulangerie naissent donc d'abord dans les terres deSamLavoie... qui produit aussi du raisin de table délectable, dans un vignoble qu'il a établi en haut de ses terres, en plein soleil. C'est sa troisième année de récolte: «Du Somerset, du Troll, du Reliance, du Muscat de Swenson, énumère-t-il. Et aussi, un peu plus loin, des bleuets!» Jamais en panne d'idées, Samuel entend bien installer des ruches sous peu dans sa bleuetière. On ne peut pas visiter la ferme Raku - tout le monde y est trop occupé pour en faire faire le tour! - mais on peut acheter tous ses produits notamment sur l'avenue Morel.

L'avenue Morel

Ah, l'avenue Morel! C'est le nom que prend la 132 quand elle traverse le village de Kamouraska, et «c'est la Main du coin», comme le dit Christian Bégin. C'est donc sur l'avenue Morel, tout à côté de la boulangerie Niemand, que Fabrice Roy-Plourde, jeune commerçante, a ouvert en 2009 Le fil bleu. Choisis avec goût, les foulards, les chapeaux, les bijoux, les objets décoratifs, les sculptures sur bois titillent même les plus réfractaires à «l'artisanat». «En fait, tout cela se rapproche plutôt des arts indisciplinés», lance la jeune femme en riant. La majorité de la quarantaine d'artisans représentés au Fil bleu sont du Bas-Saint-Laurent.

Tout à côté du Fil bleu se trouve le Café du clocher, où on peut boire un expresso et savourer une crème glacée de type gelato dans un décor franchement charmant. Inutile de préciser que les cyclistes, de plus en plus nombreux à «rouler» dans le Kamouraska, y sont les bienvenus: pédaler dans les petits rangs qui sillonnent la vaste vallée, c'est le bonheur (petite recommandation personnelle: consultez à ce propos le site www.kamouraskavelo.com).

Toujours sur l'avenue Morel, arrêt à la belle poissonnerie Lauzier. Tenue depuis 15 ans par Bernard Lauzier, pêcheur (comme son père et son grand-père) et maître poissonnier, elle vient tout juste de se refaire une beauté: elle a été rénovée et redécorée l'hiver dernier et, vraiment, elle est jolie comme tout! La poissonnerie étant dotée de ses propres fumoirs, Bernard Lauzier y fait littéralement tout, y compris les marinades. On y trouve, selon la saison, de l'esturgeon, de la truite, du flétan, et des fruits de mer qui sont achetés directement aux pêcheurs du coin. Et aussi de l'anguille. «C'est une des spécialités du Kamouraska, on la pêche de Saint-André à Rivière-Ouelle», rappelle Christian Bégin.

Ici, une parenthèse: faites-vous plaisir et goûtez l'anguille fumée de M. Lauzier, tranchée très mince. Comment dire? C'est plus fin que le plus fin des jambons, absolument délectable.

Justement, la poissonnerie a également décidé de faire bistro en 2010. On peut manger dans la jolie salle blanche ou dehors, sur une table à pique-nique. Dans tous les cas, on est servi par Philippe Craig qui nous explique qu'il pratique à sa manière la cuisine fusion: «Je fais à la fois la cuisine et le service!» Ici, on peut déguster une assiette de morue fraîche, des brochettes de crevettes fraîches de Matane. Comme le fait remarquer Christian Bégin, «c'est tout simple, absolument pas ostentatoire, c'est juste très bon et très frais».

Juste en face, installé dans une belle maison de 1840, se trouve Le jardin du bedeau, à la fois épicerie fine et «petit dépanneur». On trouve ici la quintessence des produits fins de la région, y compris ceux faits par le Jardin lui-même, depuis son ouverture en 2007: Christian Pilon et Hervé Voyer vont cueillir eux-mêmes le sureau, les pétales de roses sauvages le long du fleuve, ainsi que plein d'autres petits fruits, pour en faire des gelées, des confitures, des vinaigres, cuisinés à l'étage! Mais on y trouve aussi le fabuleux agneau de l'Agnellerie de Kamouraska, le lapin du Mont-Carmel, les charcuteries, terrines et saucisses des Fous du cochon, etc. «Comme on voulait contenter tout le monde et exister aussi, explique Christian Pilon, on a décidé en 2009 de devenir aussi un petit dépanneur afin d'offrir les produits de première nécessité.» C'est en effet le seul «dépanneur» du coin, et on peut donc y acheter une brosse à dents, des chips... ou de la gelée de pétales de roses, selon ses besoins!

Dernier arrêt: la Ferme C.A. Marois. Manifestement, Christian Bégin adore cet endroit - comme d'ailleurs une foule de gens rencontrés qui ne jurent que par les viandes et charcuteries biologiques produites ici. Il faut se rendre jusqu'à Saint-André de Kamouraska - et passer devant plusieurs beaux chemins de croix - pour faire connaissance avec Charles Aimé Marois et sa femme Madeleine. Les boeufs, les veaux, les porcs sont nourris exclusivement avec ce qui est produit sur la ferme: «C'est l'endroit parfait pour les carnivores comme moi qui ont le goût de savoir ce qu'ils se mettent dans la bouche quand ils mangent de la viande», explique avec chaleur Christian Bégin.

On peut entrer dans la porcherie pour y visiter les porcelets, pénétrer dans la belle étable construite par M. Marois lui-même afin d'y voir ses vaches et ses boeufs de race Chianina (une race italienne qu'il est un des seuls à élever au pays), se promener dans les champs entre les oies et... les cochons en liberté (l'élevage biologique de cochons est rare au Québec!), admirer le fleuve qui s'étend au pied des terres, puis s'arrêter au comptoir de vente de la ferme pour réaliser que M. Marois cuisine lui-même ses cretons et ses deux dizaines de sortes de saucisses, sur une petite cuisinière à quatre ronds! La saucisse Illusion (porc et sauge), la Rubis (boeuf et livèche), et toutes les autres sont concoctées là! Dans le gros congélateur, on trouve aussi toutes les coupes possibles de viandes. Étonnant et fascinant.

Comme le sont le Magasin général, les savons du Quai des bulles ou la chocolaterie La fée gourmande, tous à Kamouraska...

De quoi discuter longuement le soir, assis dans le village sur l'un des bancs de l'avenue Leblanc, qui longe immédiatement le bord du fleuve. Les habitants et les estivants se réunissent là quasiment tous les soirs pour regarder le fabuleux coucher du soleil sur Charlevoix, sur l'autre rive. Et le soleil, séduit lui aussi par Kamouraska, enflamme une dernière fois les belles maisons entretenues avec soin et amour, avant de se résoudre à quitter les lieux...