En août 2005, l'ouragan Katrina frappe les côtes de la Louisiane. L'ordre d'évacuation est donné par les autorités de La Nouvelle-Orléans, mais des dizaines de milliers de personnes décident de rester. Les digues cèdent. Des vagues balaient les maisons de bois par pâtés entiers jusqu'aux portes du French Quarter. Les morts se comptent par centaines et les sans-abri, par milliers. La Nouvelle-Orléans s'en remettra. La Louisiane en a vu d'autres et en verra d'autres comme en fait foi la marée noire, la dernière catastrophe qui vient de frapper ses côtes.

«The Pelican State» nous amène tantôt au coeur de la grande famille francophone et des bayous, tantôt dans les plantations d'une autre époque, tantôt aux racines du jazz.

Si, au nord de la Louisiane, le Mississippi a des lignes bien tracées, plus au sud, le pays des Cajuns devient un cul-de-sac de marécages qui semblent ne mener nulle part. «The Bayou State», comme on surnomme également la Louisiane dans les guides de voyage, est avant tout un pays d'eau. Le Mississippi est l'autoroute fluviale qui a permis, avec l'apparition des bateaux à vapeur, le développement du Deep South.

À une époque, les routes étant inexistantes, tout planteur se devait d'avoir une fenêtre sur le Mississippi. C'est en longeant les rives du grand fleuve que l'on découvre aujourd'hui de nombreuses plantations, témoins privilégiés de cet art de vivre.

Ces résidences nous permettent d'en apprendre un peu plus sur le mode de vie des gens riches et célèbres d'avant la guerre de Sécession et dont la prospérité était liée au nombre d'hectares qu'ils possédaient et au nombre d'esclaves qui y travaillaient. Si certaines plantations ont maintenu leurs activités jusqu'à aujourd'hui, nombreuses sont celles qui n'ont pas survécu.

Parcourir la route entre Baton Rouge et La Nouvelle-Orléans permet de découvrir plusieurs plantations. Nottoway, avec ses 64 pièces, est la plus grande et la plus célèbre. Houmas House, tout aussi imposante, est reconnue pour ses jardins. Laura, toute simple, se donne des airs créoles. Alors que San Francisco se distingue par ses couleurs voyantes, Destrehan, tout de blanc et entourée de colonnes, se donne des airs de grandeur. Quant à Oak Alley, elle ne manque pas d'attraits avec ses grands chênes plusieurs fois centenaires. Des scènes de plusieurs films y ont été tournées, notamment Hush, Hush, Sweet Charlotte, avec Bette Davis, The Long Hot Summer, avec Paul Newman, Interview with the Vampire, avec Tom Cruise et Brad Pitt, et Primary Colors, avec John Travolta.

Photo: Gérard Coderre, collaboration spéciale Le Soleil

Une maison typique de French Quarter, à la Nouvelle-Orléans.

Le quotidien des esclaves

Au nord de Baton Rouge, toujours le long du Mississippi, Oakley permet de découvrir non seulement le quotidien des planteurs, mais également des esclaves. Rosedown impressionne par ses jardins et par son allée centrale bordée de chênes. Myrtles, comme Butler Greenwood, est de taille plus modeste, mais ne manque pas de caractère avec sa véranda bordée d'un superbe balcon de fer forgé. Greenwood, détruite par le feu en 1960, puis rebâtie de toutes pièces avec ses 28 colonnes, était toujours en activité avant de servir de décor pour le film Louisiane, avec Nicole Kidman, et la saga Nord et Sud, avec Patrick Swayze. Victime de son succès, les descendants de la famille Barrow, qui y habitent toujours, se sont depuis installés dans le grenier pour faire de leur maison un attrait touristique.

Les Cajuns, ces Américains d'ascendance acadienne, occupent un grand triangle appelé Acadiana. Plus d'un million d'irréductibles Cajuns refusent de se laisser fondre dans le melting-pot américain, et parlent toujours français. S'ils mangent du fast-food, ils ont conservé leur étouffé d'écrevisse, et leur gumbo. S'ils célèbrent le Thanksgiving, ils s'en donnent à coeur joie lors du Mardi gras.

Lorsqu'ils se retrouvent entre eux, c'est pour un «fais-dodo», l'une de ces soirées de danse du samedi ou pour jouer à la «bourrée» (jeu de cartes). Entre eux, ils qualifient leurs voisins de gros Américains et considèrent les Français et les Québécois comme leurs cousins. Ceux qui se sont accrochés et qui ont refusé de «lâcher la patate» demeurent toutefois plutôt timides lorsque vient le temps de parler la langue de Molière, parce qu'ils sont bien conscients qu'ils ne parlent pas le straight French (un bon français). Si les plus âgés parlent encore un peu le français, peu de gens peuvent le lire ou l'écrire parce qu'on leur a interdit pendant longtemps de s'exprimer en français à l'école.

