Avec le succès du film Slumdog Millionaire, les visites guidées des quartiers pauvres de Bombay gagnent en popularité. Mais ces promenades de riches touristes au milieu de la misère humaine ne font pas l'unanimité.

Invasion de la vie privée, voyeurisme, étalage de la pauvreté : les critiques de ces «Slum Tours» sont nombreuses. Une émission de télévision indienne les a qualifiés de «pornographie de la pauvreté», tandis qu'un ministre a menacé de les faire interdire, selon le journal The Telegraph.

Toutefois, il semble qu'ils aient l'approbation des résidants. Et pour cause: certaines compagnies qui organisent ces visites font don de leurs profits à des ONG locales aidant les pauvres. C'est le cas de l'agence Reality Tours, qui offre des Slum Tours à Dharavi, le plus grand quartier pauvre de Bombay, là où se situe l'action de Slumdog Millionaire.

L'agence affirme que l'objectif des Slum Tours est de «briser l'image négative de Dharavi et de ses résidants, et d'amener des gens de pays, de religions et de classes sociales différentes à mieux se comprendre». Elle clame d'ailleurs sur son site que même le prince Charles et Bill Clinton ont vécu l'expérience! Par ailleurs, l'agence verse 80 % de ses profits à un centre communautaire.

D'autres agences indiennes ont emboîté le pas. À New Delhi, on organise une tournée de deux heures dans les rues avoisinant la gare principale, où vivent plus de 2000 enfants. L'argent est donné à un organisme de charité qui tente de réhabiliter ces jeunes, dont plusieurs souffrent de dépendance à une drogue chimique. Ailleurs dans le monde, des visites pour touristes ont déjà été organisées dans les bidonvilles, entre autres dans les favelas de Rio de Janeiro, à Soweto, en Afrique du Sud, et même dans le Bronx, à New York. Mais est-il éthique, pour un touriste occidental, de visiter les pauvres comme s'il s'agissait d'une attraction touristique parmi tant d'autres, se demande-t-on de plus en plus.

«Je crois qu'il est bon de visiter des lieux où se trouvent des communautés pauvres, à condition de ne pas mettre l'accent sur ce qui est négatif, dit Karim Haggar, Montréalais d'origine égyptienne et cofondateur de l'agence d'écotourisme culturel Kepri. Il faut mettre l'accent sur ce que ces gens font de bien et de beau.»

Selon lui, un bon exemple de ces activités positives peut être découvert dans le quartier des éboueurs, au Caire. Environ 50 000 personnes travaillant dans la collecte et le recyclage des déchets vivent dans ce quartier qui ressemble de moins en moins à un bidonville, au fur et à mesure que ses habitants se prennent en main.

«Alors qu'ils vivent au milieu même des déchets, ils ont créé des entreprises qui font de l'argent en recyclant les matériaux de façon très efficace, dit-il. Quand des touristes viennent voir ce travail, ils sont fiers de leur montrer ce qu'ils font. Cela les valorise, et nous, on repart avec une image positive.»

Si la visite est organisée dans le respect, que les visiteurs ont été bien sélectionnés et préparés, et n'agissent pas de façon arrogante en prenant des photos de la misère des autres, la valeur de l'échange humain qu'on peut y trouver est positive, d'après M. Haggar.