Ils ne sont pas nombreux à pouvoir se vanter d'avoir marché sur le bord du cratère du Nouveau-Québec, d'avoir goûté aux eaux du lac limpide qui repose au fond, d'avoir parcouru la toundra qui l'entoure, d'avoir surpris les lagopèdes et intrigué les caribous. Le parc national des Pingualuit se laisse savourer lentement, patiemment, avec l'aide de jeunes guides inuits.

Des rubans verts s'étirent au-dessus de moi, d'un horizon à l'autre, sur fond de ciel étoilé. À ma droite, d'étranges rideaux, verts également, s'agitent au-dessus du cratère du Nouveau-Québec.

Des aurores boréales. Voilà qui couronne de façon magistrale une semaine au parc national des Pingualuit, à 440 km au nord-ouest de Kuujjuaq, tout près de l'extrémité nord du Québec, en plein Nunavik.

Il s'agit d'un parc récent, inauguré officiellement en 2007. Il englobe le fameux cratère du Nouveau-Québec, lui-même relativement récent, d'un point de vue géologique, bien sûr. Il y a un peu plus de 1,3 million d'années, une météorite de 120 mètres de diamètre s'est écrasée ici, libérant une énergie équivalant à 8500 fois la bombe atomique tombée à Hiroshima.

La météorite a creusé un cratère de 3,4 km de diamètre. Dans ce paysage de toundra vaguement ondulée, les irrégularités du rebord du cratère ressortent comme des boutons sur le visage d'un adolescent. C'est d'ailleurs la signification du mot «pingualuit»: boutons d'acné. Les Inuits ont toujours eu le sens de l'humour.

Après l'atterrissage quelque peu sportif de notre Twin Otter sur la piste de terre cahoteuse qui jouxte le lac Manarsulik, nous déposons nos bagages au refuge de Parcs Nunavik qui s'y trouve et nous nous dirigeons immédiatement vers le rebord du cratère. Il faut toutefois le mériter: il n'est qu'à 2,5 km du refuge, mais il n'y a pas de sentier. Il faut donc progresser sur des pans entiers de gros cailloux gris, parfois instables, ce qui nécessite un bon équilibre, des bâtons de marche et de très bonnes bottines de randonnée.

Une camarade ramasse un drôle de caillou, noir, orné de petits trous, comme des bulles.

«C'est de l'impactite», nous explique Noah en remettant le caillou par terre.

C'est une pierre qui a fondu en partie en raison de la chaleur de l'impact de la météorite. De cette météorite, il ne reste aucune trace. Elle s'est désintégrée.

Au sommet, nous pouvons jeter un coup d'oeil sur le lac Pingaluk, au fond du cratère, un lac parfaitement circulaire aux eaux incroyablement pures parce qu'il n'y a pratiquement pas de matières en suspension. Le lac n'est alimenté que par les pluies.

Il y a des ombles chevaliers dans ce lac, qui ont probablement fait leur chemin alors que le niveau de l'eau était plus élevé et que des ruisseaux s'en échappaient. Les ombles sont maintenant prisonniers du lac et doivent se manger les uns les autres pour survivre. Des cannibales...

Le lendemain, nous reprenons le chemin du cratère pour en faire le tour, soit une randonnée de près de 20 km. Heureusement, le rebord est plus facile à parcourir que les flancs du cratère et nous progressons rapidement. Nous descendons jusqu'au bord du lac pour prendre notre goûter, à l'abri du vent.

Lorsque nous remontons sur la crête, nous réalisons que le temps s'est détérioré. Bientôt, une sorte de grésil commence à tomber.

Nous arrivons bien trempés au refuge. Heureusement, les divers bâtiments qui le composent sont bien chauffés et sont équipés de douches délicieusement chaudes, grâce à l'énergie solaire et à de bonnes batteries. Le grand luxe!

Mais c'est assurément du haut des airs que le cratère se montre le plus impressionnant. Au départ, notre pilote accepte de le contourner (il est interdit de le survoler pour protéger la pureté de ses eaux) pour nous donner une perspective différente. Par bonheur, le soleil brille, le lac Pingualuk prend une belle teinte bleu profond. J'aurais envie de dire au pilote d'atterrir, afin de faire une autre petite randonnée.

