Pour les visiteurs tout comme pour les Montréalais, le mont Royal est un incontournable. C’est un lieu touristique pour les uns, un site d’activités sportives et familiales pour les autres. Et pourtant, on le connaît peu. Comment s’est formée cette colline qui a donné son nom à la ville ? Quand est-elle apparue dans le paysage ?

C’est le moment de faire une petite visite à saveur géologique pour répondre à ces questions.

Cœurs des sciences (un centre de culture scientifique de l’UQAM) et Les Amis de la montagne organisent à l’occasion de telles visites. Il est aussi possible de concocter sa propre visite en consultant le site internet du géologue Pierre Bédard : on y trouve une grande quantité de renseignements sur l’origine du mont Royal et sur les sites à ne pas manquer pour mieux comprendre ce qui s’est passé il y a plus de 100 millions d’années.

Nous rencontrons justement Pierre Bédard au pied du monument George-Étienne Cartier, en face du parc Jeanne-Mance, pour entreprendre avec lui une petite excursion géologique. Il commence par sortir des cartes et des diagrammes pour illustrer l’histoire géologique de la région de Montréal. Le premier point à l’ordre du jour ? S’attaquer à la légende voulant que le mont Royal soit un ancien volcan.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le géologue Pierre Bédard fait parler les roches du mont Royal.

Oui, il y a bien eu une montée de magma, mais celui-ci s’est arrêté à deux kilomètres sous la surface il y a environ 125 millions d’années. La pression causée par les gaz et la vapeur a provoqué des explosions qui ont ouvert des cheminées d’évacuation jusqu’à la surface, mais les débris de roche ont immédiatement rebouché ces conduits, qu’on appelle diatrèmes.

L’érosion a fait son œuvre, enlevant la roche sédimentaire et laissant poindre l’ancien magma, cristallisé sous la forme de gabbro et de monzonite, de la roche beaucoup plus dure. Cette protubérance, c’est le mont Royal.

Le processus a été très lent, fait savoir Pierre Bédard. On parle d’une érosion d’un millimètre par siècle.

Armés de ces nouvelles connaissances, nous cheminons vers notre premier site d’observation, le long de la voie Camillien-Houde. Le dynamitage et la construction de cette voie ont découpé des falaises, ce qui permet de bien voir les roches en présence.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

On voit bien le dyke diagonal de couleur contrastée.

La plupart des visiteurs ne voient ici que de la roche banale. Mais avec notre guide (ou avec les diagrammes qu’on peut trouver sur son site internet), on peut identifier une section de calcaire (la pierre grise typique de Montréal, une roche sédimentaire), puis une section de roches fragmentées (les débris qui ont rebouché les cheminées d’évacuation). Cette dernière section est traversée par un dyke diagonal de couleur contrastée.

Un dyke, c’est une intrusion de magma qui traverse les couches géologiques.

Nous suivons (prudemment) la voie Camillien-Houde pour observer un autre très joli dyke de couleur rouille. Pierre Bédard nous fait observer une bordure blanche : c’est du marbre. La chaleur du magma a ainsi métamorphosé une petite couche de calcaire.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

À noter, la bordure blanche de chaque côté du dyke

Au belvédère Camillien-Houde, Pierre Bédard nous fait observer une autre succession de types de roches : du gabbro (gris foncé), de la cornéenne (une roche métamorphique, ici de couleur rouille) et du calcaire. Normalement, la cornéenne devrait se situer au-dessus du calcaire. Si ce n’est pas le cas ici, c’est qu’il y a une faille, qui prend l’aspect d’une petite zone de déblai.

Nous poursuivons notre promenade jusqu’au sommet du mont Royal. Pierre Bédard nous montre bientôt un affleurement de gabbro. On y voit de petits trous : ce sont des vides laissés par des grains d’olivine qui sont disparus. Mais le géologue veut nous montrer une autre caractéristique amusante de la roche. Il sort un petit aimant au bout d’une chaînette qui se colle rapidement sur la surface. Ce gabbro contient de la magnétite, qui attire l’aimant. Ce ne serait pas une très bonne idée de se perdre ici et de sortir sa boussole : celle-ci serait faussée.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Il y a de la magnétite dans cette roche, du gabbro.

Mais nous trouvons facilement notre chemin jusqu’au belvédère Kondiaronk. D’ici, nous pouvons voir quelques autres collines montérégiennes, des cousines du mont Royal. En prenant le grand escalier pour redescendre, nous longeons un petit affleurement de cornéenne. Pierre Bédard nous explique que c’est une roche dure qu’on peut casser en éclats tranchants de forme un peu courbée. Les autochtones l’utilisaient pour faire des pointes de flèches et des lames de haches.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

De la roche qu’on pourrait tailler

« Il n’y avait pas de silex, affirme M. Bédard. La cornéenne constituait donc un matériau indispensable. »

Au bas de l’escalier, on trouve un autre phénomène intéressant : une résurgence. C’est de l’eau souterraine qui ressort entre les strates.

Nous pourrions poursuivre encore longtemps la balade. Pierre Bédard estime qu’il faudrait faire une randonnée d’une trentaine de kilomètres pour visiter tous les sites qu’il a répertoriés.

Ce n’est pas un problème. En utilisant son site internet, on peut faire plusieurs petites promenades, dans différents secteurs du mont Royal, pour déceler d’autres secrets géologiques.

Consultez le site de Pierre Bédard