En août dernier, de retour chez moi après cinq semaines en Europe, j'étais à la fois bronzée, ruinée et exténuée. Cinq vols intérieurs et autant de pays visités, une centaine de photos m'immortalisant dans une douzaine de lieux et un vague souvenir de mon périple m'ont donné envie de... prendre des vacances de mes vacances.

Le récit de mes péripéties en Croatie, à Berlin, à Vienne et à Amsterdam avait beau susciter les «ah, chanceuse!» des copains qui avaient passé leur été à Montréal, moi, j'enviais ceux qui avaient glandé tout l'été. C'est ainsi qu'a surgi en moi une nouvelle résolution: à l'avenir, je voyagerai autrement, je voyagerai lentement!Il semblerait que je ne sois pas la seule à lorgner le slow travel, une tendance à opter pour le less is more quand on prend le large. L'émergence du tourisme solidaire, de l'écotourisme, des circuits de cyclotourisme ou de voyages pédestres sont autant de manifestations d'une nouvelle mentalité dans l'art de voyager. Même que cette année, récession oblige, une nouvelle tendance est née, le staycation, qui consiste à prendre des vacances... sans bouger de chez soi!

L'histoire d'Ed Gillespie et sa compagne Fiona King qui, en 2007-2008, ont entrepris un tour du monde en vitesse «petit V», est un exemple intéressant de slow travel.

Virage crucial

Grand voyageur, Gillespie était pourtant conscient de la nécessité de modérer ses transports afin de minimiser sa contribution aux changements climatiques. Ainsi, pendant 381 jours, Ed et Fiona ont fait le tour du monde sans prendre l'avion. Ils ont donné la priorité aux transports en commun, navigué dans l'océan et vu du pays en train, en cargo, à vélos ainsi qu'à dos de chameau et de cheval.

«Nous avons redécouvert les joies du voyage terrestre. L'objectif de notre tour du monde était de voyager comme on le faisait autrefois, en prenant le temps d'apprécier les paysages, les cultures, la cuisine de chaque endroit visité.»

Consultant en communication dans le domaine des changements climatiques, Ed Gillespie tient désormais un blogue sur le slow travel. Pour lui, l'approche «lente» est un virage crucial pour freiner la dégradation de la planète. Intelligent, quand on sait que le transport aérien génère 13% des émissions de gaz carbonique (C02).

Carl Honoré, l'auteur de L'éloge de la lenteur et du récent Under Pressure, est souvent invité à donner des conférences sur le slow travel.

Joint à son domicile de Londres, l'ex-journaliste d'origine canadienne estime que le concept s'inscrit en réaction au «rythme effréné qui a contaminé chaque aspect de nos vies».

«À l'image des autres domaines du mouvement (le slow food, le slow parenting, le slow design, etc.), le slow travel s'inscrit en réaction contre une culture où la quantité a préséance sur la qualité, indique Carl Honoré. Le slow travel met l'accent sur la joie, le plaisir et la magie du voyage, plutôt que de se concentrer sur la seule destination.»

Soulignons que Carl Honoré prône aussi la contemplation comme antidote à la consommation.

Voyager lentement, mais comment?

Pour se convertir au slow travel, il est recommandé de bouder l'avion et de redécouvrir la langueur des longs voyages en train de Montréal à New York ou des balades en vélo dans la campagne autrichienne. Carl Honoré recommande aussi de réduire sa liste de «sites à visiter» ou encore d'opter pour un mode d'hébergement qui permet une immersion dans le quotidien.

«L'échange de maisons ou la location d'un appartement peut être une expérience très riche. Par exemple, cela permet de découvrir un quartier de Paris, de rencontrer ses habitants au café du coin. C'est le genre d'expérience qui reste gravée dans nos souvenirs», estime Carl Honoré, qui dit se rappeler davantage de ses vacances depuis qu'il s'adonne au slow travel.

Honoré encourage les aspirants à abandonner leur dépendance aux appareils photo, téléphones portables, Facebook et autres Twitter. «Avant l'ère technologique, l'une des joies de voyager était de délaisser son quotidien et de découvrir un nouvel endroit. Mais si on passe son temps à texter ses amis, à télécharger ses photos ou à relater ses moindres faits et gestes sur Facebook, on ne décroche jamais. Si on est pour passer son temps en ligne, on pourrait tout aussi bien rester chez soi!»

Dans la foulée, Carl Honoré déplore que les voyages soient devenus aujourd'hui des attributs pour rehausser son statut social. «On se vante de son dernier voyage à Barcelone comme on parle de sa nouvelle robe Prada ou de sa veste Armani», souligne-t-il.

Certaines agences de voyages comme Virtuoso ont commencé à proposer des forfaits aux voyageurs intéressés par l'idée du slow travel. L'auteur de guides de voyage Alastair Sawday a lancé une série d'ouvrages axés sur l'option lente (par exemple Go Slow Italy, etc.). Carl Honoré organise quant à lui des week-ends de retraite slow en Italie. Le webzine Faster Times publie désormais une chronique slow travel. Et des blogues sont consacrés à ce mode de voyage, comme celui que tient Ed Gillespie (http://www.lowcarbontravel.com)

«Comme l'a écrit Marcel Proust, voyager est moins la découverte de différents pays qu'une façon de changer notre regard sur les choses», philosophe Ed Gillespie.

À méditer, la prochaine fois qu'on sera tenté de surcharger nos vacances...

Des idées pour voyager... lentement!

Volontairement ralentir ses transports. Par exemple, se déplacer en train ou à vélo plutôt qu'en avion. «C'est plus facile en Europe où le réseau ferroviaire est plus développé, reconnaît Carl Honoré. Prendre le train permet de mieux apprécier le paysage. Ralentir la cadence nous expose à l'expérience des langues qui changent et des nuances culturelles.»

> Si vous visitez Paris, par exemple, ne prévoyez que deux activités par jour. Le reste du temps, accordez-vous la permission de flâner dans les rues, de vous arrêter dans un café pour observer la vie quotidienne.

> Donnez congé à votre appareil photo. L'obsession de tout enregistrer vous empêche d'apprécier ce qui se déroule devant vos yeux.

> La ville, autant que la campagne, est propice au slow travel. «On peut très bien prendre des vacances à Manhattan en fuyant le stress, en se débranchant des technologies et en tâchant de bien dormir», note Carl Honoré.

> Pratiquer l'échange de maisons ou louer un appartement. C'est la meilleure façon de s'imprégner de l'atmosphère d'un endroit, de rencontrer des gens et se frotter à la culture locale.