Les frais de ce reportage ont été payés en partie par Parcs Nunavik et First Air.

Un centre de visiteurs primé

Au Nunavik, on ne fait pas les choses exactement comme on les ferait dans le Sud. C'est ainsi que le centre d'accueil des visiteurs du Parc national des Pingualuit est situé à Kangiqsujuaq, à 88 km du parc lui-même. Ce petit centre très bien conçu vaut le détour. Il a même remporté, en 2009, le prix Bronze de Tourisme Québec pour les attractions touristiques accueillant moins de 100 000 visiteurs. Son exposition permanente permet notamment de s'informer sur la géologie, la faune et la flore du parc. Comment s'est formé le cratère des Pingualuit? (l'impact d'une météorite). Y a-t-il des ours polaires? (peu probable, le parc est situé trop loin des côtes). Y a-t-il des arbres? (oui, mais ils ne dépassent pas 10 cm). L'exposition permanente porte également sur Kangiqsujuaq, sur les hommes et les femmes qui occupent le territoire depuis des millénaires. Kangiqsujuaq, située sur le bord d'une grande baie, abritée par des montagnes, est d'ailleurs une communauté accueillante qui dispose de son propre terrain de golf. Avis aux intéressés.

Gastronomie inuite

Je trempe un morceau de caribou séché dans le misirak, de la graisse de béluga liquéfiée et fermentée, qui ressemble à du beurre liquide.Le caribou est très bon. Mais le misirak... Elijah rigole devant mes grimaces et m'offre alors du muktuk (ou mattak), un morceau de graisse sous-cutanée de béluga. Le petit carré est un peu caoutchouteux, mais très bon. L'un des grands attraits d'un séjour au parc national des Pingualuit, c'est le contact avec les Inuits. Ma dégustation en est un bon exemple. Elijah nous parle d'autres particularités culinaires, comme l'igunak, de la viande de morse, enveloppée dans la peau de l'animal, fermentée à l'extérieur pendant plusieurs mois.

Heureusement, il n'a pas d'échantillon à nous proposer. La viande de morse peut être infectée par la trichinose. Les Inuits doivent donc envoyer des échantillons à un laboratoire pour analyse avant de pouvoir manger leur prise. Évidemment, voyager avec des Inuits dans le parc, c'est accepter le fait que c'est leur territoire de chasse et qu'ils ont conservé le droit de se livrer à cette activité. Noah a cependant la délicatesse de nous demander si cela nous ennuie s'il chasse le caribou. Nous acceptons... tant que nous goûtons au résultat de cette chasse! Effectivement, deux jours après notre arrivée, les Inuits tuent deux caribous. Je vais assister au dépeçage. Ils ne laissent presque rien derrière eux, que la tête, le bout des pattes et les intestins. Et le soir même, Noah nous prépare du caribou sauté dans le beurre. Ce voyage donne décidément lieu à un délicieux échange culturel.

Repères

Pendant la belle saison, il n'y a qu'une façon pratique de se rendre au parc national des Pingualuit: l'avion. First Air offre des vols directs Montréal-Kuujjuaq tous les jours. On peut ensuite se rendre à Kangiqsujuaq sur les ailes d'Air Inuit, puis noliser un avion pour se rendre au parc, à 88 km de Kangiqsujuaq.

Il est donc préférable de constituer un groupe pour diminuer les coûts. J'ai bénéficié d'un forfait organisé par Parcs Nunavik. Le forfait incluait le transport aller-retour à partir de Kuujjuaq, l'hébergement au confortable camp du lac Manarsulik et au sympathique camp rustique du canyon Puvirnituq ainsi que le service de guides inuits. Le coût tournait autour de 2000$ pour une semaine. Il faut communiquer avec Parcs Nunavik pour connaître les offres pour l'été.

À Montréal, l'agence Karavaniers travaille sur un projet de séjour au parc des Pingualuit, qui pourrait être jumelé à un autre parc nordique. Ce projet pourrait se réaliser dès l'été. Le meilleur moment pour visiter le parc, c'est la fin août et le début de septembre. La toundra est alors moins humide qu'en début d'été et il est beaucoup plus agréable d'y faire de la randonnée.