Après le tourisme oenologique, le tourisme médical, le tourisme de bidonvilles et le tourisme architectural, place au cinétourisme! La ville de Rome accueillera en octobre 2010 le premier International Film Location Exchange (la Foire internationale des lieux de tournage), une manifestation annuelle. «Le cinéma est le meilleur véhicule pour faire la promotion d'une destination, car il met en valeur ce que les lieux ont à offrir», constate Mauro Cutrufo, maire adjoint de la Ville éternelle.

Il était naturel que Rome accueille cette manifestation la première. En 1958, Audrey Hepburn a décroché l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans le film Vacances romaines, de William Wyler et la Ville éternelle a décroché la timbale: des centaines de milliers de touristes ont déferlé sur la ville les années suivantes; ils voulaient poser leurs pas dans ceux de la princesse Anne, alias Audrey Hepburn, et du séduisant journaliste (il s'en trouve!) Joe Bradley, auquel Gregory Peck prêtait son sourire homologué Colgate.

 

Deux ans plus tard, Federico Fellini a tourné une scène mythique de son film-culte La Dolce Vita devant la fontaine de Trevi: on y voyait la plantureuse Anita Ekberg patauger dans le bassin en robe du soir. Depuis, la petite place et le miniamphithéâtre qui ceignent la monumentale fontaine sont bondés en permanence.

Rome a retenu la leçon. En octobre prochain, elle invitera donc des professionnels du cinéma du monde entier (producteurs, metteurs en scène, scénaristes) à rencontrer des responsables de villes et de régions intéressées à accueillir des équipes de tournage. Grossistes et agents de voyages seront aussi de la partie, puisque le cinétourisme est pour eux un nouveau filon à exploiter, avec les circuits qui emmènent les voyageurs sur les lieux qui ont servi de décor à des films populaires.

À l'International Film Location Exchange, on débattra de contraintes techniques et d'investissements de fonds publics. Parce que les villes et les régions investissent dans le cinéma.

Retombées touristiques

On comprend aujourd'hui qu'un tournage ne se traduit pas seulement par des retombées économiques directes (les dépenses de production sur place, les emplois locaux, etc.), mais qu'il engendre aussi des retombées touristiques. Ce qui incite des organismes publics à investir dans la production.

Parmi quelques exemples célèbres, on relève celui de la région Rhône-Alpes, qui a contribué au financement du film de Jean Becker Les enfants du marais (tourné dans l'Ain). Ou, plus spectaculaire, celui du comté de Santa Barbara, en Californie, qui a investi 6 millions dans la production du film Sideways, illustrant la tournée de deux ploucs sur une route des vins. Le film a fait un tabac et on calcule qu'il a engendré des retombées de 303 millions en recettes touristiques dans le comté, depuis 2004.

En Nouvelle-Zélande, où ont été tournées les scènes d'extérieur du Seigneur des anneaux, le nombre de touristes britanniques a grimpé de 155 000 à 250 000 dans l'année qui a suivi la sortie du film.

Jusqu'au milieu du XXe siècle, la France et l'Italie étaient les destinations de prédilection des voyageurs internationaux. Riches d'une solide culture classique, ils allaient admirer sur place les monuments ou les oeuvres dont on leur avait parlé pendant leurs années de collège et d'université, et découvrir les lieux qui avaient servi de théâtre aux oeuvres littéraires qu'ils avaient étudiées.

Mais aujourd'hui, les retombées générées par les touristes qui voyagent en Italie sur les pas de Fabrice del Dongo, parce qu'ils ont lu La chartreuse de Parme, ne font plus le poids, lorsqu'on les compare au pactole engendré par ceux qui suivent les traces de Robert Langdon (Tom Hanks) et Sophie Neveu (Audrey Tautou), les deux héros du Da Vinci Code, à Rome, à Paris ou à Londres.

Il n'y a pas que les films qui font recette. À New York, des agences font des affaires d'or en emmenant leurs clients sur les lieux de tournage des séries télévisées comme Sex and the City ou The Sopranos.

L'Italie foisonne d'exemples. Ainsi, la petite ville de Matera, dans le sud de la botte, a beau être inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO (pour ses habitations troglodytes), c'est à Mel Gibson qu'elle doit ses plus grands succès touristiques. L'acteur-réalisateur australien y a tourné sa controversée Passion du Christ en 2003. L'année suivante, le nombre de touristes étrangers a grimpé de 143%.

Il faut dire que le cinéma enseigne de bons trucs. Ainsi, c'est dans Vacances romaines que les cinéphiles du monde entier ont appris que si on veut être assuré de revenir un jour à Rome, il faut tourner le dos à la fontaine de Trevi et lancer dans le bassin une pièce de monnaie par-dessus son épaule. Eh bien! ça marche: je le fais à chacun de mes passages à Rome et ça fait une bonne demi-douzaine de fois que j'y retourne...