La différence se vend bien

Aujourd'hui, la différence se vend bien en Louisiane et constitue même un attrait touristique. On ne compte plus les restaurants, les motels, les snack bars Evangeline. L'Acadian Memorial et le Longfellow Evangeline State Historic Site, à St. Martinville, le Village acadien de Lafayette, qui rappelle à certains égards le Village acadien de Caraquet, le chêne près du bayou Teche, à St. Martinville, où se retrouvèrent Gabriel et Évangeline dans l'oeuvre de Henry Longfellow, sont aujourd'hui des attraits touristiques qui rappellent le Grand Dérangement de 1755, lorsque les Acadiens ont été déportés de l'Acadie pour trouver leur survie dans les bayous de la Louisiane.

Exilés en Louisiane, ils se sont installés sur les seules terres alors disponibles en raison de leur insalubrité, au coeur des marécages. Les Cajuns se sont profondément enracinés dans cette nouvelle Acadie. À Houma, à une heure de route de La Nouvelle-Orléans, ils ont fait du Jolly Inn leur lieu de rencontre. C'est là qu'ils vivent leur fièvre du samedi soir. Les Cajuns y «laissent les bons temps rouler» (profitent du temps présent) et ne se font pas prier pour envahir le plancher de danse et «se graisser les jarrets» (danser). Le même scénario se répète à Lafayette, à St. Martinville et à Eunice.

Au-delà des bayous des Cajuns, le Mississipi n'a pas dit son dernier mot. Depuis La Nouvelle-Orléans, il prend le temps de parcourir quelque 150 kilomètres à travers les plantations de canne à sucre et les fermes entourées de chênes centenaires ornés de mousse. Plus on approche du golfe du Mexique, plus la terre devient spongieuse avec ses chenaux, ses îlots et ses étangs, pour disparaître peu à peu et laisser place au vent du large.

cité du croissant

Le Vieux Carré (French Quarter), bâti au creux d'une courbe du fleuve Mississippi, a donné son surnom à la ville. Fondées par Jean-Baptiste le Moyne, en 1718, la plupart des rues du Vieux Carré portent des noms français. Si Jackson Square, la cathédrale Saint-Louis et le couvent des Ursulines sont des incontournables, on flâne volontiers dans ses rues sans prétention qui se transforment au fil des heures pour devenir en fin de journée une boîte de nuit à ciel ouvert. Dans la rue Bourbon, restaurants, bars et spectacles pour adultes avertis prennent le haut du pavé. C'est le Pigalle de La Nouvelle-Orléans. Dans le Vieux Carré, on est bien loin de l'Amérique puritaine. Le French Quarter ayant été épargné par Katrina en août 2005, on oublie qu'il y a cinq ans, la ville de l'insouciance et du jazz n'était que désolation.

Au Preservation Hall, on revient aux sources du jazz... sur les pas de Louis Armstrong, de Fats Domino et de tous ceux qui ont fait les beaux jours des années 30-40. Ce sont les Noirs qui ont donné et qui donnent encore le rythme à cette ville. Mais on est dans le Deep South, et si Blancs et Noirs semblent faire bon ménage les jours de fête, dans le quotidien, chacun garde ses distances...Pour profiter du Mississipi, les rives du grand fleuve se prêtent bien à la marche depuis le Riverwalk Mall jusqu'au French Market, soit sur une distance de deux kilomètres que l'on fait à pied ou à bord d'un tramway (Riverfront Streeetcar). Le Riverwalk Mall, comme le French Market, est un bon endroit pour faire ses courses et prendre une bouchée sans quitter le centre-ville. Et, agréable surprise, les panneaux indicateurs sont en anglais, en espagnol, en japonais... et en français. Pays cajun oblige!

Repères

attraits

Il y a trois incontournables en Louisiane : La Nouvelle-Orléans, la route des plantations le long du Mississippi et le pays des Cajuns et des bayous autour de Lafayette.

cuisine

On trouve des mets cajuns etcréoles un peu partout en Louisiane (jambalaya, gumbo, écrevisses etc.).

hébergement

On peut loger chez les gens en pays cajun. Le prix d'une chambre chez les gens se compare à celui d'une chambre de motel (entre 60 et 70 $).

magasinage

Une visite au Riverwalk Mall et au French Market s'impose, ne serait-ce que pour prendre le pouls des rives du Mississippi et découvrir ses bateaux à aubes toujours aussi populaires auprès des touristes.

Photo: Gérard Coderre, collaboration spéciale Le Soleil

La plantation San Francisco se distingue par ses couleurs voyantes.